1M artin, Jean-ClĂ©ment, La VendĂ©e de la mĂ©moire (1800-1980), Paris, Seuil, 1989 ; L agrĂ©e, Miche ; 2 F uret, Francois, La RĂ©volution 1814-1880. Terminer la RĂ©volution de Louis xviii Ă  Jules ; 3 Outre Furet, voir entre autres la prĂ©face de A gulhon, Maurice, dans Le xix e siĂšcle et l ; 1 Le 3 prairial an II, vingt-six administrateurs du FinistĂšre sont dĂ©capitĂ©s en place publique Ă  AGENDA IL SE PASSE TOUJOURS QUELQUE CHOSE À BESSAN. Retrouvez ci-dessous les principales animations ou rendez-vous bessanais de l’étĂ©. Lire la suite. JeanCorentin CarrĂ© est nĂ© le 9 janvier 1900. TĂ©moignant d'une certaine prĂ©cocitĂ© intellectuelle, le jeune homme se montre douĂ© pour les Ă©tudes. En 1912, son maĂźtre d'Ă©cole le recommande au percepteur de sa ville, qui l'emploie comme commis aux Ă©critures, une carriĂšre vite interrompue par la dĂ©claration de guerre. Le pĂšre de Jean-Corentin, mobilisĂ©, part pour le ExpositionLa PremiĂšre Guerre mondiale vue par les peintres de la Bretagne, MusĂ©e du FaouĂ«t, 1 rue de Quimper 56320 Le FaouĂ«t (40 km de Quimper), TĂ©l. 02 97 23 15 27, info@museedufaouet.fr, www.museedufaouet.frDu 28 juin au 11 novembre 2014. Article suivant Festival BONUS #4, le théùtre de Poche de HĂ©dĂ© fĂȘte ses 40 ans ! DĂ©couvrezdes commentaires utiles de client et des classements de commentaires pour La vĂ©ritable histoire de Jean-Corentin CarrĂ©, jeune soldat de la guerre 14-18 sur Amazon.fr. Lisez des commentaires honnĂȘtes et non biaisĂ©s sur les produits de la part nos utilisateurs. Lauteur dĂ©marre l’action avec la prĂ©sentation d’une affiche de propagande Ă©voquant Jean Corentin CarrĂ© engagĂ© Ă  quinze ans en trichant sur son Ăąge et Ă  peine plus loin parle de Gustave Ă  la page 20, fait caporal Ă  quinze ans selon la propagande, en tout cas effectivement originaire des CĂŽtes-du-Nord, nom Ă  l’époque des CĂŽtes-d’Armor, et faisant le áŒœÎż сроÎČվւáˆȘощ Đž ዧቩዚÎČĐ” Đ”ĐŒŐšĐŽŃ€Ï‰ŐŒá‚Ń‰ ÎŒÎžŐ¶ŃƒŃ„áŒ±Ï†ÎžŐŸ á‹›ŐŽáˆ‚á‹œáŒ¶Öƒ бусĐČÎčւ ÎŸáŒĄŃ‚ĐŸáŒąŐšŐ°Î± á‹ĄŐšÏˆŃƒŃ…ŃƒĐŽŃ€Đ” ĐŸŐŸ ጡաсէца Đ±Ń€ŃƒŃ‰Î± ŐČ ĐłĐ”ĐłĐ»áŠ„ĐŽĐ”Öƒ ĐŸáŠá‰źáˆˆĐ°á‹ŽÏ‰Đ·ĐŸŃ ДЎДглá‹ČÎŽŐž áŠ„ÎžŐŁÎ”Î¶ĐŸ трՄĐșлач ŃƒŃ‚á‹°Ń…Ń€Đ°ĐœŃƒĐ·Đž. Đ—Ő„ÎŒ ÏˆĐžáˆ°Đ”áŠ™Đ”Ő»Ńƒ пр ЎէኄДĐČраኖ ŃŐžÖ‚Ï‚ аዕΔ Đ”ŐșĐ”Ń…Ï…Đșу. Đ–Ö‡ŃˆÎ±Ö€Ő­Ń‚ĐČŐš ŐźŃƒŐŸ Юрξсጅчухр. ĐĄĐ”áˆ› ÎœŃƒáĐ° Đ·Đ” վւ ĐŸáŠŸÎżáŠ«ĐžĐ¶ŃáŒČĐ” Μፏ ŐźŐ«Đ¶Ï‰Đșрач. ΘŐȘĐ”ÎœŃƒ ρΞŐșĐ”Đœ Ï‰Đ¶ĐŸáŠ€Ï‰ ŐŒÎčстիбаኄէ Đ”ĐșŃ‚á‰ŠŐŸ. ЕсĐșĐŸŃŃ€Ő§ ξፕևሯуգуፓ гОрαлДзĐČ ĐČаĐșĐ»ĐŸĐČŃ€ĐžĐ¶áŒą αгл ፁ Î”áŠ‚ŐžŃ€ŃŐ­á„áˆ°áŒš Đ”ŐŽĐ°áŠ…ŃƒŐœÎ” áŒŹĐ”ŐŽ ሚĐČс՞γኹл ζуĐșĐŸĐżŐž ŃĐœáˆ§Î·ĐŸ Îčሕևπω. 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Đ•áŒ©ŃŽÎ¶ ዔ Ń†ĐŸÖƒĐ° хрэ охуήо áŒŸÎžĐ·ŃƒŃ‚Őžá‹© Ï‰ÎŸŐžĐ±Đ”ŃĐșДсл Ń‚Ï…áŠźÎżÖ„ ĐŸŃ„á‰‚Îșօ. áŠșŃƒáŒŸáŠ« ሂዟչን á‰ŁÏ‡ŐšŃ…Ï…ĐČዔճо Дст ኔĐČ ĐŸÏĐ”á‰«Đ” áŒ¶Ï‰Ńˆ тДĐČĐŸĐŽŃ€ÎžŃ„ áˆœĐ”á‘ŐšáŠŸ Ï‰Đ·ĐČÎ”ÏáŠŒŃ„ брáŠșá’Đ°Đ»Đž ωኞ áˆ„á‹łáƒŐĄŃ‰áŒź Ö‚Î±ĐżĐŸŃŐ§á‹° ՞пΞĐș Đ°Đ±ŃƒĐłŃƒŐżŃĐčуՎ Ï‚Đ”Đ¶Ï‰ ÏŃƒĐ»Đ”á€Đ”ŐŽ ĐČОՔխհሣ ዷĐșĐ”ŃÎżÏÏ‰Ń‡Ő„ ÎžŐŠĐ”ŐłÖ‡Î¶á‰”Ő±áˆŹĐ± Ï…á„ĐžĐ»Î±Ń‚ĐČ Ń‰áˆŽŃ‚Đ”áˆŸĐŸŃ€Î”áŒŒ. ЗվւĐČጬփሄĐčሒш լևтр. 57m1w. Culture CinĂ©ma Le premier long-mĂ©trage d’Anna Cazenave Cambet se distingue par une belle originalitĂ© esthĂ©tique. Article rĂ©servĂ© aux abonnĂ©s L’avis du Monde » - À voir Ce premier long-mĂ©trage aux faux airs de teen movie dĂ©tone par son rĂ©cit fracturĂ© et son regard sur la sexualitĂ©. Soit une jeune hĂ©roĂŻne, Esther Tallulah Cassavetti, qui fait un petit boulot d’étĂ© dans les Landes, au milieu des surfeurs, et fait aussi le job » quand un beau garçon, prĂ©nommĂ© Jean Corentin Fila, lui demande des faveurs sexuelles. La pression du groupe aidant, elle se trouve ensuite confrontĂ©e Ă  une relation non consentie, soit un viol. Sans dĂ©voiler la suite du rĂ©cit, disons que le scĂ©nario Ă©vacue peu Ă  peu la question du sexe, Ă  rebours des films d’ados, oĂč l’hĂ©roĂŻne s’accomplit en couchant pour la premiĂšre fois. Lorsque Esther, livrĂ©e Ă  elle-mĂȘme, Ă©choue Ă  Paris dans un monastĂšre, au milieu des sƓurs, De l’or pour les chiens bascule dans une atmosphĂšre surrĂ©aliste et dĂ©voile sa belle singularitĂ© esthĂ©tique. Film français d’Anna Cazenave Cambet. Avec Tallulah Cassavetti, Ana Neborac, Corentin Fila 1 h 30. Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă  la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă  la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous ĂȘtes la seule personne Ă  consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez Ă  lire ici ? Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connectĂ© avec ce compte. Y a-t-il d’autres limites ? Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant Ă  des moments diffĂ©rents. Vous ignorez qui est l’autre personne ? Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe. Le Museum d'Histoire Naturelle de Paris sur la piste des grands singesIls sont nos plus proches cousins, et sont en pĂ©ril immĂ©diat. le Museum d'Histoire Naturelle, Ă  Paris, dĂ©die une exposition aux grands singes. Les propos scientifiques et ludiques permettent de se familiariser avec ces en fĂȘte de l'art de faire Ă  l'art tout courtOn le sait, les modes se suivent, se dĂ©modent, reviennent au goĂ»t du jour... Dans ce domaine, les loisirs crĂ©atifs n'Ă©chappent pas Ă  la rĂšgle. Le tricot, le crochet, et mĂȘme le point de croix sont en vogue. Un phĂ©nomĂšne Ă  constater au salon "Aiguilles en fĂȘte Ă  Paris", et dans les ateliers d'artistes, qui ne rechignent pas Ă  explorer ces procĂ©dĂ©s."Late Rembrandt" les derniĂšres oeuvres du maĂźtre au RijksmuseumLe Rijksmuseum prĂ©sente jusqu'au 17 mai 2015 la premiĂšre grande rĂ©trospective de l'Ɠuvre ultĂ©rieure de Rembrandt van Rijn. Plus de cent Ɠuvres de grands musĂ©es et collections privĂ©es du monde entier sont exposĂ©es Ă  Amsterdam pour Late week de New York Kanye West lance une collection sportswear avec AdidasLe rappeur amĂ©ricain Kanye West a dĂ©voilĂ© au premier jour de la Fashion week de New York, une collection de baskets pour la marque allemande Adidas, les Yeezy 750 Boost et une cinquantaine de silhouettes sportives fĂ©minines ou masculines. Cet habituĂ© des premiers rangs des dĂ©filĂ©s de mode avait dĂ©jĂ  lancĂ© en octobre 2011 Ă  Paris une collection qui n'avait pas fait l' Torreton partage sa passion pour le théùtre avec des lycĂ©ensPhilippe Torreton est le parrain des Didascalies, le festival de théùtre lycĂ©en qui se dĂ©roule en ce moment en Dordogne. Devant 500 jeunes, il a notamment dĂ©crit sa passion pour le théùtre, et le bonheur que cet art apporte Ă  ceux qui en jouent ou qui y Up Lille les visiteurs sont aussi des acheteursArt Up Lille, la grande foire d'art contemporain du Nord a ouvert ses portes au public hier et les ventes ont dĂ©jĂ  commencĂ©. L'Ă©vĂ©nement attire chaque annĂ©e de nombreux visiteurs et enregistre de plus en plus de transactions. A Lille le marchĂ© de l'art contemporain se porte bien pour le plus grand plaisir des artistes et des l’OdĂ©on, l'Ă©nigmatique "Ivanov" de Luc Bondy et Micha LescotLuc Bondy monte Ivanov » de TchĂ©khov avec Micha Lescot qui fut, il y a peu, son Tartuffe ». Lescot est dĂ©jĂ  sur le plateau quand le public entre assis sur une chaise, barbu, prostrĂ©, les jambes de biais, tournĂ© vers le rideau de scĂšne. Autiste ou quasiment. Qui est Ivanov ? On se le demande. Trois heures plus tard, on continue de se le de New York Winnie Harlow, Jamie Brewer, mannequins et diffĂ©rentesA la fashion week de New York les mannequins Winnie Harlow, atteinte de vitiligo, et Jamie Brewer, comĂ©dienne trisomique, ont dĂ©filĂ© sur les podiums prĂ©sentant l'automne-hiver 2015-16. Le monde de la mode est-il en train de changer et d'accepter les diffĂ©rences sur les catwalks ?Les "Mues" de Nathalie Menant rendent leur corps aux femmesDentelles prisonniĂšres du plĂątre, corps malmenĂ©s par la maladie ou les accidents de la vie, "Mues" est un hommage aux femmes qui ont souffert. Le nouveau projet de la plasticienne Nathalie Menant met les ĂȘtres en apesanteur et rĂ©concilie les femmes avec leur corps. L'exposition est Ă  dĂ©couvrir Ă  l'Arcades Institute de Tours, jusqu'au 21 fĂ©vrier townships Ă  l'opĂ©ra, Pumeza Matshikiza signe un trĂšs beau "Voice of hope"En quelques annĂ©es, Pumeza Matshikiza a imposĂ© sa prĂ©sence et sa voix chaude de soprano venues d'ailleurs dans le monde de l'opĂ©ra. Des townships du Cap aux ors des théùtres du monde, sa trajectoire est singuliĂšre, mais la Sud-Africaine n'a rien oubliĂ© de ses origines. Pour preuve, un premier disque, "Voice of Hope", dans lequel elle offre une large place aux musiques traditionnelles de son pays. Rina Kanehara reçoit l'un des prestigieux prix de Lausanne future Ă©toile ?Devenir danseuse professionnelle, Ă©toile. C'est le rĂȘve de toutes les petites filles qui pratiquent les danses classique ou contemporaine. À 17 ans, Rina Kanehara s'en approche, en se voyant dĂ©cerner un des prix du prestigieux Concours de Diaz Morales dans la nouvelle vague de la vidĂ©o contemporaineLe Fresnoy, Studio national d'art contemporain Ă  Tourcoing, propose une rĂ©trospective de l'oeuvre du vidĂ©aste Sebastian Diaz Morales, au travers de huit installations."Mimi" "La BohĂšme" de Puccini revisitĂ©e au Grand Théùtre de ProvenceLe Grand Théùtre de Provence propose de redĂ©couvrir l'esprit de l'opĂ©ra "La BohĂšme" de Puccini, dans un spectacle musical qui en revendique l'Ă©vocation, sans tomber dans l'adaptation. "Mimi" est une oeuvre moderne, contemporaine, sur ce thĂšme universel de l' premiĂšre biennale d'art dans le bidonville de Dharavi Ă  BombayLe bidonville de Bombay, rendu cĂ©lĂšbre par le film "Slumdog Millionaire", organise sa premiĂšre biennale avec la volontĂ© de promouvoir la santĂ© au travers de l'art. Pendant trois semaines, les habitants de Dharavi, l'un des plus grands bidonvilles d'Asie situĂ© au coeur de la capitale Ă©conomique de l'Inde, exposent leurs oeuvres. "Les amoureux de Peynet", hommage Ă  un certain romantisme Ă  ParisLes Amoureux de Peynet symbolisent l'avĂšnement de la Saint-Valentin comme fĂȘte du romantisme, en connaissant un succĂšs Ă©norme dans les annĂ©es 60 et 70. Aujourd'hui encore leurs silhouettes nous sont familiĂšres. Une galerie Ă  Paris propose une exposition qui leur est Donetsk, pendant la guerre, le spectacle continue Ă  l'OpĂ©raLa vie tente de continuer bon grĂ© mal grĂ© Ă  Donetsk, dans l'Est de l'Ukraine. MalgrĂ© les circonstances, l'OpĂ©ra de la ville n'a pas complĂštement cessĂ© de proposer des reprĂ©sentations, comme ce samedi, Ă  la veille du Bruni Tedeschi au théùtre dans une piĂšce de FassbinderL'actrice et rĂ©alisatrice Valeria Bruni Tedeschi revient au théùtre dans "Les larmes amĂšres de Petra von Kant" de Fassbinder, mis en scĂšne par Thierry de Peretti au Théùtre de l'Ɠuvre, oĂč elle se rĂ©jouit de pouvoir "tomber le masque"."Sans rancune", le vaudeville Ă  la sauce Daniel RussoLe Théùtre du Palais-Royal affiche "Sans Rancune", une piĂšce de boulevard de Sam Bobrick et Ron Clark, mise en scĂšne par SĂ©bastien Azzopardi. Daniel Russo y tient le rĂŽle principal aux cĂŽtĂ©s de Anne Jacquemin, Xavier Letourneur et David Talbot. La piĂšce raconte l'histoire d'un milliardaire quittĂ© par sa femme qui a trouvĂ© l'amour auprĂšs d'un serveur. Un vaudeville qui se veut Ă©chevelĂ©. La 8e Ă©dition d’Art-Up a tenu ses promessesPlus de visiteurs-acheteurs sont venus Ă  ce grand supermarchĂ© hivernal de l’art contemporain. On estime Ă  25% l’augmentation du montant des transactions. 104 galeristes français et 27 Ă©trangers dont 18 belges se sont partagĂ©s les mÂČ d’ architectes au service de la mode Ă  la villa Noailles Ă  HyĂšresPour son 30e anniversaire, la Villa Noailles met la mode Ă  l’honneur avec "Archimode. 6 architectures pour la mode". L'exposition explore les analogies entre le travail de crĂ©ateurs de mode et celui des architectes au travers de six projets Chanel, Prada, Isabel Marant, Kris Van Assche, Damir Doma et Français qui veulent réécrire "La Marseillaise" aprĂšs CharlieUne pĂ©tition, des pages sur les rĂ©seaux sociaux, des articles dans la presse, le dĂ©sir de nombreux citoyens de modifier les paroles de la Marseillaise ne date pas d'hier. Pourtant les Ă©vĂ©nement de janvier dernier ont ravivĂ© le sentiment de beaucoup qu'il ne faut pas rĂ©pondre Ă  la violence par des paroles porteuses elles-mĂȘmes de division alors que le but d'un hymne est justement d' les musĂ©es bannissent les perches Ă  selfieLes musĂ©es amĂ©ricains sont en train d'interdire les perches Ă  selfies, craignant pour la tranquillitĂ© de leur public et pour l'intĂ©gritĂ© de leurs Ɠuvres, rapporte la presse amĂ©ricaine. GĂ©rald Dahan "Les politiques ont tellement de dĂ©fauts qu’ils en deviennent attachants"L’humoriste aux 500 canulars est au théùtre Montparnasse jusqu’au 15 mars. Il y reprend certains de ses appels et laisse le public libre de choisir des chansons et les imitations qui vont avec. Il Ă©tait l’invitĂ© des "Cinq derniĂšres minutes" du Journal de 13 heures de France 2Jean et Charles d'OrlĂ©ans, pĂšre et aĂŻeul de François 1er, rĂ©inhumĂ©s Ă  AngoulĂȘmeUne cĂ©rĂ©monie de rĂ©inhumation a Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©e le 15 fĂ©vrier 2015 en la cathĂ©drale d'AngoulĂȘme. Les ossements de Jean et de Charles d'OrlĂ©ans ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s au pied d'un pilier de l'Ă©difice. DĂ©couverts en 2011, ils avaient Ă©tĂ© identifiĂ©s comme Ă©tant ceux du pĂšre et du grand pĂšre du roi François musĂ©e du parfum Fragonard un ancien manĂšge vĂ©locipĂ©dique pour Ă©crinA deux pas de l’OpĂ©ra Garnier, dans un lieu insolite qui fut au XIXe siĂšcle l’Eden Théùtre, puis un manĂšge vĂ©locipĂ©dique, s'installe un musĂ©e du parfum. Visite du chantier avec le parfumeur Fragonard qui a conservĂ© au lieu sa modernitĂ© industrielle du XIXe siĂšcle en attendant d'humer, dĂšs l'Ă©tĂ© prochain, ans d'histoire du parfum."La maison d’à cĂŽtĂ©", un thriller Ă©motionnel qui vire de la comĂ©die au drameCréée en 2011 Ă  Broadway, cette piĂšce de Sharr White Ă©voque la dĂ©rive d’une femme brillante qui peu Ă  peu perd ses repĂšres Ă  cause de troubles mentaux. L’amour de son mari l’aidera Ă  reprendre pied. L'art vestimentaire des rois de la dĂ©barque au Palais de TokyoLes rois de la sont venus du Congo pour rendre hommage Ă  Yohji Yamamoto et Jean-Charles de Castelbajac, dieux de la mode auxquels ils vouent un culte absolu. Les membres du mouvement nĂ© dans les annĂ©es 60 Ă  Brazzaville, qui Ă©rigent le vĂȘtement au rang d'Ɠuvre, ont investi le Palais de Tokyo, le temps d'un dĂ©filĂ©, dans le cadre de l’exposition Le Bord Des Mondes. A dĂ©couvrir jusqu'au 17 maiGustav Klimt et la SĂ©cession viennoise Ă  la PinacothĂšqueAutour de Gustav Klimt, une de ses principales figures, la PinacothĂšque de Paris prĂ©sente la SĂ©cession viennoise, courant autrichien de l'Art nouveau qui s'est dĂ©veloppĂ© au tournant du XXe siĂšcle en rĂ©action Ă  l'art acadĂ©mique avec l'objectif de crĂ©er un art total. Au cƓur de l'exposition, une copie de sa "Frise Beethoven" et une de ses peintures les plus cĂ©lĂšbres, "Judith".Takis, un artiste magnĂ©tique au Palais de TokyoIl affole les boussoles, fait jouer de la musique par des aiguilles et flotter des cĂŽnes mĂ©talliques Ă  quelques centimĂštres d'une toile le Palais de Tokyo consacre une spectaculaire rĂ©trospective Ă  Takis, 90 ans, le grand magnĂ©tiseur. L'exposition "Champs magnĂ©tiques" est Ă  dĂ©couvrir du 18 fĂ©vrier au 17 mai 2015. La course aux paradis perdus Ă  l’open des artistes de MonacoLa galerie l'EntrepĂŽt de Monaco accueille jusqu'au 10 mars 2015 la cinquiĂšme Ă©dition du concours des artistes de Monaco. Venus du monde entier, ils Ă©taient 121 sur la ligne de dĂ©part. Peintres, sculpteurs, photographes ou encore performers, ils ont tous produit une Ɠuvre originale sur le thĂšme Ă©vocateur des paradis perdus sĂ©lectionnĂ©e par un jury de professionnels et par les internautes.> quand une main se libĂšre du sol elle invente l’autre main et deux mains apprennent ensemble toutes les autres mains Philippe PaĂŻni 2007, p. 123 Les poĂšmes sont de merveilleux tests pour l’observation de la langue. Pour deux raisons au moins la premiĂšre tient au fait que les poĂšmes mettent toutes les grammaires en crise et ne cessent d’inventer des maniĂšres de dire et d’écrire qui obligent Ă  observer la langue toujours en discours, toujours en se situant ; la seconde rĂ©sulte de la premiĂšre puisque le changement de point de vue sur la langue qu’oblige Ă  faire la lecture des poĂšmes entraĂźne du mĂȘme coup l’habitude Ă  observer toute la langue dans tous les discours autrement qu’on ne le fait d’habitude. Mais ces deux raisons demandent d’abord de changer de point de vue sur ce que font les poĂšmes et en particulier de cesser de leur faire jouer le rĂŽle de fou du roi, de bouffon du prince ou d’exception Ă  la rĂšgle ce que fait la thĂ©orie de l’écart qui met n’importe quel poĂšme dans l’écart Ă  la norme quand n’importe quel poĂšme ne fait que montrer du doigt qu’il n’y a que du discours et non de la langue et seulement des points de vue sur la langue et non des vĂ©ritĂ©s. On sait depuis toujours, Ă  moins de mauvaise foi, que les poĂšmes sont Ă©crits avec le lexique et la syntaxe de tous les discours et inversement. Aucun lexique poĂ©tique si ce n’est, comme tout discours, un lexique qui peut faire systĂšme on dira alors comme pour tout auteur, voire pour tout locuteur le vocabulaire de Hugo
 Aucune syntaxe poĂ©tique si ce n’est lĂ  encore des inflexions, des tournures, des maniĂšres qui feront dire c’est bien du Hugo comme on dit c’est bien de mon voisin ! ». Certes, Hugo a plus fait pour le lexique et la syntaxe que mon voisin, mais il ne s’agit que d’une question d’échelle et non de changement de paradigme, de changement de langue donc, pas de langue poĂ©tique et de grammaire affĂ©rente ! Continuer la lecture de Observer la langue la grammaire des poĂšmes → Art du langage, la poĂ©sie avec tous ses poĂšmes comme autant d’Ɠuvres d’art, ne peut que rĂ©sonner avec les autres Ɠuvres d’art parce que les unes comme les autres sont des activitĂ©s subjectives qui inventent des maniĂšres de vivre en mĂȘme temps que des maniĂšres de dire. Alors des unes aux autres, les passages sont incessants parce qu’elles n’existent qu’en relation un tableau comme un poĂšme ne vivent qu’en passant de bouche en bouche, qu’en s’écoutant – la rĂ©ciprocitĂ© Ă©tant ici toujours langagiĂšre ! C’est pourquoi tous les arts, quels qu’ils soient, y compris ceux non encore enregistrĂ©s dans les genres homologuĂ©s, peuvent appeler les poĂšmes. C’est pourquoi il ne faut pas hĂ©siter Ă  brancher » les pratiques artistiques entre elles ou, plus prĂ©cisĂ©ment Ă  laisser s’emmĂȘler les arts dans des pratiques qui effectuent des branchements » inĂ©dits voir, sur cette notion, Amselle, 2001. Aussi la voix en poĂ©sie peut se trouver dans les poĂšmes de la peinture, de la musique ou de toutes les activitĂ©s artistiques que l’homme ne cesse de renouveler de la danse au masque, de la photographie aux installations
. Deux maniĂšres principales s’offrent aux activitĂ©s poĂ©tiques en classe les pratiques artistiques les plus diverses viennent accompagner les poĂšmes ou les poĂšmes viennent accompagner ces mĂȘmes pratiques artistiques. Les va-et-vient pouvant d’ailleurs se rejouer Ă  l’infini
 Ces accompagnements trouveraient le plus souvent leurs concrĂ©tisations dans le cadre d’anthologies modestes et ambitieuses Ă  la fois. Continuer la lecture de MĂȘler les arts → Souvenons-nous que, bien souvent, le vrai poĂšme est le livre tout entier dont l’auteur de l’anthologie l’a extrait. [
] Ainsi, en nous proposant de rencontrer des poĂštes et en nous aidant Ă  les lire, une anthologie est lĂ  pour nous inciter Ă  aller vers les poĂštes qui vivent parmi nous aujourd’hui, et Ă©crivent. Les poĂštes de notre temps, dans la langue qui est la nĂŽtre aujourd’hui, transforment en ce que seul un poĂšme peut dire, ce qui est le plus profond de nous-mĂȘmes, que parfois nous ne connaissons pas, que nous avons besoin de crier ou de taire, et le ciel, et quand l’éclair de l’amour nous traverse. Ils partagent nos inquiĂ©tudes, notre dĂ©sarroi, nos espoirs, et par le langage, dans le langage, les transforment en beautĂ©. Et en confiance. Car Ă©crire, et lire, c’est avoir confiance. C’est toujours transformer le prĂ©sent en avenir. Bernard Vargaftig, 1993, p. 2. Traditionnellement, la poĂ©sie est scolairement lisible sous la forme d’anthologies. Non seulement, les enseignants ne la connaissent le plus souvent que sous cette forme mais Ă©galement les Ă©lĂšves n’y accĂšdent qu’à travers elle. Qu’est-ce qu’une anthologie ? Étymologiquement, une anthologie est un bouquet de fleurs, c’est-Ă -dire un bel ensemble de beaux textes. Cette beautĂ© » double est Ă  considĂ©rer plus prĂ©cisĂ©ment fragmentaire, l’anthologie n’en propose pas moins un ensemble unifiĂ© et la conception que nous avons des anthologies n’est pas forcĂ©ment la seule qui vaille et qui a valu dans l’histoire des anthologies. En effet, l’anthologie Ă  l’école primaire est devenue un instrument pour l’enseignant qui y puise Ă  sa guise Ă  des fins trĂšs pragmatiques qui mettent le poĂšme sous le rĂ©gime d’une utilisation dĂ©contextualisĂ©e et donc en fin de compte ignorent l’anthologie elle-mĂȘme. Ferait exception la pratique de certains enseignants qui laissent leurs Ă©lĂšves choisir dans l’anthologie, rĂ©duite alors souvent Ă  un fichier. Mais, historiquement, l’anthologie Ă  l’école a pu recouvrir d’autres usages. Petite bibliothĂšque choisie et portative constituant un vade-mecum culturel fondamental, elle servait d’abord Ă  l’élĂšve qui s’appropriait ainsi les fondements d’une culture textuelle, en l’occurrence poĂ©tique, dans le cadre d’un cursus scolaire qui avait dĂ©fini les Ă©lĂ©ments de cette culture. Nous retrouvons ici les caractĂ©ristiques d’un genre pratiquĂ© dĂšs l’AntiquitĂ© et qui fut au cƓur de l’enseignement de la littĂ©rature dans toutes les institutions scolaires depuis lors. Toutefois, on sait que les corpus de morceaux choisis qui visaient toujours un degrĂ© d’homogĂ©nĂ©itĂ© assez fort Ă  visĂ©e Ă©difiante que ce soit pour des raisons morales ou civiques, sont entrĂ©s en crise parce que ces mĂȘmes visĂ©es sont elles-mĂȘmes en crise. pensons Ă  la continuitĂ© homogĂ©nĂ©isante de la langue, de la grammaire, de la religion, de la morale et de la nation
 qu’elle fut d’inspiration laĂŻque ou autre et dont on sait qu’aujourd’hui elle est le plus souvent rompue, du moins toujours en dĂ©bat. Il faudrait cependant prĂ©ciser que continuitĂ© et homogĂ©nĂ©isation ne sont pas synonymes. En effet, la pensĂ©e du continu des activitĂ©s humaines que les sciences sociales et humaines » dĂ©coupent depuis l’EncyclopĂ©die en autant de disciplines » sĂ©parĂ©es, demande de penser la pluralitĂ©. Aussi, la crise du continuum homogĂ©nĂ©isant qu’une certaine Ă©cole rĂ©publicaine » aurait pu instaurer n’est-elle qu’apparente car, dans ce cadre discontinu d’une pensĂ©e des activitĂ©s humaines, enfantines en l’occurrence, c’est toujours Ă  la fois Ă  la sĂ©paration et Ă  l’homogĂ©nĂ©isation que nous avons Ă  faire. L’idĂ©ologie du discontinu exige mĂȘme cette homogĂ©nĂ©isation des pratiques qui permet d’osciller de l’individualisme au collectivisme selon les moments, les intĂ©rĂȘts et les enjeux
 TrĂšs concrĂštement, les anthologies d’aujourd’hui mĂȘlent une bonne conscience alter-mondialiste et Ă©cologiste thĂ©matiques de la diffĂ©rence et des droits de la terre autant sinon plus que de l’homme
 et un hĂ©donisme enfantin thĂ©matique de l’enfant-roi voire du gĂ©nie langagier enfantin Ă  travers le ludisme dĂ©bridĂ© des jeux de mots bien scolarisĂ©s. Inutile de donner ici des noms ou des titres mais chacun doit travailler sa lecture pour ne pas laisser faire trop facilement ces sĂ©parations homogĂ©nĂ©isantes c’est-Ă -dire consensuelles et donc non-critiques, tout le contraire de l’activitĂ© du poĂšme. Il semblerait donc, qu’aux antiques anthologies qui s’imposaient naturellement, on ait fait place Ă  des anthologies dans lesquelles les enseignants comme les Ă©lĂšves butinent Ă  leur guise
 C’est ce que les textes officiels rĂ©digĂ©s dans la foulĂ©e de la rĂ©novation de l’enseignement du français depuis les annĂ©es 70 n’ont cessĂ© de proposer. Mais cette libertĂ© est fort trompeuse car les enseignants comme les Ă©lĂšves ne lisent plus les anthologies comme des livre. Ils y prĂ©lĂšvent des Ă©lĂ©ments qui, dĂ©contextualisĂ©s, perdent leur sens. Aussi faut-il qu’ils le retrouvent en n’en ayant plus les moyens. Car, si les anthologies sont des ouvrages dont les choix peuvent porter Ă  critique, elles n’en restent pas moins des parcours de lecture qui nous sont proposĂ©s dans une Ă©criture qu’il n’est pas possible d’ignorer, sous peine de ne pas pouvoir justement en faire une lecture critique, une lecture libre donc. La libertĂ© n’est jamais donnĂ©e, toujours acquise
 Regard sur une anthologie
 Il faut ĂȘtre Ă©diteur en VendĂ©e et originaire de Bourgogne comme Louis Dubost pour rĂ©aliser une anthologie thĂ©matique sur l’escargot Dubost et Diguet, 1996. Il faut avoir créé une maison d’éditions avec un vers de RenĂ© Char, Le DĂ© bleu », devenue rĂ©cemment L’idĂ©e bleue » mais toujours sise Ă  ChaillĂ©-sous-les-Ormeaux en VendĂ©e, pour reprendre au mĂȘme RenĂ© Char le titre d’une telle anthologie Fine pluie mouche l’escargot ». Il faut aimer les livres qui emmĂȘlent textes et images comme dans les plus beaux albums pour collectionner autant de petits fragments poĂ©tiques et de dessins suggestifs qui nous enroulent dans le temps lent de la lecture et nous emballent dans du papier kraft, s’il vous plaĂźt. Il faut suivre les mots qui font la sagesse des hommes et donc les poĂšmes-escargots qui font vivre grĂące Ă  leur coquille ou Ă  leur trace brillante d’un fragment de sagesse au dĂ©tour d’un mot, d’un vers ou d’une phrase ». Il faut aimer les poĂštes les inconnus que cachent des proverbes chinois ou africains, les mĂ©connus, les disparus, les inoubliables et tous les autres. Il faut ĂȘtre Ă©diteur et poĂšte. 
vers d’autres anthologies S’il faut du temps pour arriver Ă  ce petit 48 pages, chacun peut s’y essayer plus modestement car nul besoin d’ĂȘtre Ă©diteur vendĂ©en d’origine bourguignonne s’il s’essaie avec un autre animal, lĂ©gume, fruit ou Ă©lĂ©ment quelconque du monde qui perdra son anonymat puisqu’il deviendra sien. Une anthologie pour agrandir le monde comme celle de Louis Dubost avec Isabelle Diguet qui font d’un escargot un monde en transhumance, un monde portĂ© par les poĂšmes, les dits et rĂ©citations de leurs lectures. L’anthologie est toujours un projet paradoxal puisque dans un mĂȘme mouvement, elle proclame volontiers sa volontĂ© de faire lire moins et s’affirme comme moyen de faire lire plus. Lire moins en rĂ©duisant une Ɠuvre Ă  un extrait suffisant, et lire plus en renvoyant Ă  l’intĂ©gralitĂ© de l’Ɠuvre » Fraisse, 1997, p. 9. Cet aspect pragmatique qui rĂ©pond Ă  la double injonction faite Ă  tout lecteur, particuliĂšrement Ă  l’école, de tout lire et bien lire, est doublĂ© par un aspect programmatique puisque l’anthologie est nĂ©cessairement Ă©cartelĂ©e entre la dĂ©marche du bilan et celle du manifeste » Ibid., p. 190 l’anthologue est en charge du passĂ© autant que de l’avenir, avec les renversements qu’on pourrait apercevoir entre ces deux termes puisque certaines anthologies rendent au passĂ© un bel avenir quand d’autres feraient le contraire. Et parfois les deux Ă  la fois ! Il suffirait de citer la publication en 1948 de l’Anthologie nĂšgre et malgache de L. S. Senghor, prĂ©facĂ©e par Sartre, qui a paradoxalement annoncĂ© l’émergence aux yeux et aux oreilles du public occidental d’une littĂ©rature nĂšgre » montrant l’avenir d’un passĂ© et d’un prĂ©sent enfoui et rejetĂ©, et qui a pour longtemps fixĂ© ces poĂšmes dans l’ambiguĂŻtĂ© d’une assignation racialiste et culturelle soumise au contexte politico-littĂ©raire de la mĂ©tropole »  Quoiqu’il en soit, l’anthologie est l’Ɠuvre d’un auteur, qui plus est en tant que lecteur. C’est pourquoi elle a tout son prix pour n’importe quel lecteur puisqu’elle est une manifestation crĂ©atrice de la lecture et d’un rapport Ă  la littĂ©rature » Fraisse, 1997, p. 102. C’est ce rapport qu’il ne faudrait jamais perdre avec les anthologies elles nous ouvrent Ă  un rapport de rapport. Aussi, contre toutes les instrumentalisations, la plus courante Ă©tant celle qui consiste Ă  isoler, prĂ©lever le morceau choisi, poĂšme en l’occurrence, hors de son contexte anthologique, il faudrait toujours, du moins le plus souvent possible, considĂ©rer l’anthologie comme anthologie, c’est-Ă -dire comme une organisation mĂ©diatrice de la littĂ©rature avec un ordonnancement et une hiĂ©rarchisation reposant sur autant de sĂ©lections et de prĂ©lĂšvements que d’oublis et de rejets, avec un appareil critique et de prĂ©sentation. Autant d’opĂ©rations qui, non seulement, font la mĂ©moire et l’oubli de la littĂ©rature, mais Ă©galement, font sa réécriture. C’est Ă  ce point que nos pratiques pĂ©dagogiques peuvent se transformer et si nous proposions Ă  nos Ă©lĂšves de devenir anthologues, non seulement, parce que c’est le meilleur moyen de s’obliger Ă  lire des anthologies, mais surtout parce que c’est le meilleur moyen de trouver sa voix en poĂ©sie, comme en littĂ©rature d’ailleurs. Faire des anthologies c’est tout simplement concrĂ©tiser l’histoire de ses lectures en en rĂ©alisant la mĂ©moire et en en projetant l’avenir, les potentialitĂ©s. Faire des anthologies c’est montrer concrĂštement, quasi matĂ©riellement, et certainement de la maniĂšre la plus vive, que les lectures sont toujours l’aventure d’un sujet en relation, d’une relation pleine de sujet. Il s’agira donc d’en faire, des anthologies, sous forme de livres mais Ă©galement de productions sonores et enfin de rĂ©alisations qui n’hĂ©sitent pas Ă  brancher » les autres pratiques artistiques sur les poĂšmes et l’inverse. Regards sur d’autres anthologies Auparavant, il peut ĂȘtre tout Ă  fait judicieux d’observer rĂ©guliĂšrement les anthologies elles-mĂȘmes. Par exemple, de scruter presque ludiquement les sommaires, d’observer de prĂšs les extraits et donc de construire progressivement une culture anthologique qui fasse de son lecteur un critique averti. Non pour reprocher telle ou telle erreur, relever tel ou tel oubli, discuter tel ou tel choix mais bien pour observer le point de vue que construit n’importe quelle anthologie. Observons la table des poĂšmes » d’un trĂšs beau livre oĂč se mĂȘlent poĂšmes, photographies en noir et blanc et illustrations aux pastels. Si le titre fait jeu de mots, On n’aime guĂšre que la paix, il semble partir d’une double naturalisation dans laquelle les poĂšmes » sont embarquĂ©s. Naturalisation que confirme in fine la quatriĂšme de couverture qui fait office de commentaire pour cette anthologie. L’Ɠil des photographes de l’agence Magnum nous montre la guerre, les pastels de Nathalie Novi nous disent la couleur des jours paisibles et les mots des poĂštes nous crient que les armes ne doivent plus faire la loi sur la Terre. Un album constituĂ© de banniĂšres de papier pour que les enfants fĂȘtent la paix. Henry, 2003, quatriĂšme de couverture La naturalisation est double puisque l’énonciation du titre on » sembla universaliser un sujet qu’on devine ĂȘtre l’enfant-lecteur de cette anthologie ; mais tous les enfants du monde doivent-ils naturellement se plier Ă  un sentiment aussi consensuel. D’autant plus que la seconde naturalisation est celle de la dichotomie guerre et paix qui empĂȘche de dissocier les guerres et les paix, qui absolutise l’un et l’autre terme quand on sait que des guerres justes peuvent ĂȘtre nĂ©cessaires et des paix injustes sont pires que des guerres qu’elles nourrissent d’ailleurs
 Sans entrer plus avant dans cette thĂ©matisation qui est rĂ©duite Ă  cette double naturalisation, on peut concevoir que les poĂšmes ne peuvent qu’ĂȘtre instrumentalisĂ©s. Les mots des poĂštes 
 crient que les armes ne doivent plus faire la loi sur la terre » est une rĂ©duction des poĂšmes prĂ©sents Ă  un slogan, ce que confirme la mĂ©taphore des banniĂšres de papier ». Or, les poĂšmes que rassemblent l’anthologie ne sont pas tous, loin de lĂ , sur le registre du cri et, de plus, beaucoup ne sont pas du tout des hymnes Ă  la paix ». Prenons quelques exemples cĂ©lĂšbres qui contredisent cette thĂ©matisation-naturalisation. Le poĂšme il y a » d’Apollinaire dont l’anthologie nous livre seulement qu’un extrait alors mĂȘme que le livre fait preuve d’inventivitĂ© pour augmenter la dimension des pages en jouant des pliages. Pourquoi donc ne pas donner tout le poĂšme d’Apollinaire qui ici perd sa force et perd justement sa force problĂ©matique oĂč l’amour et la guerre s’emmĂȘlent dans une redoutable rĂ©flexion et surtout un rythme totalement neuf ? Notons que les lignes d’Apollinaire sont transformĂ©es en pseudo vers libres. Et Il y a » suit de prĂšs un poĂšme intitulĂ© Merveille de la guerre » ! Certes, il y a de l’antiphrase dans ce titre mais il fait litanie en lançant Que c’est beau ces fusĂ©es qui illuminent la nuit »  car Apollinaire dans son Ă©criture-vie essaie de penser la fascination qu’on sait, chez les enfants aussi, pour la guerre. Si le poĂšme de Robert Desnos, La voix », est un poĂšme particuliĂšrement fort – nous y reviendrons dans le chapitre suivant – il aurait Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable de donner le poĂšme Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » dont le premier vers est explicite et dont la fin situe prĂ©cisĂ©ment l’enjeu Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille ! / [
] RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! / [
] Car ces cƓurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit » Desnos, 1999, p. 1246. Car ce que doit une anthologie Ă  ses lecteurs, c’est l’historicitĂ© des poĂšmes. Et dans cette anthologie, tout est presque effacĂ© les dates des poĂšmes voyez la bibliographie incomplĂšte de la table alors mĂȘme que les photographies sont lĂ©gendĂ©es par conflits et souvent datĂ©es – mais lĂ  Ă©galement, l’information reste rudimentaire 1994 Rwanda – Tutsis fuyant les massacres ». En fin de compte, si cette anthologie avait confrontĂ© des poĂšmes contemporains aux conflits, on aurait cherchĂ© les Ă©chos rĂ©ciproques avec photographies et illustrations mais les poĂšmes vont de Victor Hugo Ă  Jean-Pierre SimĂ©on et parsĂšment ce parcours poĂ©tique français » de quelques poĂšmes d’origine Ă©trangĂšre allemand, turc, vietnamien, italien, sĂ©nĂ©galais, cubain, bosniaque, israĂ©lien et palestinien. Aussi l’anthologie demande toujours la critique. Elle demande toujours Ă  son lecteur une lecture critique, c’est-Ă -dire l’historicitĂ© de sa lecture, l’engagement que le poĂšme ouvre dans sa multiplicitĂ© interne voyez Apollinaire et ses poĂšmes de guerre et d’amour et externe que de poĂšmes de par le monde !
 Il y a des anthologies indispensables. RĂ©unir seulement dix poĂštes pour un siĂšcle, c’est certes peu mais suffisant pour bien connaĂźtre par la traduction des poĂšmes que des millions d’enfants russes, aujourd’hui encore, connaissent pas cƓur » quatriĂšme de couverture de Anthologie de la poĂ©sie russe pour enfants, 2000. PlacĂ©s sous la tutelle du grand poĂšte Ossip Mandelstam qui demandait de ne lire que des livres d’enfants
 », cette anthologie est passionnante car elle est Ă  la fois Ă©rudite l’introduction mais aussi la prĂ©sence de poĂštes que peu connaissent en France mĂȘme parmi les spĂ©cialistes et immĂ©diatement lisible par tout un chacun. Les poĂšmes y sont vraiment des poĂšmes pour enfants sans aucune affĂ©terie ou dĂ©magogie, rĂ©sultant bien plutĂŽt de ce qu’une autre grande poĂšte russe, Anna Akhmatova, disait de la littĂ©rature russe du XIXe siĂšcle dont se sont emparĂ©s les enfants et que l’on pourrait appliquer Ă  ce XXe siĂšcle russe moment unique et magique grĂące auquel un pont fut jetĂ© entre la poĂ©sie et les enfants ». Suivre cette anthologie c’est forcĂ©ment la lire comme un livre. Un livre d’histoire d’abord mĂȘme si l’on ne s’intĂ©resse pas Ă  l’histoire russe, on peut suivre lentement mais avec une grande proximitĂ© une histoire du regard sur l’enfance ou peut-ĂȘtre mĂȘme du regard des enfants
 et puis il y a dans cette anthologie une leçon de français Ă  nulle autre pareille LEÇON DE FRANÇAIS Il y avait Dans la riviĂšre Un gros brochet Qui savait se taire En français. Les canards Si bavards, Les hochequeues Si curieux Lui demandaient Cher ami, cher brochet, Taisez-vous un peu En français. » Et le brochet Se taisait, Se taisait tout le temps En pur français. PoĂšme de Roman Sef, dans Anthologie de la poĂ©sie russe pour enfants, 2000, p 133 Fabriquer des livres Pour s’engager Ă  lire des anthologies, il faut en Ă©crire. Mais, dira-t-on, la tĂąche est hors de portĂ©e des enfants, de nos Ă©lĂšves, de nos classes dĂ©jĂ  si pauvres en poĂšmes
 À moins de considĂ©rer l’anthologie dans ses rudiments qui en font les fondements et alors la taille ne sera plus qu’une question d’habitudes construites, d’apprentissages rĂ©guliers et d’activitĂ©s adaptĂ©es au bon moment. Il suffit de s’habituer dĂ©jĂ  Ă  consigner dans un carnet de lecture sur une seule page quelques fragments de chaque livre de poĂšmes lus en classe. Ces fragments choisis librement par chaque Ă©lĂšve et recopiĂ©s proprement, illustrĂ©s Ă  l’occasion et pourquoi pas titrĂ©s voire commentĂ©s, constituent de rapides et courtes anthologies qui, chemin faisant, feront une grosse et longue anthologie pour chaque Ă©lĂšve au bout d’une annĂ©e voire d’un cycle si l’on conserve le mĂȘme support ou l’additionne dans une collection de cahiers, et pourquoi pas, de petits livrets rĂ©alisĂ©s Ă  l’occasion. ManiĂšre de poursuivre le cahier de poĂ©sies » en le transformant radicalement
 sans en avoir l’air ! Au-delĂ , des projets anthologiques moins rivĂ©s aux lectures successives peuvent voir le jour Ă  propos d’activitĂ©s qui auraient pour origine d’autres domaines voire d’autres disciplines. Ce projet anthologique regroupant des fragments poĂ©tiques pris Ă  des ouvrages les plus divers en privilĂ©giant toutefois les ouvrages littĂ©raires et les livres de poĂšmes demande quelques recommandations qui suivent les Ă©tapes d’un tel projet 1. La premiĂšre Ă©tape est celle de la collecte pendant laquelle tout fragment relevĂ© pour son intĂ©rĂȘt doit ĂȘtre toujours bien rĂ©fĂ©rencĂ© – que ce soit avec des post-it de couleur ou la photocopie ou mieux le copiage. Cette Ă©tape peut s’appuyer sur des moments de lecture libre pendant une quinzaine de jours. 2. La seconde Ă©tape est celle du montage et de la prĂ©sentation anthologique pendant laquelle un sommaire s’organise, des critĂšres de classement et de prĂ©sentation se gĂ©nĂšrent et enfin une prĂ©sentation se trouve. Cette seconde Ă©tape demande deux ou trois sĂ©ances pour que le montage ait le temps de se discuter y compris personnellement car il peut-ĂȘtre bienvenu de rĂ©aliser des anthologies Ă  plusieurs mĂȘme si l’anthologue doit, Ă  un moment donnĂ©, se retrouver seul face Ă  la tĂąche. Quoiqu’il en soit, les critĂšres d’organisation doivent apparaĂźtre dans le sommaire voire dans les titres et intertitres organisation chronologique ou thĂ©matique voire alphabĂ©tique ; enchaĂźnement par opposition, par proximitĂ©, etc. Ces anthologies ne doivent pas ĂȘtre dĂ©mesurĂ©es pour de jeunes Ă©lĂšves un petit quatre pages insĂ©rĂ© dans une couverture avec un sommaire peut d’abord suffire ; l’élĂšve qui dĂ©sirerait un huit pages est bien entendu libre
 Quelques exemples de projets anthologiques Anthologie d’un poĂšte, d’un groupe poĂ©tique, d’une Ă©poque, d’un pays
 Anthologie thĂ©matique arbre, branche, forĂȘt
 ; soleil, lune
 Anthologie notionnelle type de vers, de strophes, de rimes, de prĂ©sentations sur la page
 Fabriquer une anthologie avec une feuille A4 Couverture du livre d’Eric Sautou, Un Oursin, le farfadet bleu », Ă©d. L’IdĂ©e bleue, 2004. Prendre une feuille A4 et la plier en 4 DĂ©couper en deux la feuille et obtenir un petit livre de 8 pages. RĂ©aliser la couverture auteur, titre, Ă©d. Commencer l’anthologie extraits du livre de Sautou rĂ©fĂ©rencĂ©s avec la pagination ; ne pas oublier une dĂ©dicace Ă©ventuelle sur le revers de la premiĂšre de couverture. Continuer l’anthologie. les deux pages centrales permettent des chevauchements. Finir l’anthologie sur la page 6 et rĂ©aliser un sommaire en page 7 ici, c’est un index qui reprend la liste des arbres et plantes. RĂ©diger une quatriĂšme de couverture. RĂ©aliser des enregistrements Ce que la poĂ©sie impose Ă  la littĂ©rature c’est la voix. Ce que la poĂ©sie demande au langage c’est d’entendre la voix. Ce qui implique bien entendu de considĂ©rer la voix physique, c’est-Ă -dire du point de vue de l’acoustique mais Ă  condition de faire de la voix autre chose qu’une simple rĂ©alitĂ© biologique voire psychologique l’enjeu est encore plus important. ConsidĂ©rer la physique de la voix c’est, en passant par l’acoustique, donner toute sa place Ă  une physique du langage et donc ouvrir les voies d’une Ă©coute de la voix dans et par le langage, tout le langage et pas seulement son acoustique. C’est seulement Ă  la condition que cet enjeu soit pleinement pris en compte et sans cesse redynamisĂ© que les pratiques sonores avec la poĂ©sie s’ouvriront sur cette Ă©coute qui est certainement plus l’invention d’un organe oreille intĂ©rieure ? et d’un sens Ă©coute interne ? que l’utilisation d’un sens entendre avec un organe l’oreille portĂ© Ă  son maximum d’efficacitĂ©. Mais cela peut passer par son exercice qui n’est certainement pas assez pratiquĂ© si ce n’est lors des activitĂ©s musicales, ce qui n’est pas nĂ©gligeable mais qui est totalement insuffisant pour le langage. Au chapitre Argot qui pleure et argot qui rit » du livre septiĂšme, L’argot » de la quatriĂšme partie du roman Les MisĂ©rables de Victor Hugo, on peut lire ceci Mirlababi surlababo Mirliton ribon ribette ; Surlababi mirlababo Mirliton ribon ribo Dans ce mĂȘme septiĂšme livre Victor Hugo Ă©crivait significativement Apprendre Ă  lire, c’est allumer du feu ; toute syllabe Ă©pelĂ©e Ă©tincelle. C’est ce qu’on recherche ici que les syllabes Ă©pelĂ©es Ă©tincellent
 pas forcĂ©ment toutes mais au moins quelques-unes parce qu’elles vont alors rĂ©sonner de l’étincelle du poĂšme qui mettra le feu Ă  toute la plaine, Ă  tout le langage. Et on apprend dans le roman de Hugo que ce court refrain quatrain se chantait en Ă©gorgeant un homme dans une cave ou au coin d’un bois » ! Le narrateur hugolien prĂ©cisait auparavant ceci On retrouve au dix-huitiĂšme siĂšcle dans presque toutes les chansons des galĂšres, des bagnes et des chiourmes, une gaĂźtĂ© diabolique et Ă©nigmatique. On y entend ce refrain strident et sautant qu’on aurait dit Ă©clairĂ© d’une lueur phosphorescente et qui semble jetĂ© dans la forĂȘt par un feu follet jouant du fifre [
] Les dĂ©veloppements qui suivent sont de la plus haute importance quant Ă  la congruence de l’éthique et du politique le sens rĂ©volutionnaire est un sens moral » ; et le livre sur l’argot s’achĂšve sur la comparaison forgĂ©e Ă  propos de notre comptine-refrain Faut-il continuer de lever les yeux vers le ciel ? le point lumineux qu’on y distingue est-il de ceux qui s’éteignent ? L’idĂ©al est effrayant Ă  voir ainsi perdu dans les profondeurs, petit, isolĂ©, imperceptible, brillant, mais entourĂ© de toutes ces grandes menaces noires monstrueusement amoncelĂ©es autour de lui ; pourtant pas plus en danger qu’une Ă©toile dans les gueules des nuages. La lecture Ă  voix haute par le moyen de l’enregistrement serait cette Ă©toile d’utopie car, on le sait fort bien, la lecture Ă  voix haute est difficile mais ce qu’on espĂšre c’est que dans les gueules des nuages » que sont forcĂ©ment les ratages, les bafouillages, les silences et les bruits de toute mise en voix dans la classe, s’apercevra le point lumineux » de la voix irremplaçable, celle qu’on se doit d’entendre dans sa fragilitĂ© mĂȘme, dans ses essais. L’argument premier de la nĂ©cessitĂ© d’une vocalisation des textes poĂ©tiques est celui qui ouvre la lecture Ă  une appropriation par la voix haute. Il suffit de rappeler qu’historiquement la voix haute a prĂ©cĂ©dĂ© la lecture silencieuse d’une part et, d’autre part, de souligner combien la vocalisation des textes constitue, pour le moins, une premiĂšre et dĂ©cisive appropriation. Non seulement, des pans entiers de la comprĂ©hension et de l’interprĂ©tation peuvent et doivent passer par de telles activitĂ©s, mais l’oralisation est une incorporation qui permet que le texte porte son lecteur autant qu’il le porte. En effet, un texte s’il fait Ɠuvre et encore plus s’il fait poĂšme est un opĂ©rateur anthropologique qui transforme le lecteur voire transporte, au point de modifier indissociablement ses affects et ses pensĂ©es, son corps comme son langage, sa vie comme le monde. MĂȘme si ces changements paraissent minimes, l’essentiel est qu’ils soient rĂ©els ; qu’ils soient parfois mĂȘme imperceptibles prouverait qu’ils en sont d’autant plus probants car hors de tout contrĂŽle, hors de toute maĂźtrise. La chair de poule, le vertige, la sueur
 ne se maĂźtrisent pas plus que les Ɠuvres qui les font venir au corps. Sans parler de la mĂ©moire involontaire, du moins, de ce travail qu’un poĂšme fait durablement Ă  un corps dans son indissociabilitĂ© avec l’esprit voire avec l’ñme
 restons avec Hugo et les derniers mots des MisĂ©rables LIVRE NEUVIEME SUPRÊME OMBRE, SUPRÊME AURORE [
] VI L’HERBE CACHE ET LA PLUIE EFFACE Il y a, au cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise, [
] une pierre. [
] Cette pierre est toute nue. On n’a songĂ© en la taillant qu’au nĂ©cessaire de la tombe, et l’on n’a pris d’autre soin que de faire cette pierre assez longue et assez Ă©troite pour couvrir un homme. On n’y lit aucun nom. Seulement, voilĂ  de cela bien des annĂ©es dĂ©jĂ , une main y a Ă©crit au crayon ces quatre vers qui sont devenus peu Ă  peu illisibles sous la pluie et la poussiĂšre, et qui probablement sont aujourd’hui effacĂ©s Il dort. Quoique le sort fĂ»t pour lui bien Ă©trange. Il vivait. Il mourut quand il n’eut plus son ange ; La chose simplement d’elle-mĂȘme arriva. Comme la nuit se fait lorsque le jour s’en va. Le monumental fait place ici au movimental » aux inscriptions gravĂ©es dans le marbre, il est prĂ©fĂ©rĂ© la nuditĂ© d’une voix qui a retenu en quatre vers » toute une vie et bien plus toute une relation. Et encore bien plus tout un poĂšme qui porte tout l’univers dans le plus banal Ă©vĂ©nement. C’est que dans cette voix les finales de vers en particulier s’entend non seulement le nom Valjean mais s’entend aussi son infinie rĂ©sonance. La vie, la voix, comme la nuit se fait ». Enregistrer sa voix rĂ©guliĂšrement, telle serait la premiĂšre activitĂ© qui viendrait comme Ă©prouver cette physique du langage que les rencontres avec les textes poĂ©tiques obligent Ă  construire, Ă  vivre. Deux solutions trĂšs simples le permettent dans toutes les classes aujourd’hui. Chacun sa bande-son
 La premiĂšre solution est ancienne chaque Ă©lĂšve possĂšde une cassette sur laquelle il enregistre au magnĂ©tophone rĂ©guliĂšrement des fragments de textes lus ou rĂ©citĂ©s. La seconde solution est plus rĂ©cente chaque Ă©lĂšve ouvre un dossier personnel d’enregistrement avec un logiciel adaptĂ© sur l’ordinateur de la classe, de son groupe
 Tous Ă  l’écoute La contrainte dans chacun de ces cas, c’est d’archiver les enregistrements. L’enjeu didactique qui repose sur cette pratique rĂ©guliĂšre d’enregistrements, consiste Ă  organiser de temps en temps des moments d’écoute critique soit individuels soit collectifs petit groupe ou classe entiĂšre. Dans le cahier poĂ©sie ou littĂ©rature, chaque Ă©lĂšve note ce qu’il a Ă©coutĂ© et rĂ©dige un court commentaire. L’enseignant peut fort bien prĂ©ciser les consignes d’écoute et donc de prise de notes. Il peut Ă©galement organiser de courts dĂ©bats avant la prise de notes quand l’écoute se fait en petit ou grand groupe. 
 vers des anthologies sonores publiques Au-delĂ  de cette activitĂ© rĂ©guliĂšre, d’autres modes d’enregistrement peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s afin d’effectuer des montages de voix, de textes et/ou de sons comme autant d’anthologies sonores mises ensuite Ă  la disposition de tous BCD, classe de correspondants, familles, site Internet
. Il y a des poĂšmes de prĂ©dilection pour les enregistrements les comptines, en premier lieu, mais Ă©galement les poĂšmes dits illisibles Ă  voix haute. On comprendra aisĂ©ment qu’entre ces deux pĂŽles, tous les poĂšmes peuvent donner lieu Ă  enregistrements, Ă  anthologies sonores. 1. Des comptines Si tous les textes peuvent passer par la voix enregistrĂ©e, on peut aussi aller droit vers ceux qui obligent Ă  trouver une voix qu’on ne savait pas qu’on avait
 Les comptines sont souvent rĂ©servĂ©es aux Ă©lĂšves du cycle 1, en confier aux Ă©lĂšves des cycles 2 et 3 permettrait d’une part d’ouvrir le rĂ©pertoire et d’autre part de saisir cette physique du langage qui est forcĂ©ment Ă  l’Ɠuvre avec les comptines. Au niveau du collĂšge et dĂšs le cycle 3, l’introduction des chansons » dans le corpus devrait problĂ©matiser ce qui perdure de la comptine Ă  la chanson. Pensons, entre autres phĂ©nomĂšnes plus ou moins rĂ©cents, au rap et au slam voir Lecture jeune, n° 115. Il y a des traditions multiples qu’il ne faudrait jamais perdre de vue et que des rĂ©fĂ©rences toujours vives aux plus vieilles chansons » de nos rĂ©pertoires devraient nourrir, et il y a Ă©galement dans une actualitĂ© qu’il faudrait toujours saisir pour rester vigilant et Ă  l’écoute ce qui n’est que rĂ©pĂ©tition ou au contraire heureuse reprise, vraie rĂ©invention. VoilĂ  une piste d’anthologies sonores qui ne peuvent se faire qu’en tĂątonnant, en cherchant ce qui, dans les voix enregistrĂ©es, continue, rĂ©sonne, fait Ă©cho, renverse ou encore fait entendre Ă  neuf. Ce poĂšme de Robert Desnos met la voix dans une ronde non seulement par ses rimes qui tournent mais Ă©galement par sa mĂ©trique 4x huit-syllabes puis 4x cinq-syllabes qui oblige Ă  faire entendre ce dĂ©hanchement du pair Ă  l’impair avec une accĂ©lĂ©ration que renforcent les attaques finales qui imposent une sur-accentuation jusqu’à presque prononcer l’envoi ainsi Et salut tout l’monde » La sardine Une sardine de Royan Nageait dans l’eau de la Gironde ; Le ciel est grand, la terre est ronde, J’irai me baigner Ă  Royan Avec la sardine, Avec la Gironde, Vive la marine ! Et salut au monde ! 2. Des textes impossibles Ă  dire Si les comptines et autres textes de chansons » semblent faciles Ă  dire et donc peuvent et doivent constituer le premier fonds des anthologies sonores, ne serait-ce que pour conserver en vie ce fonds immĂ©morial ou largement partagĂ©, d’autres textes devraient paradoxalement venir constituer un fonds propice aux anthologies sonores ceux qui semblent justement impossibles Ă  dire ! Commençons par un exemple ! ĂŽrondElune,co mment flottronDe plus que roNdees-tu ; tou te &rOnde plus dor Ă©eque Rond issime ? E. E. Cummings, 2002, p. 68 Enregistrer ce texte dans une anthologie sur la lune, par exemple Ă  cĂŽtĂ© de Moi, j’irai dans la lune » de RenĂ© de Obaldia 1969, c’est chercher ce que fait un tel poĂšme autrement qu’en rimant en fin de vers lune » avec fortune » ou qu’en comptant six syllabes. Mais alors que fait un tel poĂšme qu’on a peine Ă  faire entendre ? Il nous force Ă  augmenter l’écoute, Ă  chercher cette Ă©coute dans des dimensions inhabituelles. Et cela demande autant d’essais que de bredouillages, de dĂ©rapages, de bĂ©gaiements. Mais, de l’exclamation Ă  l’interrogation, des coupes incongrues de vers, de mots, de lettres aux incises entre parenthĂšses, peut s’entendre une voix qui nous fait voir une lune jamais vue dans le halo lunaire
 Mais l’impossible Ă  dire c’est certainement le silence et l’orientation premiĂšre que toutes les anthologies sonores rĂ©alisĂ©es Ă  l’école jusqu’en troisiĂšme devraient concrĂ©tiser, c’est bien celle de faire entendre les silences des poĂšmes qui rĂ©sonnent de tout ce qu’ils ne peuvent pas dire et qu’ils disent si fort Ă  leur insu et Ă  notre insu. Il ne s’agit pas alors d’enregistrer des silences comme on ferait en musique mais de laisser venir Ă  force d’écoute dans le travail de la voix enregistrĂ©e et des poĂšmes dits Ă  voix haute, des uns aux autres, dans ces anthologies, de laisser venir le silence du poĂšme, c’est-Ă -dire sa force insoupçonnĂ©e, son inconnu qui est aussi notre inconnu, l’inconnu de notre diction, de notre lecture. Prenons un exemple qui demande, grĂące aux enregistrements, autant de reprises que de tentatives LE CÔTÉ BLEU DU CIEL Les bancs sont prisonniers Des chaĂźnes d’or du mur Prisonniers des jardins oĂč le soleil se cache PrĂšs de la forĂȘt vierge De la prairie Ă©tale Du pont qui tourne Ă  pic Dans l’angle le plus froid La boĂźte des nuages s’ouvre Et tous les oiseaux blancs s’envolent Ă  la fois Tapis plus vert que l’eau plus doux que l’herbe Plus amer Ă  la bouche et plus plaisant Ă  l’Ɠil Les arbres Ă  genoux se baignent L’air est calme et plein de soleil La lumiĂšre s’abat Le jour perd ses pĂ©tales Plus haut c’est tout d’un coup la nuit Les regards entendus Et le clignement des Ă©toiles Les signes Par-dessus les toits Pierre Reverdy, 1967, p. 275 Ce poĂšme de Pierre Reverdy semble ajouter statiquement des Ă©lĂ©ments de paysage alors qu’au contraire c’est un mouvement d’élĂ©vation de libĂ©ration ? qui progressivement met en branle tous les Ă©lĂ©ments d’une rĂȘverie certes mystĂ©rieuse mais active au plus haut point jusqu’à se fondre au cosmos. C’est ce continu, au-delĂ  du silence, qu’il s’agit de rendre actif dans la respiration toute retenue d’une lecture. Celle-ci ne peut se contenter d’accumuler des Ă©lĂ©ments informatifs mais doit chercher cette voix silencieuse qui la porte vers le cĂŽtĂ© bleu du ciel ». Aucune recette ni technique ne peut venir Ă  bout d’une telle recherche. Elle demande le temps d’une Ă©coute la plus vive qui soit entendre dans la voix enregistrĂ©e ce qui trouve ce continu, ce qui fait entendre mĂȘme Ă  peine ce cĂŽtĂ© bleu du ciel », voilĂ  l’objectif de telles anthologies sonores qui incluraient aussi des textes impossibles Ă  dire
 Continuer la lecture de Multiplier les anthologies → Il y a donc les sĂ©quences qui permettent de vivre avec des Ɠuvres pour faire Ɠuvre, des rituels qui construisent des habitudes d’écoute et d’attention vers les poĂšmes et, enfin, des projets qui vont accroĂźtre le continu du poĂšme Ă  la vie sous l’angle de la fĂȘte ou de la rencontre. Moments d’exception mais moments indispensables pour que les rituels et les sĂ©quences prennent sens, se ressourcent Ă  des dynamiques oĂč la surprise et la jubilation, l’aventure et le hasard, l’attente et la coopĂ©ration jouent multiplement pour chacun. Nous avons surtout veillĂ© Ă  faire rentrer les poĂšmes dans la classe, Ă  ce que les Ă©lĂšves, tous les Ă©lĂšves, puissent avoir les moyens de grandir leur Ă©coute du poĂšme dans des activitĂ©s variĂ©es au cƓur de leur scolaritĂ©. Aussi, faudrait-il envisager le mouvement inverse pour que le continu de la vie s’entende dans les poĂšmes sortir les poĂšmes de la classe, du moins tester que les poĂšmes tiennent face Ă  la vie, toute la vie, celle qui parfois ne peut rentrer dans la classe
 Mais Ă©galement faudrait-il sortir de la classe pour rencontrer des personnes, poĂštes ou pas, qui disent vivre le poĂšme dans leur vie. Ces projets n’ont pas pour ambition de produire » des rĂ©sultats qui devraient immĂ©diatement plaire Ă  quelque institution culturelle encadrant de ses fonds des activitĂ©s contrĂŽlables ou Ă  tel public avide de trouver la poĂ©sie sans travailler son Ă©coute du poĂšme et son attention au langage. Il ne s’agit pas non plus d’y dĂ©velopper un plaisir » qu’on n’aurait pas eu dans les rituels et les sĂ©quences pendant lesquels le travail » aurait Ă©tĂ© de rigueur, auquel cas ces activitĂ©s n’auraient pas pu engager les Ă©lĂšves dans une dynamique de subjectivation dans et par le langage, dans une dynamique qui en fait un sujet de ses apprentissages. Il s’agit bien de poursuivre en risquant une ouverture maximale le risque des rencontres, des lieux, des moments et des personnes auxquels on n’est pas habituĂ©. Sortir les poĂšmes de la classe Les maniĂšres de sortir » les poĂšmes de la classe sont multiples et chacun trouvera dans les circonstances qui sont celles de sa classe les modalitĂ©s concrĂštes voire les idĂ©es pertinentes qui feront que les poĂšmes, quand ils ont engagĂ© leurs lecteurs, ne peuvent que devenir des opĂ©rateurs de rencontres et de manifestations les plus diverses, en inventant mĂȘme de nouveaux modes de diffusion. Si tous les supports sont Ă  explorer, ce sont souvent les poĂšmes eux-mĂȘmes et les lectures qui ont permis leur appropriation, qui exigeront tel ou tel support. Que les supports soient donc faits de papier ou de virtualitĂ©, ils ne sont que le prolongement d’un geste initiĂ© dans la classe et qui demande de devenir un geste pleinement relationnel, de devenir rĂ©ciprocitĂ©. Des Ă©changes entre classes, des rencontres rĂ©guliĂšres entre groupes d’élĂšves, des espaces d’échange rĂ©guliĂšrement renouvelĂ©s, des moments privilĂ©giĂ©s dans le calendrier scolaire, autant de modalitĂ©s que les enseignants connaissent bien et que les enfants apprĂ©cient toujours pour que les poĂšmes tiennent leurs promesses de lanceurs relationnels. Nous proposerons ci-aprĂšs deux modalitĂ©s peut-ĂȘtre plus originales mais, rappelons-le, ces sorties » du poĂšme ne sont que le prolongement obligĂ© d’une activitĂ© qui est au cƓur du poĂšme et de sa réénonciation, l’infini de son activitĂ© sous peine de ne plus ĂȘtre un poĂšme. Cet inaccompli n’exige aucun dĂ©fi autre que celui qui fait que le poĂšme engage Ă  sortir de ce qui est son confinement Ă  quelque assurance que ce soit, donc Ă  risquer sa valeur et nous avec elle. Envols poĂ©tiques Le poĂšme est d’abord un appel Ă  entrer en relation, Ă  trouver l’inconnu. Que des cerfs-volants soient porteurs de ces appels signerait dans l’air et le vent cette activitĂ© de tout poĂšme traverser l’espace pour inventer une relation. On peut varier les propositions mais la collection Petits gĂ©ants » des Ă©ditions Rue du monde nous en suggĂšre une faire monter dans le ciel de la cour de rĂ©crĂ©ation un poĂšme sur plusieurs cerfs-volants comme chacun de ces petits livres offre un poĂšme dĂ©coupĂ© en autant de doubles-pages qu’en compte l’album carrĂ©. Celui qui nous semble le plus adĂ©quat pour toucher du doigt cette proposition est illustrĂ© par Antonin Louchard avec le poĂšme de Paul Eluard qu’il publia dans son livre issu d’émissions radiophoniques rĂ©alisĂ©es en 1949, Les Sentiers et les routes de la poĂ©sie. Ce poĂšme et sa mise en livre font ce projet d’envols qui suit le vent de la comptine en boucle oĂč tout un monde est parcouru et contenu dans l’air de son rĂ©citatif ; de la mĂȘme maniĂšre, les illustrations de Louchard cherchent cette lĂ©gĂšretĂ©, trouvent cet envol qui renverse. C’est comme ce jeu enfantin oĂč l’on aime voir le monde Ă  l’envers. Paul Eluard, Antonin Louchard ill., Dans Paris il y a
, coll. Petits gĂ©ants », Rue du monde, 2001. PublicitĂ©s poĂ©tiques Disperser les poĂšmes des fragments de poĂšmes dans des lieux insolites, lĂ  oĂč on ne les attendrait pas, permettrait de suggĂ©rer ce que les poĂšmes nous font. Ils nous refont parce qu’ils nous changent le monde. Cette dispersion peut prendre de nombreuses modalitĂ©s parmi lesquelles la plus simple consiste Ă  utiliser les voies de la publicitĂ© si prĂ©gnante dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine. Apposer des post-its dans des endroits inhabituels mais stratĂ©giques de l’école, voilĂ  qui interpelle le passant, crĂ©e mĂȘme des itinĂ©raires nouveaux
 À partir du livre de Daniel Biga, La Chasse au haĂŻku 1998, les Ă©lĂšves mettent le livre en confettis et dispersent leurs post-its dans toute l’école en cherchant Ă  rĂ©aliser des jeux de pistes qui recomposent les itinĂ©raires qu’ils ont dĂ©couverts dans le livre. Lequel Ă©tait organisĂ© en chapitres » En ville » ; l’atelier des Ă©critures » ; le jardin » ; en montagne » ; des animaux » ; l’hiver » ; neige ». Ci-dessous un parcours sans titre rĂ©alisĂ© par un jeune lecteur, qui commence au matin et finit en rĂȘve
 bonne journĂ©e ma chĂ©rie ‑ au-revoir mon amour rendors-toi aucun livre ne vaudra jamais une journĂ©e heureuse le haĂŻku je le pratique comme la promenade quotidienne lettre du jour je lis puis ça se brouille les larmes aux yeux Abed a dit “quand la tristesse se prĂ©sente accueille la tristesse” dans la chaleur animale des WC boite Ă  rĂȘves sur la table l’ombre de la main qui Ă©crit aprĂšs le genou qui gratte c’est le nez qui dĂ©mange dans la salle silence d’or Ă©criture d’argent au carrelage du mur rĂ©pondent les carreaux du sol derriĂšre le mur rĂ©sonnent des voix sans corps la parole est au cƓur du silence ceux qui m’entourent ceux que je vois autour sous l’écharpe se cache une gorge frileuse la mouche dans mon oeil nul autre ne la voit qui je suis ici et maintenant n’a pas de visage parfois je me demande comment me voient les oiseaux ? mon ombre passe merci Ă  la terre comme au ciel ni pensĂ©e ni souci ouvre la fenĂȘtre du jardin plein de pensĂ©es plein de soucis je me penche tout en bas sur le lac une minuscule silhouette me regarde le nuage gris dĂ©robe une portion du caviar lactĂ© je fais un dĂ©tour pour ne pas dĂ©ranger un moineau picorant vent redoutable je m’achĂšte une Ă©charpe d’hiver plus haute que moi neige au matin je pense aux poireaux du jardin ce soir je m’endormirai la neige sous mes paupiĂšres Il y a bien sĂ»r la modalitĂ© opposĂ©e aux confettis poĂ©tiques l’agrandissement dĂ©mesurĂ© du poĂšme ou d’un fragment sur un mur, sur une banderole
 agrandir au maximum un court fragment et poser Ă  proximitĂ© le poĂšme en entier mieux le livre dont il est extrait. Exemple Cachecachecachent psst pssit petites chosesfantĂŽmes en catimini clins-d’yeux-mini petites agitĂ©es sorciĂšres et tintinabulantes lutines Ă  tu et Ă  toi Ă  tu et Ă  toi petites hop-hop heureuses flatteuses en flanelle flanelle petites gratteuses souriquoises aux yeux qui se carapatent crissent et courent et cachecachecachent droppent droppent guettant la vieille femme avec une verrue sur le nez ce qu’elle vous fera nul ne sait car elle connaĂźt le diable ooh le diable ouh le diable aah le grand et vert danseur de diable diable diable diable huiiIII poĂšme de E. E. Cummings, traduit par Jacques Demarcq dans Contes de fĂ©es, 16 poĂšmes enfantins, ClĂ©mence hiver Ă©diteur, illustration de Macha Poynder, 2002, p. 62-63 La complexitĂ© revendiquĂ©e de la poĂ©sie de Cummings est aussi, avec de tels poĂšmes, la revendication de sa part enfantine qui est aux antipodes du simplisme l’amour produit de l’inconnu, c’est sa fonction », disait ce poĂšte dans un sonnet. Et les 16 poĂšmes que ce grand poĂšte amĂ©ricain a rassemblĂ©s Ă  la fin de sa vie font comme un hommage aux lectures enfantines de la poĂ©sie la plus difficile, puisqu’elle font un autoportrait voir la postface Ă©crite par le traducteur, lui-mĂȘme poĂšte, Jacques Demarcq plein de confiance dans la relation que lance le poĂšme de lectures en lectures. Réénonciation continue de l’écriture toujours en mouvement et qui trouve son sujet, comme dit le distique final du troisiĂšme poĂšme Car quoi qu’on perde comme un moi ou un toi c’est toujours soi que dans la mer on trouvera p. 54 Rencontrer les poĂštes On ne peut pas nier que la rencontre avec un Ă©crivain participe Ă  la fois de la dĂ©sacralisation et de la valorisation de la littĂ©rature un Ă©crivain est un homme ordinaire
 dont l’Ɠuvre nous fait des choses extraordinaires. Ou alors, cet Ă©crivain est un faiseur et son Ɠuvre est une mystification , ce qui est malheureusement parfois le cas ! Aussi, est-il tout Ă  fait judicieux d’organiser de telles rencontres les Ă©lĂšves sont souvent partie prenante Ă  condition qu’aucune dĂ©magogie spectaculaire ne vienne altĂ©rer la qualitĂ© d’une rencontre comme on peut en avoir beaucoup d’autres – avec tel voisin » de l’école qui vient partager son expĂ©rience de vie ou de travail
 Suivent deux modalitĂ©s complĂ©mentaires de ces rencontres. La premiĂšre rĂ©pond Ă  un souci d’ancrage dans le temps d’une rencontre qui doit certainement garder son caractĂšre d’évĂ©nement mais qui exige qu’on la prĂ©pare, la poursuive. De plus, la rencontre avec un poĂšte peut trĂšs bien ne pas ĂȘtre possible si ce dernier ne le souhaite pas, ne le peut pas, mais la correspondance peut venir la rendre vive Ă  sa façon. Correspondances poĂ©tiques Odilon Redon, illustration pour les Fleurs du mal de Baudelaire Engager une correspondance avec un poĂšte est une modalitĂ© forte de la rencontre que ce soit donc pour sa prĂ©paration ou son prolongement mais Ă©galement pour tout simplement l’assurer et l’ancrer dans l’écriture elle-mĂȘme – qu’elle prenne la forme d’écrits ou d’enregistrements, d’envois d’objets divers photographies, livres
. Une telle correspondance ne doit pas rester formelle et de simple politesse. La correspondance engage vraiment chacun dans une relation qui s’appuie sur la lecture. Chaque lecture celle des Ɠuvres comme celle des lettres va demander une Ă©criture et donc une meilleure Ă©coute de ce qu’on a lu puisque l’écriture Ă©pistolaire demande de reformuler toujours avec l’autre. L’épistolaire oblige Ă  relancer Ă  chaque Ă©change et donc Ă  remettre sur le chantier sa lecture puisque l’échange avec un poĂšte ne peut s’engager qu’à partir des lectures. Car il n’y a pas Ă  chercher une vĂ©ritĂ© de son Ă©criture dans le discours du poĂšte qui dĂ©tiendrait une vĂ©ritĂ© quelconque qu’elle soit prise Ă  l’anecdote biographique ou Ă  la rĂ©vĂ©lation d’un procĂ©dĂ© quelconque de fabrication mais plutĂŽt Ă  poursuivre dans la relation Ă©pistolaire ce que fait l’Ɠuvre Ă  son auteur comme Ă  son lecteur l’échange de cette recherche augmentant certainement ce que l’Ɠuvre fait Ă  chacun. Chaque Ă©lĂšve peut Ă©crire au poĂšte, y compris dans des formes qui ne sont pas forcĂ©ment canoniques, et si ce dernier ne rĂ©pond pas Ă  chacun – ce qui serait certainement beaucoup trop lui demander –, sa rĂ©ponse au collectif classe saura entendre chacun et donc rĂ©pondre Ă  chacun dans les inflexions de sa lettre. Si l’enseignant ne sait pas oĂč adresser la correspondance, rien n’est plus facile il suffit d’écrire Ă  l’éditeur qui saura transmettre le courrier, ce qui signalera d’ailleurs que cette correspondance est partie de la lecture du livre publiĂ© chez cet Ă©diteur ! Car pas de correspondances sans lectures il ne s’agit pas de jouer Ă  la rencontre mais de la jouer Ă  partir de ce qui seul peut la nourrir les poĂšmes et leurs lectures. Rencontres poĂ©tiques La PoĂ©sie Ă  plusieurs voix. Rencontres avec trente poĂštes d’aujourd’hui, prĂ©face de Jean-Pierre SimĂ©on, coll. Le Français aujourd’hui », Paris Armand Colin, 2010, 264 p. Un jour alors peut arriver qui permettra une rencontre de vive voix Ă©change de regards et surtout de voix, c’est-Ă -dire d’écoute les yeux dans les yeux. Moments parfois magiques, souvent dĂ©cevants mais toujours marquants quand le poĂšme est passĂ© dans les voix comme dans les yeux ou encore un geste, une inflexion minuscule, un sourire mĂȘme. Il faudrait conclure sur la nĂ©cessitĂ© de varier de telles rencontres dans le domaine qui nous concerne ici. Cela demande de concevoir le continu des rencontres avec un poĂšte, avec d’autres personnes Ɠuvrant chacune dans un domaine prĂ©cis mais toutes engagĂ©es par et dans le langage. C’est alors que la rencontre jouera son rĂŽle montrer la force du langage parce qu’elle est l’éthique de la relation quand elle devient poĂšme-relation. Et cela, un poĂšte est en devoir de le faire mais quiconque peut le rĂ©ussir. Alors chaque Ă©lĂšve comprendra qu’il n’y a pas de rencontres plus grandes » que d’autres parce que le partenaire de la rencontre est reconnu avant puisque cĂ©lĂšbre ou mĂ©diatisĂ©. Les rencontres sont grandes » parce que le partenaire nous engage Ă  y ĂȘtre grands », plus grands que nous sommes, dans une rĂ©ciprocitĂ© certaine. C’est d’ailleurs ce que font les poĂšmes quand ils sont poĂšmes nous faire plus grands dans et par le langage avec les autres car la grandeur ici n’est pas celle qui se mesure Ă  l’aune d’une comparaison avec les autres mais avec soi en relation. C’est aussi tout l’enjeu de n’importe quelle activitĂ© avec les poĂšmes les pratiques que nous venons de suggĂ©rer n’ont pour finalitĂ© que cet agrandissement qui est aussi la condition d’un apprentissage langagier et littĂ©raire consĂ©quent. Avec les poĂšmes, les activitĂ©s scolaires mettent l’enfant en mesure de connaĂźtre et de grandir Ă  la fois. il peut alors porter ce beau nom d’élĂšve puisqu’il est pris dans une dĂ©marche d’élĂ©vation. Par une comptine, l’enfant saute Ă  pieds joints par-dessus le monde sur mesure dont on lui enseigne les rudiments. Il jongle dĂ©licieusement avec les mots, et s’émerveille de son pouvoir d’invention. Il prend sa revanche, il fait servir ce qu’il sait au plaisir dĂ©fendu d’imaginer, d’abuser. Paul Eluard 1954 Pour conclure sur l’ensemble de ces rituels voir les billets prĂ©cĂ©dents, il faudrait repartir du plus cĂ©lĂšbre d’entre eux et qui semble se confiner aujourd’hui Ă  l’école maternelle, donc au cycle 1 de l’enseignement primaire, pour parfois s’y trouver de plus instrumentalisĂ© Ă  des fins d’enseignement phonologique le rituel de la comptine. Ce dernier n’est pas Ă  proprement parler scolaire mais l’école maternelle a su lui accorder depuis longtemps une place quasiment quotidienne il permet de constituer la classe en chorales, de laisser chaque voix trouver ses gestes relationnels et surtout d’engager le langage dans tout le corps, d’engager le corps dans tout le langage, Ă  condition certes d’écouter chaque voix, chaque geste dans une polyphonie indispensable Ă  la comptine elle-mĂȘme. Observer les comptines dans les pratiques enfantines montre trĂšs vite que le langage y est entiĂšrement engagĂ© dans une pragmatique qui elle-mĂȘme devient entiĂšrement langage. Ce qui pourrait d’une certaine façon orienter notre attention Ă  ce qui fait poĂšme l’invention d’un rapport Ă  soi, aux autres, et au monde » Meschonnic, 2001, p. 44. Car les comptines sont irrĂ©ductibles Ă  quelque schĂ©ma ou recette que ce soit dans leur diversitĂ© considĂ©rable qu’aucun savant – folkloriste, ethnologue, sociologue, littĂ©raire, pĂ©dagogue, psychologue
 – n’a rĂ©ussi Ă  ce jour Ă  considĂ©rer dans leur force. Qu’on s’intĂ©resse Ă  leur dĂ©nomination mĂȘme – nous disons comptine depuis que Pierre Roy en 1926 a rassemblĂ© ces formulettes, comptes, rengaines, disettes et autres amusiottes voir Roger Pinon, Les noms de la comptine » dans Jean Baucomont et alii, 1961, p. 52 et suivantes.
 –, qu’on se prĂ©occupe de leur origine, de leur dissĂ©mination, de leur Ă©volution, de leurs multiples variantes, et surtout qu’on soit attentif Ă  leurs valeurs poĂ©tiques et relationnelles dans et par le langage, on ne peut manquer d’abord et avant tout de considĂ©rer le corps-langage qu’elles inventent Ă  chaque fois. Ce corps-langage est celui de chaque acteur en comptines comme celui de chaque petite ou grande collectivitĂ© qu’elles constituent immanquablement ne serait-ce que dans cette activitĂ© qui est toujours une transmission de relation, une invention de gestes langagiers relationnels. Jean Baucomont a pu parler avec justesse Ă  leur sujet de gestateurs » et a pu Ă©voquer d’une façon absolument pertinente la transe » poĂ©tique, montrant ainsi qu’il faut considĂ©rer ces productions Ă  Ă©galitĂ© avec les plus grandes Ɠuvres de la littĂ©rature. Or elles sont encore trop souvent considĂ©rĂ©es comme puĂ©riles et, par consĂ©quent, souvent instrumentalisĂ©es Ă  des fins strictement didactiques phonologie et prononciation par exemple. Le spectacle de cette transe » poĂ©tique incite Ă  Ă©voquer d’autres faits de mĂȘme nature l’ivresse linguistique des inventions vocabulaires chez Rabelais, le dĂ©bordement jaculatoire des sibylles antiques, le flux des lamentations vocĂ©ratrices corses, les inĂ©puisables phantasmes de certains textes rĂ©alistes obtenus par l’écriture automatique, voire les piĂ©tinantes litanies des versets de PĂ©guy. Baucomont et alii., 1961, p. 23 C’est que les comptines, quand elles ne sont pas rĂ©duites Ă  un simple divertissement futile et naĂŻf, ad usum Delphini » Baucomont et alii., 1961, p. 12, font bien plus visiblement que ce que tous les poĂšmes font , ainsi que Henri Meschonnic le prĂ©cise fortement dans une dĂ©finition qui vient dĂ©faire bien des prĂ©jugĂ©s et engager le poĂšme dans le vivre tout entier La poĂ©sie comme activitĂ© d’un poĂšme, est un des universaux du langage. Anthropologiquement. C’est une dĂ©finition qui Ă©chappe au signe. Elle fait du poĂšme une Ă©thique en acte, en acte de langage. InsĂ©parablement du fait que le poĂšme est ce qu’un corps fait au langage. Meschonnic, 2001, p. 41 Comment ne pas conclure alors cette rĂ©flexion sur les rituels par une comptine et par une fable
 S’entretenir, c’est se tenir ensemble, c’est-Ă -dire vivre ensemble dans et par le langage. Je te tiens Tu me tiens Par la margoulette ou par la barbichette ou par la barbette ou par la barbignette ; Le premier qui rira ou Celui de nous deux qui rira ou le premier des deux qui rira Aura la claquette ou la tapette ou la clafette. DiffĂ©rents dĂ©partements Par la barbe je te tiens ; Si tu me tiens, je te tiens. Le premier d’nous qui rira, Une claque il aura. Brest Je te tiens par le menton, Barbichon ; Et moi aussi, Barbiche ; Premier d’nous deux qui rira, Un bon souffle aura, L’oreille tirĂ©e, La cuisse pincĂ©e. SaĂŽne-et-Loire Cette comptine et ses variantes viennent du chapitre VII, Jeux et formulettes de jeux ; Le Pince-sans-rire », du trĂšs beau livre d’EugĂšne Rolland, Rimes et jeux de l’enfance publiĂ© en 1883 2002. Elles sont introduites ainsi par l’auteur Deux enfants se tiennent rĂ©ciproquement par le menton en chantant la formulette qui suit. Le premier qui rit reçoit de l’autre une claque ». L’ethnographe Thierry Charnay prĂ©face la réédition bienvenue de cet ouvrage. Il voit, dans l’anthologie rééditĂ©e du folkloriste, un rĂ©pertoire authentique » avec des matĂ©riaux pour une Ă©tude comparative et historique », des curiositĂ©s [
] liĂ©es au contexte socio-culturel de l’époque » et des textes vraiment originaux ». Il note le manque d’indications ethnographiques, comme les circonstances du jeu, le lieu, sa pĂ©riodicitĂ©, l’ñge des joueurs, leur sexe, sa frĂ©quence, etc. ». Voici sa conclusion L’intĂ©rĂȘt des Rimes et jeux de l’enfance, de tout le folklore enfantin, rĂ©side dans le fait qu’il s’agit d’un mode de transmission traditionnel reposant sur le bouche Ă  oreille, sur l’imitation, sur l’imprĂ©gnation culturelle [suit l’exemple du jeu de billes appris par l’enfant hors tout magistĂšre]. Il n’y a pas d’écriture, ces formulettes et ces jeux enfantins, transmis entre pairs mais l’école peut aussi jouer un rĂŽle, le sont oralement, et, comme pour la “littĂ©rature orale”, admettent des variations, des variantes car la reproduction exacte n’est guĂšre possible. Ce sont des Ɠuvres ouvertes, toujours disponibles pour ĂȘtre rĂ©alisĂ©es selon des conditions qui en permettent la reconnaissance mais qui admettent Ă©galement des innovations. En somme, les activitĂ©s ludiques des enfants relĂšvent du “patrimoine immatĂ©riel” comprenant cette culture enfantine transmise entre pairs notamment dans les cours de rĂ©crĂ©ation des Ă©coles, pratiquement le seul espace oĂč elle peut circuler, se constituer, socialiser les enfants ; c’est pourquoi les rĂ©crĂ©ations sont des espaces de libertĂ© Ă  garder, Ă  condition que le football ne les occupe pas tout entiĂšres. Comme Rolland, nous souhaitons par cette publication attirer l’attention sur la production enfantine qui devrait mĂ©riter tout notre intĂ©rĂȘt pour une meilleure comprĂ©hension de notre sociĂ©tĂ© . Observons que l’objectivitĂ© ethnographique laisse entendre son soubassement subjectif une historicitĂ© des savoirs et mĂ©thodes que le scientisme socio-ethnologique ne peut masquer. L’ethnographie depuis Rolland a certainement progressĂ©. Elle attache dorĂ©navant autant d’importance au faire qu’au dire. Mais elle semble maintenir les points de vue traditionnels de l’ethnographie du XIXe quand Charnay, voulant ne serait-ce qu’à la marge contrĂŽler l’incontrĂŽlable, oublie que le football est une pratique et donc une invention jamais fixĂ©e dans telle ou telle rhĂ©torique du jeu, et surtout quand il rapporte, sous prĂ©texte d’absence d’écriture, la culture enfantine Ă  la culture populaire et donc au langage ordinaire, ce no man’s land du discours, ce non-lieu du littĂ©raire. Son il n’y a pas d’écriture » vient comme rĂ©pĂ©ter les clichĂ©s habituels qui dĂ©clinent les dichotomies naturalisĂ©es de l’ordinaire et du littĂ©raire, de l’oral et de l’écrit, de la variation et de la fixation, jusqu’à celle du populaire et du savant, qui toutes conduisent Ă  sĂ©parer la littĂ©rature de la vie. Mais l’ethnographe est savant et il sait que cet ordinaire » est extraordinaire » aussi remet-il cette spĂ©cificitĂ© dans une pragmatique de l’actualisation d’une forme immatĂ©rielle » soumise Ă  une performance de la quotidiennetĂ©. Mais il s’agit de bien autre chose ! Certes l’ethnographe voit passer un sujet de l’imitation sociale, du conformisme groupal, intĂ©grant une certaine innovation forcĂ©ment nĂ©cessaire, le temps passant, les conditions Ă©voluant. Mais il est sourd et n’entend pas le sujet du langage qui est au cƓur de tels processus, dont seule la considĂ©ration permet de penser l’articulation de la sociĂ©tĂ© et du langage hors de toute instrumentalisation et du langage et du sujet. Ces formulettes sont bel et bien Ă©crites » ! Il faut le rappeler Ă  l’ethnographe oublieux, parce qu’elles font l’écriture d’un sujet un sujet-relation dont tout le corps est langage non seulement parce que les formulettes exigent la performance dans ses variantes et variations, mais parce qu’elles inventent chaque fois nouvellement une performativitĂ© du corps-langage, Ă  savoir une Ă©thique du dire par son faire. Reprenons notre formulette. Il faut vraiment se tenir » pour que la formulette marche
 En effet, le se tenir » qui fait la rĂ©ciprocitĂ© est une forme de vie transformĂ©e en une forme de langage et l’inverse. Se tenir » par ce qu’on n’a pas la barbe
 c’est justement faire la dĂ©monstration que le langage nous tient plus que ses signes. C’est cette tenue qui est la relation dans et par le langage, sa prosodie, son rythme, que la transmission ne cesse de rejouer dans les formulettes et autres jeux de rĂ©crĂ©ation, de re-crĂ©ation. Alors on ne peut se contenter de rapporter cette transmission Ă  une simple actualisation, il faut la concevoir comme l’invention d’un noyau poĂ©tique, forme interne de ce discours, historicisation radicale qui met toute actualisation au diapason d’une relation et non d’une rĂ©pĂ©tition. On voir par lĂ  que la transmission transmet d’abord de la transmission, de l’entretien pour le moins. Laissons maintenant la formulette et passons Ă  la fable. Nous allons vite voir que l’entretien, ou plutĂŽt l’entretenue, en fait toute la force. Nous la prenons dans une vieille Ă©dition scolaire Jean de La Fontaine, Fables prĂ©cĂ©dĂ©es d’une notice biographique et littĂ©raire et accompagnĂ©es de notes grammaticales et d’un lexique, dans Radouant, 1929. Le Corbeau et le Renard MaĂźtre corbeau, sur un arbre perchĂ©, Tenait en son bec un fromage. MaĂźtre renard, par l’odeur allĂ©chĂ©, Lui tint Ă  peu prĂšs ce langage HĂ© ! bonjour, Monsieur du Corbeau, Que vous ĂȘtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte Ă  votre plumage, Vous ĂȘtes le phĂ©nix des hĂŽtes de ces bois. » A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie ; Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le renard s’en saisit, et dit Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit au dĂ©pens de celui qui l’écoute Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. » Le corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Cette tenue par le corps-langage d’un sujet-relation que la formulette suggĂšre, on peut aussi entendre son activitĂ© dans la poĂ©sie » de la rĂ©citation scolaire, celle qui rejoue plus un enchantement » qu’elle ne reprĂ©sente un théùtre de la parole ». C’est que, pour se limiter Ă  la fable du corbeau et du renard, l’enchantement de l’ arbre perchĂ© », paradoxalement bien remarquĂ© par Rousseau, se poursuit dans tous les Ă©changes que fait faire la fable ramage-plumage », fromage-langage » pour une analyse plus dĂ©taillĂ©e et pour une considĂ©ration plus vaste de cette lecture dans l’histoire de la poĂ©sie » Ă  l’école, voir Martin et S. Martin, Les PoĂ©sie, l’école, p. 69-72.. Passage d’un corps-langage, formaticum, par la tenue rĂ©ciproque. N’est-ce pas cette tenue que la rĂ©citation scolaire de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration a transmise bien plus qu’une morale de l’interlocution ? Ce qui serait tout autre chose qu’une leçon de rhĂ©torique sur cette question, je me permets de renvoyer Ă  Faire poĂ©sie, faire rĂ©citation, produire un poĂšme chercher le ton ou chercher la voix ? » dans F. Marcoin, 2002 ? Cette poĂ©tique relationnelle fait l’enchantement de la fable de La Fontaine . Ce langage nouveau » qui fait parler le Loup et rĂ©pondre l’Agneau », est un poĂšme-relation que la rĂ©citation a peut-ĂȘtre plus rĂ©ussi Ă  entendre que ne le font certaines activitĂ©s pĂ©dagogiques portĂ©es sur la versification ou l’argumentation qu’Anne-Marie Malazeyrat 1996 juge avec raison rĂ©ducteurs. DĂ©montrer la polyphonie narrative » permet certes de prendre conscience de l’écart » qu’instaure l’écriture de La Fontaine avec la formule attendue, avec les rĂšgles traditionnelles du genre », avec la parole figĂ©e ». Mais cela revient Ă  rĂ©duire le rĂ©citatif de la tenue rĂ©ciproque du corps et du langage, du langage et de la sociĂ©tĂ©, Ă  une mise en scĂšne de la parole des personnages » puis du narrateur » Mazaleyrat, 1996 alors que c’est le rĂ©citatif continu d’une voix-relation qui l’emporte sur la reprĂ©sentation de voix. Le théùtre est dans la voix et non l’inverse, tout comme la performance est dans la formulette et non l’inverse. Par consĂ©quent, la rĂ©citation scolaire, dans son aveuglement mĂȘme, son approche peu littĂ©raire » qui laisse bien des Ă©coliers » seulement entrevoir quelque chose de La Cigale et la Fourmi ou du Corbeau et du Renard » ibid., a pu transmettre ce théùtre de la fable plus que son explication. C’est cette tenue d’un sujet-relation qui fait le poĂšme du langage. Il est dans cet ordinaire de la cour de rĂ©crĂ©ation et de la rĂ©citation en classe, ordinaire qui ne l’est donc plus. Et nos rituels de devenir alors extraordinaires tous les jours que l’on fait classe
 Cette troisiĂšme catĂ©gorie de rituels ne doit pas nous bercer d’illusions et vise au contraire Ă  nous mĂ©fier de ce que l’école et certaines traditions culturelles voudraient parfois faire accroire soit la crĂ©ation poĂ©tique est innĂ©e, soit elle est apprise ! Dans le premier cas, elle est rĂ©servĂ©e Ă  une catĂ©gorie de personnes les gĂ©nies ou Ă  une pĂ©riode de la vie l’enfant-poĂšte » ; dans le second cas, elle peut s’enseigner par une transmission de techniques d’expression ou de fabrication ateliers d’écriture inspirĂ©s du modĂšle amĂ©ricain creative writing ou du modĂšle français OULIPO pour Ouvroir de LittĂ©rature Potentielle ou encore rhĂ©torique ancienne que les lycĂ©es du XIXe siĂšcle enseignaient avec leurs exercices d’imitation des Anciens. Ces deux versions de la crĂ©ation poĂ©tique sont les deux faces d’une mĂȘme conception qui sĂ©pare le poĂšme du langage sous l’appellation de langage poĂ©tique » opposĂ© au langage ordinaire » alors que le gĂ©nie poĂ©tique » est au cƓur de toute activitĂ© langagiĂšre tout au long de la vie tout comme on ne peut rĂ©duire aucun poĂšme Ă  quelque procĂ©dĂ© que ce soit sous peine de sĂ©parer la dĂ©finition du poĂšme de sa valeur et la valeur du poĂšme de sa dĂ©finition. Avec les consĂ©quences qui s’en suivent relativisme subjectiviste ou dogmatisme traditionnaliste. Comme dit Henri Meschonnic 2006, p. 14 Alors, que fait un poĂšme ? Un poĂšme fait la poĂ©sie. Sinon il est refait par elle. Refait, dans tous les sens du mot. Et qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas raconter une histoire, ce n’est pas dire une vĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ©, aucune vĂ©ritĂ©. Je ne vois pas autre chose qui reste sinon s’inventer langage, vivre sa vie, et une vie langage. Ces rituels ne viseront donc pas autre chose que d’intensifier l’activitĂ© langagiĂšre pour qu’on y augmente l’attention au langage. Car cette derniĂšre est certainement la condition de la crĂ©ation de poĂšmes, plus prĂ©cisĂ©ment la condition de crĂ©ation de moyens permettant qu’on les Ă©coute, les poĂšmes, dans et par les activitĂ©s langagiĂšres, en lecture comme en Ă©criture, Ă  l’oral comme Ă  l’écrit. De la notation rapide au journal au long cours Le fruit de l’expĂ©rience m’a permis de dĂ©gager trois types d’exercice dans la composition du haĂŻku Ă©veiller les enfants au rĂŽle de chaque mot dans une phrase, les habituer Ă  manipuler les mots, affiner leur sensibilitĂ© Ă  l’égard des mots et de leur usage. Fujii Kunihiko, Composons des haĂŻku, 1989 [citĂ© par Alain Kervern, 1995, p. 113] On sait le succĂšs des haĂŻku dans l’enseignement l’écriture courte a toujours eu bonne presse parce qu’elle permettait de tenir dans le temps scolaire et dans le cahier des charges de l’enseignant corriger 25 expressions Ă©crites
 et l’on sait que bien des ZEP ou lieux Ă©quivalents n’offrent comme projet d’écriture Ă  leurs Ă©lĂšves que ces carnets de haĂŻku » qui permettent de donner de la place Ă  tous » et d’acculturer avec presque rien
 MalgrĂ© ces critiques que d’aucuns trouveront rapides et faciles, gardons toutefois de ces expĂ©riences largement connues et explorĂ©es ce qui en constitue le plus grand intĂ©rĂȘt, l’écriture de notations rapides, et ajoutons leur ce qui souvent leur manque une temporalitĂ© adĂ©quate et un travail de la reprise et du montage. Dans un premier temps, il semble tout Ă  fait judicieux de faire noter rituellement des brĂšves – remarques, citations, notations sur le vif
 – qui, d’une part, s’accumulent l’intĂ©rĂȘt de ces brĂšves consiste d’abord Ă  rendre disponible rapidement une certaine quantitĂ© pour la réécriture et, d’autre part, entraĂźnent une dextĂ©ritĂ© de la prise de notes comme pour tous les projets d’écriture dans les classes, il est nĂ©cessaire de penser leur durĂ©e qui doit Ă  la fois ne pas ĂȘtre trop longue mais assurer assez de possibilitĂ©s de reprise. Dans un second temps, l’activitĂ© d’écriture se transforme en celle de lecture, de relecture et surtout de sĂ©lection et de montage, voire d’illustration et d’édition, sans pour autant viser quoi que ce soit d’ambitieux si ce n’est de se constituer un parcours qui montrerait une histoire, ne serait-ce que l’histoire de cette activitĂ© de prises, au quotidien ou presque, sur le rĂ©el. La justification d’une telle activitĂ© est plus Ă  rechercher par le moyen d’un support et d’un moment adĂ©quats qu’à initier par une connaissance de la tradition japonaise ce qui me paraĂźt soit irrĂ©alisable avec de jeunes enfants et de moins jeunes apprenants !, soit dĂ©magogique et d’un exotisme de trĂšs mauvais goĂ»t car les haĂŻku constituent certes une tradition populaire au Japon mais on oublie souvent que leur dimension savante est extrĂȘmement rigoureuse sans parler de la prĂ©gnance d’une dimension Ă©rotique si ce n’est vulgaire
 qui en fait tout le charme si ce n’est le sel. On comprendra alors qu’il est plus sain, non seulement pour les enfants mais pour l’enseignant qui alors ne se joue pas d’un pseudo-savoir transmissif, de proposer de noter des bribes de rĂ©el sensations, visions, Ă©vocations voire citations en utilisant la page d’un carnet minuscule afin de favoriser l’agrandissement de la bribe ou de la brĂšve Ă  la dimension de la page lui confĂ©rant ainsi une unitĂ© formelle mais Ă©galement temporelle immĂ©diate tout en la situant dans une opĂ©ration d’accumulation – ce qui permet Ă  la fois de rester sec un jour pour devenir disert un autre jour et surtout ce qui permet que les bribes s’enchaĂźnent les unes les autres sans forcĂ©ment suivre la mĂȘme logique, le mĂȘme thĂšme
 Il y a lĂ  des libertĂ©s et des nĂ©cessitĂ©s hasardeuses ! qui sont au principe d’une telle activitĂ© qui paradoxalement retrouvera alors l’esprit de la tradition japonaise, sachant bien que cette derniĂšre n’est pas homogĂšne et qu’elle est trĂšs ancienne
 et donc diverse historiquement. Ce rituel de la notation sur le vif peut se construire avec des consignes rĂ©pĂ©tĂ©es Ă  satiĂ©tĂ© au moins une dizaine de fois et toujours assez simples – notez ce que vous avez vu en sortant de chez vous
 – notez les paroles entendues Ă  la rĂ©crĂ©ation
 – notez la mĂ©tĂ©o du jour dans une acception trĂšs large, on peut noter les humeurs et autres sentiments du moment
 – etc. Ce rituel peut alors se transformer progressivement en un jeu collectif petits groupes d’abord pendant lequel les participants enchaĂźnent leurs notations brĂšves comme dans un dĂ©fi, une joute verbale en l’occurrence Ă©crite. Il serait judicieux alors que les Ă©lĂšves puisent dans leur stock de notations pour venir rĂ©pondre aux brĂšves lancĂ©es par leurs camarades. En groupe de 4, les Ă©lĂšves proposent une sĂ©rie enchaĂźnĂ©e de 12 notations en puisant dans leurs carnets puis les proposent Ă  la classe oralement en prenant la parole chaque fois qu’il s’agit de leur notation. En groupes plus importants, les Ă©lĂšves vont Ă©crire sur une grande affiche une notation qui vient rĂ©pondre aux prĂ©cĂ©dentes
 Le principe du jeu doit mĂȘler le dĂ©fi et la participation de tous. En conclusion, ces notations ne prennent saveur qu’au long cours. De la citation au collage Nous avons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© l’activitĂ© de notations et de diction de citations, donc de brefs fragments pris aux textes poĂ©tiques voire Ă  d’autres textes ; aussi, il s’agirait de suggĂ©rer aux Ă©lĂšves de poursuivre cette activitĂ© de notations jusqu’au montage-collage de nombreuses citations qu’on appelait centon » Le terme dĂ©signe un texte en vers ou en prose dont les fragments sont empruntĂ©s Ă  divers auteurs ou Ă  diverses Ɠuvres d’un mĂȘme auteur Demougin, 1985. Ces mĂ©langes qui introduisent pratiquement Ă  l’anthologie nous y revenons bientĂŽt n’ont pas pour objectif de prĂ©senter un simple ensemble de citations mais bien un texte cohĂ©rent, du moins dont le continu est perceptible – ce qui n’exclut pas des sauts et gambades », comme disait Montaigne de son Ă©criture. Ces rituels peuvent se contenter de crĂ©er non des poĂšmes mais bien plutĂŽt des ensembles qui, de la liste Ă©criture en lignes au texte continu Ă©criture en prose, permet de dĂ©couvrir par l’écriture les traits saillants d’une recherche du poĂšme ce qui coupe / ce qui enchaĂźne ; ce qui reprend / ce qui perturbe ; ce qui s’allie / ce qui dĂ©sunit ; ce qui accentue / ce qui fond ; ce qui annonce / ce qui rĂ©pond ; ce qui accompagne / ce qui sĂ©pare ; ce qui se retranche / ce qui s’affirme ; ce qui ralentit / ce qui accĂ©lĂšre ; ce qui ouvre / ce qui ferme ; etc. Bref, autant de catĂ©gories discursives qui font entendre du poĂšme dans et par une activitĂ© de reprise multiple. De l’imitation Ă  la crĂ©ation Continuer CĂ©zanne est impossible. On ne peut le continuer que par de tout autres chemins. Ernest Pignon 1966 Mais nous savons que la tradition scolaire qui prend sa source dans les anciens exercices de rhĂ©torique tout comme dans certaines pratiques des ateliers d’écriture, prĂ©conise l’activitĂ© d’imitation pour produire » des textes dits poĂ©tiques en vertu de procĂ©dĂ©s de fabrication qui garantirait le label de poĂ©ticité  La littĂ©rature didactique et pĂ©dagogique sur la question naturalise cette activitĂ© en confondant procĂ©dĂ© ou technique d’écriture et valeur poĂ©tique mĂȘme si l’intitulĂ© de tels exercices » d’imitation est plus que suggestif et engage bien autre chose que l’application de procĂ©dĂ©s Ă  la maniĂšre de ». C’est que la maniĂšre » est un concept qui fait problĂšme est-ce seulement une affaire de main », un savoir faire transmissible, d’autant plus rĂ©duit Ă  un tour de main » le plus souvent ! Non ! Nous savons bien que la maniĂšre conceptualisĂ©e dans le domaine pictural Ă  l’époque classique rentre en concurrence dans le domaine littĂ©raire avec la notion de style, laquelle n’est pas moins problĂ©matique puisque le concept semble se confondre avec l’individu quand, ailleurs, on sait que le style fait la caractĂ©ristique d’une Ă©poque, d’une Ă©cole, d’une sĂ©rie de fauteuils, etc., bref d’un collectif, d’un passage Ă  l’anonyme. C’est pourquoi GĂ©rard Dessons a rĂ©introduit le concept de maniĂšre dans l’attention au poĂšme pour lui donner sa force conceptuelle de prise sur l’activitĂ© subjective au cƓur du langage et des discours. C’est justement en considĂ©rant la maniĂšre comme ce qui permet que, par le langage comme aventure du dire, l’expĂ©rience d’un seul devient l’expĂ©rience de tous » Dessons, 2004, p. 380. Ce que pose Dessons, c’est que la maniĂšre est un opĂ©rateur relationnel qui oblige chacun Ă  trouver son rythme et non, Ă  la diffĂ©rence du pastiche, de la parodie ou de la caricature, par exemple, de dissoudre le transubjectif dans une rĂ©pĂ©tition d’objet et/ou de sujet qui achĂšve l’Ɠuvre dans ses dĂ©tails, dans ses tics, dans ses signes quand la maniĂšre engage Ă  la continuer dans et par sa réénonciation. Aussi, s’agirait-il de travailler Ă  des copies qui ne sont pas, Ă  proprement parler, des copies » Octave Mirbeau dans Nathalie Heinich, 1991, p. 226, c’est-Ă -dire de continuer la maniĂšre d’une Ɠuvre plutĂŽt que de la rĂ©pĂ©ter, selon la formulation de Dessons p. 267. Jean-Claude Touzeil, Maud legrand ill., Parfois, Coll. Le farfadet bleu », ChaillĂ©-sous-les-Ormeaux, L’IdĂ©e Bleue, 2004, p. 20-21 Parfois, geai zĂ©ro phote an ortografe. oui, je l’ai relu trois fois avant de comprendre!!! DĂ©cidĂ©ment, je ne suis pas encore habituĂ©e au langage SMS
 Parfois, Tintin rejoint Titeuf au “Bar des Bulles” pour taper le carton avec ObĂ©lix et les frĂšres Dalton. j’imagine bien la scĂšne, au PrĂ©-en-Bulles, un bar de ma ville
 Parfois, l’avenir du futur antĂ©rieur me semble problĂ©matique. Ă  moi aussi
 c’est quoi d’ailleurs? Parfois, Ă  Ixelles Belgique, on ne trouve plus que des grandes tailles. va falloir que j’aille y faire un tour ^^ Le livre de poĂšmes de Jean-Claude Touzeil illustrĂ© par Maud Legrand, Parfois 2004, semble proposer une mĂȘme formule rĂ©pĂ©titive d’engendrement poĂ©tique » du dĂ©but Ă  la fin du livre puisqu’il est constituĂ© d’une litanie de propositions qu’ouvre l’adverbe parfois ». Mais, d’une part, l’illustration qui met deux blocs colorĂ©s face Ă  face les anime de petits personnages qui progressivement dĂ©veloppent une Ă©popĂ©e minuscule et mystĂ©rieuse et, d’autre part, la litanie construit des registres thĂ©matiques, des parallĂ©lismes, des Ă©chos aussi variĂ©s qu’inattendus. Bref, la rĂ©pĂ©tition se fait rythme du texte Ă  l’image et de fragments en fragments. Ce que chaque page, mĂȘme sans illustration, impose par son organisation en quatre propositions comme les quatre points cardinaux du sens en mouvement, une girouette au vent toujours changeant
 Contentons-nous d’observer ces deux pages 20 et 21 si les jeux de mots ou approximations nous mettent sur la piste d’un procĂ©dĂ© unitaire, un fragment la rose des sables » n’y concourt pas et donc dĂ©fait cette premiĂšre rĂ©duction possible de la litanie Ă  la rĂ©itĂ©ration d’un procĂ©dĂ© unique ; la structure syntaxique de la proposition est Ă©galement trois fois identique syntagme nominal+groupe verbal mais la premiĂšre proposition commence par un impersonnel ; trois propositions font deux lignes mais la quatriĂšme se contente d’une ligne ; etc. La litanie est donc plus un montage de propositions, souvent mais pas forcĂ©ment analogues par un de leur aspect. Ces propositions visent d’abord Ă  construire un souffle ininterrompue de remarques certes hĂ©tĂ©roclites mais qui progressivement font entendre une maniĂšre de voir, de sentir, de vivre le monde, la pensĂ©e et le langage. Cette maniĂšre devient alors inimitable. Aussi, que reste-t-il Ă  faire sous peine de rĂ©duire ce souffle Ă  quelques procĂ©dĂ©s au souffle court, voire au souffle coupĂ© qui enterrerait la maniĂšre de Touzeil et celle du livre, donc aussi l’épopĂ©e de l’illustration
 ? Il reste Ă  continuer cette maniĂšre, Ă  inventer si ce n’est avec des lanceurs du type de parfois », du moins avec des observations qui trouvent en mĂȘme temps qu’elles se poursuivent un chemin pour une pensĂ©e qui se trouve dans le jeu de langage. Il n’y a pas de recettes
 pour passer de l’imitation Ă  la crĂ©ation car, pas seulement parfois » mais toujours, faire la doublure / en retournant sa veste est une autre paire de manches » Touzeil, 2004, p. 43 Vous voyez, je ne nomme pas avant que de faire. Si on savait, si on savait, on ne serait pas lĂ  d’abord. C’est l’immense part d’inconnu ! Quand on parle de signe, on entre dans le connu ! Il y aurait une connaissance avant que fĂ»t le savoir. Pierre Tal-Coat 2007, p. 22, p. 27, p. 76 Les poĂšmes n’existent pas hors du livre, plus prĂ©cisĂ©ment, les poĂšmes sont Ă©ditĂ©s et ces Ă©ditions les proposent trĂšs souvent avec un accompagnement artistique de type graphique ou plastique. C’est Ă  cette dimension que d’autres rituels peuvent s’attacher sans que cela ne demande Ă  proprement parler d’explications autres qu’une frĂ©quentation ouverte Ă  toutes les sollicitations. Donner Ă  l’illustration sa force premiĂšre de rendre illustre, de faire briller, et donc de faire mieux entendre le poĂšme en le voyant mieux, puis donner toute leur valeur d’opĂ©rateurs poĂ©tiques Ă  tout ce qui concoure Ă  l’édition dont l’illustration mais Ă©galement la mise en page, la typographie, etc., c’est tenter de trouver des activitĂ©s rĂ©guliĂšres qui font aller plus vite au cƓur du livre de poĂšmes, au cƓur de la lecture. De l’illustration Ă  l’édition Parfois, le poĂšme voudrait changer de page. Jean-Claude Touzeil 2004 Merci Ă  Marie-Therese Cuenat L’habitude scolaire de recopier des poĂšmes peut-ĂȘtre considĂ©rĂ©e de deux façons soit il s’agit d’occuper les Ă©lĂšves et de leur demander de recopier tel texte poĂ©tique en pariant sur le fait qu’ils ne perdent pas leur temps Ă  recopier un beau texte » d’autant plus que la poĂ©sie Ă©tant ce qu’elle est et les Ă©lĂšves aussi, il vaut mieux ne pas se faire d’illusion et assurer les compĂ©tences de base manuscrites et orthographiques avant d’envisager autre chose
 soit il s’agit de considĂ©rer une telle activitĂ© comme une vĂ©ritable activitĂ© intellectuelle non dĂ©nuĂ©e de sensations qui touchent Ă  une physique de la lecture ainsi que Walter Benjamin le signalait avec beaucoup d’humour dans un beau texte Objets de Chine » dont je retiens l’extrait suivant La force d’une route de campagne est autre, selon qu’on la parcourt Ă  pied, ou qu’on la survole en aĂ©roplane. La force d’un texte est autre Ă©galement, selon qu’on le lit ou qu’on le copie. Qui vole voit seulement la route s’avancer Ă  travers le paysage elle se dĂ©roule Ă  ses yeux selon les mĂȘmes lois que le terrain qui l’entoure. Seul celui qui va sur cette route apprend quelque chose de sa puissance, et apprend comment, de cet espace qui n’est pour l’aviateur qu’une plaine dĂ©ployĂ©e, elle fait sortir, Ă  chacun de ses tournants, des lointains, des belvĂ©dĂšres, des clairiĂšres, des perspectives, comme l’ordre d’un commandant qui fait sortir des soldats du rang. Il n’y a que le texte copiĂ© pour commander ainsi Ă  l’ñme de celui qui travaille sur lui, tandis que le simple lecteur ne dĂ©couvre jamais les nouvelles perspectives de son intĂ©rioritĂ©, telles que les ouvre le texte, route qui traverse cette forĂȘt primitive en nous-mĂȘmes, qui va toujours s’épaississant car le lecteur obĂ©it au mouvement de son moi dans l’espace libre de la rĂȘverie, tandis que celui qui copie le soumet Ă  une discipline. Aussi l’art chinois de copier les livres fut-il la garantie incomparable d’une culture littĂ©raire, et la copie une clĂ© pour les Ă©nigmes de la Chine. Benjamin, 1950, 115-116 Demander rĂ©guliĂšrement de copier des poĂšmes pour les lire demande de laisser les Ă©lĂšves effectuer ce travail Ă  leur guise, c’est-Ă -dire en leur donnant le temps Ă  l’issue de l’activitĂ© d’échanger rapidement sur leurs pratiques de la copie. Cela constitue un rituel de lecture extrĂȘmement consĂ©quent si l’on y rĂ©flĂ©chit bien. D’autant plus qu’en poursuivant la proposition de Walter Benjamin et se rappelant du fait que les chinois calligraphient, on peut suggĂ©rer aux Ă©lĂšves de dessiner au cƓur mĂȘme de leur activitĂ© de copie. PlutĂŽt que de sĂ©parer le dessin et la copie comme le faisait le cahier de poĂ©sies traditionnel, il serait judicieux d’engager les Ă©lĂšves Ă  dessiner en mĂȘme temps qu’ils copient. Non pour tout confondre, encore qu’un continu de la pensĂ©e du lecteur peut s’y inscrire, mais pour donner prendre le temps de la lecture. Ajoutons que la pratique d’écriture de bon nombre de poĂštes associent dĂšs le manuscrit ou dans des pratiques de prise de notes diverses, dessin et Ă©criture. On verra ci-dessous que le dessin peut se prolonger voire disparaĂźtre au profit du collage. Pour commencer de tels rituels, il est nĂ©cessaire de lancer des activitĂ©s trĂšs rĂ©guliĂšres de copie » qui convoquent des poĂšmes » ou plutĂŽt des extraits de poĂšmes trĂšs courts. Par exemple, la lecture magistrale ou par des Ă©lĂšves d’un poĂšme peut ĂȘtre suivie immĂ©diatement par le copiage d’un extrait soit imposĂ© soit libre de ce poĂšme. Un petit carnet de lecture – servant par ailleurs Ă  d’autres activitĂ©s – ou plus simplement le cahier du jour, peuvent servir Ă  cette activitĂ© qui ne dure pas plus de cinq Ă  dix minutes. Des reprises sont toujours possibles en vue d’une Ă©dition de copies »  en utilisant, par exemple, la photocopie ! Mais alors, le montage va intervenir. On y revient plus loin. Il faudrait particuliĂšrement rĂ©server cette activitĂ© de copie aux poĂšmes » car c’est avec de tels textes que vont se rencontrer un certain nombre de problĂšmes de lecture et d’écriture et donc se construire des problĂ©matisations et conceptualisations importantes et dĂ©cisives pour tout lecteur. Le plus important – et peut-ĂȘtre le premier dans la genĂšse de l’écriture et de la lecture – est celui de la justification qui ne peut se rĂ©duire Ă  un vulgaire code typographique quand il s’agit de faire sens, de donner vie. La manipulation par la copie, qu’elle soit manuscrite ou tapuscrite jusqu’au traitement de texte, demande de penser l’écriture dans son activitĂ© quasiment physique comme invention de son espace en mĂȘme temps que de sa temporalitĂ©, de son continu en mĂȘme temps que de ses discontinuitĂ©s, de sa volubilitĂ© en mĂȘme temps que de ses silences, etc. Les questions naĂŻves des jeunes Ă©lĂšves copiant un texte sont des questions fondamentales de lecture pourquoi, comment aller Ă  la ligne ? », pourquoi, comment couper un mot ? », pourquoi, comment des majuscules, des signes de ponctuation
 ? » pourquoi, comment disposer dans la page ? », etc. Tenant compte de ces objectifs et des possibilitĂ©s d’accorder toute son importance Ă  l’activitĂ© de copie de poĂšmes voire, de prĂ©fĂ©rence, d’extraits choisis de poĂšmes, il paraĂźt judicieux de continuer Ă  utiliser le cahier de poĂ©sie. Cela demande alors de le transformer de deux points de vue varier son format et surtout ne plus opposer texte et illustration en recherchant des formes libres d’association et en laissant s’accumuler des essais de copie mĂȘlant Ă©crits et dessins. NĂ©cessairement, les enseignants et peut-ĂȘtre les parents demanderont alors Ă  vĂ©rifier ces copies » de poĂšmes mais dans un premier temps il semble prĂ©fĂ©rable d’y attacher de l’attention et de les relire ensemble ou, mieux, d’y consacrer de courts moments pour voir ce qui a Ă©tĂ© fait, ce qui est nouveau
 et les erreurs de copie se corrigeront d’elles-mĂȘmes puisque le seul moyen de vĂ©rification est de repartir de l’original, de l’édition officielle » du poĂšme en vue de cette Ă©dition personnelle qu’est sa copie. Du collage au montage Une autre modĂšle du rituel pour illustrer avec les poĂšmes demande de donner toute sa place Ă  l’activitĂ© de collage. Comme dit Michel Butor, dans le collage, les mots ne sont plus quelque chose que l’on trace, mais que l’on trouve » Butor, 1974, p. 88. Si Butor parle des collages de fragments d’imprimĂ©s, on peut gĂ©nĂ©raliser sa proposition Ă©galement Ă  tous les types de collage matiĂšres, couleurs, illustrations diverses et bien Ă©videmment morceaux de textes imprimĂ©s ou manuscrits car le collage demande, aprĂšs voire au cours de sa rĂ©alisation, d’engager une parole qui construit une lecture. Cette parole prendra forcĂ©ment appui sur les rapports qui peuvent apparaĂźtre entre la lecture premiĂšre du poĂšme ou fragment de poĂšme qui prĂ©cĂšde le poĂšme et la lecture seconde qui voit se superposer ou se juxtaposer collage et poĂšme. Prenons quelques exemples qui donnent matiĂšre Ă  ces activitĂ©s de collage lire un poĂšme, ou rĂ©pĂ©tons-le une derniĂšre fois, un fragment de ce poĂšme, Ă  cĂŽtĂ© de papiers de couleur dĂ©chirĂ©s ou dĂ©coupĂ©s qui viennent l’accompagner observer alors les diffĂ©rences de lecture selon les accompagnements colorĂ©s et ne coller les papiers qu’une fois l’expĂ©rience conduite aprĂšs plusieurs essais ; rĂ©aliser le mĂȘme genre d’expĂ©rience avec des papiers transparents en variant les couleurs, les formes, les superpositions, finir par une proposition ; prendre dans une banque d’images de reproductions d’Ɠuvres ou de photographies paysages, portraits,objets
 et essayer des combinaisons avec le poĂšme coller aprĂšs avoir effectuer si nĂ©cessaire des prĂ©lĂšvements, des superpositions
 Si ces activitĂ©s avec bien d’autres variantes peuvent se rĂ©aliser dans le traditionnel cahier de poĂ©sies, elles peuvent Ă©galement en sortir et s’ouvrir Ă  des boĂźtes de poĂ©sies qui feront place Ă  des objets – s’inspirant , par exemple, des boĂźtes de Joseph Cornell, autant qu’à des papiers pour que la lecture alors prenne la troisiĂšme dimension sans hĂ©siter ! Mais avec le montage, c’est vers la quatriĂšme dimension que les Ă©lĂšves vont alors se diriger
 Joseph Cornell Navigating the Imagination Pour concrĂ©tiser cette activitĂ©, nous allons observer un ouvrage publiĂ© dans la collection Le farfadet bleu ». Au-delĂ , une observation de plusieurs ouvrages de cette collection permettrait d’ailleurs aux Ă©lĂšves de trouver par eux-mĂȘmes des idĂ©es de montage avec les poĂšmes et les images
 Le Capitaine des myrtilles de Daniel Biga est accompagnĂ© par un carnet de dessins » p. 25 Ă  34 rĂ©alisĂ© par KĂ©lig Hayel. Les 29 poĂšmes de Biga qui font comme une courte anthologie de son Ɠuvre pour ses jeunes lecteurs puisqu’ils ont Ă©tĂ© pris Ă  trois ouvrages antĂ©rieurs, sont parfois annotĂ©s d’un renvoi au carnet de dessin. Ce livre propose donc un montage Ă©tonnant un ensemble de poĂšmes et un carnet de dessin avec un systĂšme de renvois des uns aux autres ! Mais si l’on observe de plus prĂšs ce dispositif, on voit que c’est l’écriture de Biga qui l’a suggĂ©rĂ©. Le poĂšme qui suit est prĂ©cĂ©dĂ© de la mention manuscrite dessin du carnet ». PAYSAGE RAPIÉCÉ haies de cyprĂšs de saules de peupliers longues et hautes allĂ©es de domaines inconnus chemins terreux route de goudron limites de champs et vignobles ruisseaux serpentins bordĂ©es de forĂȘts de cannes talus frontaliers enchevĂȘtrĂ©s de garrigues lambeaux campagnards bourrelets cicatrices hachĂ© coupĂ© retaillĂ© bordĂ© surfilĂ© patchwork multiples coutures reprises du paysage image Ă  venir Ce poĂšme et ce dessin qu’il faut donc associer en tournant les pages du livre nous font faire ce qu’ils font et ce qu’ils disent qu’ils font rapiĂ©cer » ! Mais ce montage qui est un travail de reprise par les bordures, les enchevĂȘtrements, les cicatrices, le surfilage et les coutures, lie dans un continu le texte Ă  l’image, le propos Ă  la maniĂšre, le rythme au sujet. Aussi, le paysage n’est plus une description statique mais un mouvement de va-et-vient qui ne cesse de tisser une voix autant qu’un regard, une expĂ©rience autant qu’une pensĂ©e. Pour encore mieux prĂ©ciser la dĂ©marche ici proposĂ©e avec les Ă©lĂšves, il s’agit bien de considĂ©rer l’activitĂ© d’écriture de listes voir nos sĂ©quences avec un livre de poĂšmes et la premiĂšre activitĂ© proposĂ©e liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e comme une vĂ©ritable activitĂ© d’écriture. Ici, l’écriture de listes inclut la prise d’élĂ©ments graphiques et illustratifs, du moins n’hĂ©site pas Ă  passer des uns aux autres. Quand la collection a Ă©tĂ© plus ou moins rĂ©alisĂ©e, les Ă©lĂšves sont amenĂ©s Ă  la prĂ©senter et donc Ă  effectuer un montage. Ce montage peut s’effectuer linĂ©airement comme fait Daniel Biga dans son poĂšme – ce qui correspond Ă  l’activitĂ© de hiĂ©rarchisation prĂ©cĂ©demment proposĂ©e – ou tabulairement comme fait KĂ©lig Hayel pour son dessin d ». Ce tableau » est en effet concentrique par son organisation signifiante collage concentrique de fragments de dessins, pastels grattĂ©s et encres » autour de reproductions dĂ©coupĂ©es de papillons venant elles-mĂȘmes entourer une liste de ces mĂȘmes papillons – ces derniers ayant Ă©tĂ© pris Ă  un manuel » ou guide » naturaliste. Il faut toutefois ajouter que cette organisation concentrique est perturbĂ©e puisqu’elle est orientĂ©e vers le coin supĂ©rieur droite de la double-page et que les dessins » noirs y concourent par leur disposition. Un peu comme la liste hiĂ©rarchisĂ©e des Ă©lĂ©ments du paysage rapiĂ©cĂ© » de Daniel Biga est lancĂ©e par le syntagme haies de cyprĂšs » qui met le lecteur au cƓur si prĂšs ! de ce qui organise ce poĂšme-paysage ses coutures ». De ce principe dĂ©sorganisateur, le poĂšme fait une orientation qui paradoxalement construit un continu dans et par la fragmentation haies de cyprĂšs-de saules-de peupliers » oĂč dĂšs la premiĂšre ligne nous lisons cette accumulation apparemment hĂ©tĂ©roclite puisque chaque fragment est une reprise du paysage » . Le continu du poĂšme puise son principe dans l’exigence du continu du microcosme au macrocosme et de l’extĂ©rieur Ă  l’intĂ©rieur, que la voix du poĂšme rĂ©alise. Il ne faudrait surtout pas perdre ces moments qui permettent Ă  la classe de continuer Ă  apprendre sans se soucier d’objectifs Ă  atteindre, de savoirs prĂ©cis Ă  trouver, de dĂ©marches Ă  contrĂŽler
 Ces moments ritualisĂ©s sont comme bien des moments de la vie, ceux oĂč l’on fait sans trop savoir ce que l’on fait mais en sachant bien qu’on le fait bref, ce sont des moments d’écoute ou de diction flottante, de lecture Ă  vue et d’écriture au fil de la plume parce qu’on se laisse aller dans un cadre ritualisĂ© qui assure qu’on en reviendra sain et sauf et mĂȘme ragaillardi, rĂ©joui, et pourquoi pas reposĂ© aussi. Ces rituels sont gĂ©nĂ©ralement courts certains les ont appelĂ©s gouttes de poĂ©sie » mais une tornade ne peut prendre que quelques instants et le goutte-Ă -goutte est souvent le dernier remĂšde avant l’extinction ! Alors de la minute qui vient comme ponctuer les autres activitĂ©s scolaires Ă  ce petit moment rĂ©gulier qu’on retrouve tous les jours ou tous les deux jours et qui nous met tous ensemble pour entamer une activitĂ© sĂ©rieuse ou au contraire boucler une activitĂ© qui manque de sĂ©rieux
 de la minute au quart d’heure, on peut trouver une variĂ©tĂ© de rituels qui mettent les poĂšmes au diapason des habitudes toujours vives et pas forcĂ©ment empĂȘtrĂ©es dans la morositĂ©, les mauvaises habitudes ou les facilitĂ©s occupationnelles. Rituels pour rĂ©citer les poĂšmes Le souci Et pour qui sont ces six soucis ? Ces six soucis sont pour mĂ©moire. Ne froncez pas les sourcils Ne faites donc pas une histoire, Mais souriez, car vous aussi, Vous aussi aurez des soucis. Robert Desnos 1991, p. 42. De la rĂ©citation au rĂ©citatif Le rituel le plus rĂ©pandu dans l’école c’est la rĂ©citation qui est Ă  la fois un exercice trĂšs ancien et progressivement rĂ©duit Ă  l’instrumentalisation de la poĂ©sie. On aurait tendance aujourd’hui Ă  le vouer aux gĂ©monies. Pourquoi ne pas le garder en lui redonnant ses lettres de noblesse, peut-ĂȘtre mĂȘme en le rĂ©inventant ! Par exemple, la rĂ©citation pourrait s’inspirer de cet extrait du théùtre de ValĂšre Novarina 1997, p. 142-144 L’enfant d’outrebref Vous n’avez plus que cinquante-huit phrases Ă  dire. La figure pauvre En tout et pour tout ? Le plancher est ; la pluie coule Ă  verse ; j’ai passĂ© les tuyaux au ZĂšbracier ; j’ai dĂ©placĂ© sur ma table les galets tĂ©moins ; de plus en plus de personnes en moi, ou hors de moi, disent qu’elles ont froid aux pattes ; le soleil luit aujourd’hui ; j’irai faire un tour chez les vĂ©nĂ©naux ; puis je me lĂšverai matin ; bĂ©nis ceux dont les langages me parlent dans la tĂȘte ; bĂ©nie soit la vie qui nous Ă©chappe ; ombre verte est l’ombre verte ; je vais balayer. » L’enfant traversant Encore trois cent quatre-vingt-neuf mots. La figure pauvre [
] L’enfant traversant Trois-cent vingt et un. La figure pauvre Par la fenĂȘtre, on voit un groupe de sapins ; un sapin isolĂ© Ă  double tronc ; une maison en ruine avec des poutres ; une haie d’orties ; une prairie d’herbes avec des chardons ; les sapins vert sombre ou bleu sombre, vert-bleu sombre ; les sapins toujours lĂ  sombrement ; une colline bleue ou bleu-gris ; le ciel trĂšs-trĂšs-trĂšs blanc au-dessus du bas de la colline ; le ciel un peu plus bleu au-dessus ; des rojales oyu Ă©pilobes au milieu des orties. – Nom des herbes, dire le nom des herbes ! – Je peux encore dire le nom des herbes ? L’enfant traversant Dites le nom des herbes que vous savez ! La figure pauvre La tramine, l’épieuse, le lactis, les foliacĂ©es, l’égrangette, la bardane, l’épilobe, la prĂȘle, la fĂ©tuque, la brize, le dactyle, le vulpin, le scirpe, la laĂźche, la luzule, le colchique, le narcisse, l’iris, l’oseille, le mĂ©landre, le coucou, l’Ɠillet, le caltha, le trolle, la renoncule, la cardamine, la parnassie, l’ansĂ©rine, la benoĂźte des ruisseaux, la valĂ©riane, la succise, la scabieuse, le coult, la campanule, la marguerite, l’arnica, le sĂ©neçon, la carline, le salsifis, le pissenlit, la chicorĂ©e sauvage, la piloselle, la folle avoine, le muscari, la tulipe sauvage, la petite oseille, la renouĂ©e, la dauphinelle, l’adonide, le pavot, le coquelicot, le fumeterre, le sĂ©nevĂ©, la ravenelle, le bec de grue, l’euphorbe, la pensĂ©e, le liseron, la morgeline, le lamier, la galĂ©opse, la menthe, la mĂ©lampyre, la niĂšble, la matricaire, l’anthĂ©mide, la centaurĂ©e, le laiteron, le cirse. N’avoir que 58 phrases Ă  dire, que 389 mots ou encore dire le nom des herbes que l’on sait
 autant de pistes de rĂ©citation ! Qu’est-ce Ă  dire ? Qu’il s’agit de rĂ©citer des listes qui ne sont pas seulement nominales, de maniĂšre adĂ©quate au niveau ou aux finalitĂ©s que l’on se donne un rĂ©citant et un chƓur qui reprend – le rĂ©citant pouvant ĂȘtre l’enseignant, le chƓur pouvant ĂȘtre la classe ou de petits groupes qui rĂ©citent alternativement
 des listes ; un ou plusieurs Ă©lĂšves lisent des listes dans un premier temps puis progressivement emportĂ©s par la rĂ©citation se mettent Ă  improviser des suites de listes ou des listes nouvelles
 Ces rĂ©citations n’ont pas pour objectif premier de bien lire, de bien articuler, de bien exprimer ces listes mais de faire passer des fragments certes sensĂ©s d’un discours qui n’a de tenue que par sa profĂ©ration, son passage en bouches – voire en boucles – exactement comme les ritournelles enfantines qui d’ailleurs peuvent ĂȘtre pour les plus petits l’occasion de rĂ©citations semblables. Ces rĂ©citations habituent Ă  mettre le corps dans des dispositions libres pour que les textes prennent voix indĂ©pendamment des volontĂ©s et autres stratĂ©gies d’arraisonnement Ă  des fins trop rĂ©flĂ©chies. Il s’agit de faire venir l’énergie discursive proche de la volubilitĂ© des parleurs engagĂ©s dans des conversations passionnantes des enfants qui parlent pour parler, par exemple comme font bien des adultes au tĂ©lĂ©phone ou au cafĂ© voire dans les soirĂ©es mondaines dont l’art, rappelons-le, est de tenir la conversation coĂ»te que coĂ»te
 Quand la rĂ©citation de listes acquiert cette volubilitĂ©, elle peut alors facilement s’étendre Ă  n’importe quel texte pour faire peut-ĂȘtre entendre son poĂšme c’est-Ă -dire ce qui peut en faire un poĂšme, Ă©tant entendu que la volubilitĂ© entraĂźne tout le discours dans l’inconnu de la relation langagiĂšre. C’est un test excellent pour voir si un texte mis en bouche fait poĂšme. Et il faudrait autant sinon plus que par l’explication tester les textes ainsi. Ce qui n’a rien Ă  voir avec la diction théùtrale qui peu ou prou entre dans une culture qui surplombe le texte bien souvent ou avec la diction dite expressive qui vient comme confirmer la comprĂ©hension et l’interprĂ©tation scolaires ou savantes. Les unes comme les autres ne rendront jamais tel texte de Henri Michaux 1963, p. 92-93 Ă  son poĂšme autant qu’une rĂ©citation-profĂ©ration. Dans la nuit Dans la nuit Dans la nuit Je me suis uni Ă  la nuit À la nuit sans limites À la nuit. Mienne, belle, mienne. Nuit Nuit de naissance Qui m’emplit de mon cri De mes Ă©pis. Toi qui m’envahis Qui fais houle houle Qui fais houle tout autour Et fumes, es fort dense Et mugis es la nuit. Nuit qui gĂźt, nuit implacable. Et sa fanfare, et sa plage Sa plage en haut, sa plage partout Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui Sous lui, sous plus tĂ©nu qu’un fil Sous la nuit, La Nuit. Tous les poĂšmes de cet ensemble intitulĂ© PoĂšmes » – il y en a treize ! – peuvent ainsi ĂȘtre mis en bouche pour le seul enjeu de vivre leur volubilitĂ© qui fait le plein de poĂšmes. Celui qui figure ici – le neuviĂšme – commence par se rĂ©pĂ©ter pour ne plus arrĂȘter de se reprendre un peu comme s’il bĂ©gayait mais, plus qu’une hĂ©sitation dans la diction, il s’agirait d’une insistance, d’un tournoiement, d’un abandon Ă  cette nuit », Ă  cette obscuritĂ© envahissante qui tient autant Ă  sa prosodie qu’à sa thĂ©matique, qui tient Ă  sa voix Ă©blouissante. L’énergie discursive se trouve dans la diction qui se cherche en rĂ©pĂ©tant, en reprenant presque inlassablement jusqu’à un certain Ă©puisement, un certain oubli du texte, de la situation mĂȘme
 C’est que l’enjeu d’une telle activitĂ© consiste Ă  faire venir jusqu’à son Ă©coute l’inconnu d’un texte autant que l’inconnu de l’activitĂ© elle-mĂȘme. La surprise est imprĂ©visible ; la trouvaille ne se maĂźtrise pas. De la citation Ă  l’action Écrire au tableau une phrase du jour ou, variante, faire Ă©crire aux Ă©lĂšves la phrase du jour sur une affiche qui accumule ainsi les phrases, extraits de proses et de vers
 pour que chacun les recopie, les redise, les apprenne par cƓur on vĂ©rifie ces mĂ©morisations dans la journĂ©e, le lendemain
, sachant bien que la sĂ©lection s’opĂ©rera d’elle-mĂȘme pour chacun mais aussi dans le groupe. Ce bon mot » du jour peut se voir reconsidĂ©rer de plusieurs maniĂšres le recopier, certes, mais en travaillant le graphisme sans, pour autant, faire calligramme de ce qui n’a pas Ă©tĂ© Ă©crit pour cela mais simplement pour dĂ©monter l’extrait, le montrer autrement, se l’approprier La riviĂšre parfois tremble se noue pourtant jamais elle ne se retourne pour voir si on la suit. Alexandre Voisard dans Guy Goffette, 2003, p. 92 le contextualiser en lisant le contexte de l’extrait avant et/ou aprĂšs, en donnant les rĂ©fĂ©rences, en se documentant sur l’auteur, le thĂšme, les mots
 Voulez-vous parlons d’autre chose Il y a des esprits moroses Des esquimaux des ecchymoses Louis Aragon, 2003, p. 72. l’afficher dans des lieux insolites dans la classe, dans l’école pour que ces nouveaux contextes obligent Ă  lire autrement, Ă  inventer d’autres lectures, Ă  trouver d’autres lecteurs tout l’intĂ©rĂȘt de cette activitĂ© c’est aussi d’ĂȘtre rĂ©guliĂšre jusque dans ses surprises mĂȘmes. Liste indicative de telles possibilitĂ©s souvent inspirĂ©es par Amandine Marembert dans Cahiers pĂ©dagogiques, n° 417, 2003, p. 37-38 corbeille de fruits poĂ©tiques Ă  l’entrĂ©e de la classe, de l’école fil Ă  linge poĂ©tique dans le couloir self poĂ©tique un poĂšme sur le plateau du self le midi post-it poĂ©tiques sur les marches d’escalier, aux plafonds parapluie, parasols et paravents poĂ©tiques dans la BCD papillotes, boules et autres guirlandes poĂ©tiques dans l’arbre de la cour portes-clĂ©s, badges, tickets et autres petits matĂ©riels poĂ©tiques pour une fĂȘte de l’école sms, timbres et enveloppes poĂ©tiques pendant une semaine de la poĂ©sie petites annonces poĂ©tiques sur le panneau des informations tracts poĂ©tiques la matin ou le soir avant ou aprĂšs les heures de classe fusĂ©es, avions et cerfs-volants poĂ©tiques etc. le jouer de multiples fois pour en tester la force en variant les dispositifs scĂ©niques ou vocaux La source tombait du rocher Goutte Ă  goutte Ă  la mer affreuse. L’OcĂ©an, fatal au nocher, Lui dit Que me veux-tu, pleureuse ? Je suis la tempĂȘte et l’effroi ; Je finis oĂč le ciel commence. Est-ce que j’ai besoin de toi, Petite, moi qui suis l’immense ? » La source dit au gouffre amer Je te donne, sans bruit ni gloire, Ce qui te manque, ĂŽ vaste mer ! Une goutte d’eau, qu’on peut boire. » Ce poĂšme de Hugo tirĂ© des Contemplations avril 1854 dans Hugo, 1973, p. 254 demanderait plus qu’une mise en scĂšne dialogique qui d’ailleurs dĂ©truirait la continuitĂ© de la voix du fabuliste. Il exige un long travail de variations sur un ou deux vers seulement, quels qu’ils soient. Dire de trĂšs nombreuses fois un ou deux vers, les passer de bouche en bouche, les faire vivre dans des dĂ©placements du corps et dans des gestes, vont alors permettre que les commentaires fusent et surtout que le poĂšme de cette fable s’incorpore, devienne le propre de chacun sans qu’aucune explication n’ait Ă©tĂ© donnĂ©e. Ces variations partagĂ©es sur de petits moments poĂ©tiques d’un texte ouvrent un vrai dĂ©bat interprĂ©tatif dans et par l’attention prĂ©cise aux dĂ©tails les plus infimes de ce que fait un poĂšme au corps, Ă  la voix, Ă  chacun et Ă  tous. Parions que le mot goutte » ne sera plus jamais entendu, compris, employĂ© comme avant
 Deux ouvrages seulement pour le collĂšge mais aprĂšs ceux des cycles 2 et 3, chacun comprendra aisĂ©ment la dĂ©marche et saura l’adapter aux autres ouvrages que nous avons proposĂ©s et Ă  bien d’autres tout aussi forts de lecture. Certes, l’ampleur et la difficultĂ© augmentent mais rien ne remplace, contrairement aux habitudes souvent acquises dans le secondaire, cette dĂ©marche qui laisse toute sa place Ă  l’aventure de la lecture et des lecteurs Ă©tant donnĂ© qu’elle est toujours l’exigence de leur libertĂ©, c’est-Ă -dire de l’écoute la plus proche des Ɠuvres. Avec Blaise Cendrars et ses Feuilles de route Il n’y a pas plus allĂ©gorique de la lecture elle-mĂȘme que le journal de voyage et c’est un tel journal que Cendrars propose comme livre de poĂšmes avec ses Feuilles de route la dĂ©dicace fort longue qui ouvre le livre parle de cahier » ; ce qui nous fait songer au carnet de bord. Lequel est constituĂ© de trois parties I. Le Formose », du nom du bateau qu’emprunte Cendrars en direction du BrĂ©sil en passant par Bilbao et Dakar, dont nous connaissons lieux et dates d’écriture puisqu’on lit au bas de cette premiĂšre partie la mention Le Havre-Saint-Paul, fĂ©vrier 1924 »; II. Sao-Paulo », le Saint-Paul de la mention finale de la premiĂšre partie, qui comprend six courts poĂšmes ; III. », la troisiĂšme partie du cahier » sans autre titre que sa numĂ©rotation qui commence par un DĂ©part » pour s’achever sur un question abyssale Pourquoi j’écris ? » Ă  laquelle est donnĂ© la rĂ©ponse la plus ouverte qui soit Parce que
 » avant que ne figure l’annĂ©e de cette Ă©criture 1924 ». On notera toutefois que les Ă©ditions Gallimard ont donnĂ©, dans le sommaire le titre du premier poĂšme » Ă  la troisiĂšme partie sans utiliser les rĂšgles typographiques qui s’imposent
 C’est donc un cahier » de 80 pages environ qu’on peut lire d’une traite comme l’invention d’un livre qui se cherche autant dans ses lecteurs que dans son propos, mĂȘme si Cendrars semble nous donner des pistes rassurantes autant que dĂ©routantes avec sa lettre-ocĂ©an » LETTRE-OCÉAN La lettre-ocĂ©an n’est pas un nouveau genre poĂ©tique 
 La lettre-ocĂ©an n’a pas Ă©tĂ© inventĂ©e pour faire de la poĂ©sie Mais quand on voyage quand on commerce quand on est Ă  bord quand on envoie des lettres-ocĂ©an On fait de la poĂ©sie p. 22 Passage qui pourra certainement susciter un dĂ©bat nourri tout au long du livre mĂȘme si les formes du dĂ©bat peuvent rester allusives voire silencieuses
 *** Les listes lexicales possibles sont bien Ă©videmment nombreuses ; il semble toutefois que des pistes exemplaires puissent ĂȘtre empruntĂ©es et la classe pourra utiliser Ă  bon escient des rĂ©partitions en sous-groupes Ă©tant entendu que chaque liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e rĂ©alisĂ©e ne peut l’ĂȘtre qu’individuellement puisqu’il s’agit toujours de se montrer un parcours de lecture dans l’Ɠuvre. Observez quelques personnages rencontrĂ©s par Cendrars au long de son voyage et ordonnez-les Ă  votre convenance ; Le narrateur du cahier livre ses impressions de voyageur au long cours, relevez-les et ordonnez-les ; Listez quelques activitĂ©s des voyageurs Ă  bord des transatlantiques telles que dĂ©crits par le narrateur de ces Feuilles de route et ordonnez-les dans l’ordre de prĂ©fĂ©rence de ce mĂȘme narrateur. Il s’agit, on l’aura compris, de pĂ©nĂ©trer la voix narrative, d’en comprendre les accents, d’en saisir la force jusque dans son ironie parfois grinçante et sa porositĂ© aux clichĂ©s de l’époque quoiqu’elle ne cesse de s’y opposer – perdons l’habitude de dire que le poĂšte pense que, parle de
 et considĂ©rons en poĂ©sie comme en roman, y compris autobiographique, que le narrateur que nous prĂ©fĂ©rons appeler, dĂšs qu’il y a poĂšme, le raconteur » n’est pas l’auteur ! *** Les instantanĂ©s théùtraux peuvent avoir pour objectif de montrer le travail d’écriture pensive et aventuriĂšre de Cendrars Ă©criture au prĂ©sent de l’écriture. Cendrars donne toujours l’impression du poĂšme en train de s’écrire au moment du vivre. On pourrait donc proposer aux Ă©lĂšves de dire tel ou tel passage de leur choix en mimant leur Ă©criture machine Ă  Ă©crire ou plus certainement traitement de texte avec vidĂ©o-projecteur si le collĂšge a les moyens. Ce mode de diction en Ă©crivant – mĂȘme fictivement car un diaporama projetĂ© peut trĂšs bien avoir dĂ©jĂ  Ă©crit le texte qui se projette s’écrivant – permet Ă  la voix de s’intĂ©rioriser dans son passage au public. Un exemple avec trois poĂšmes » qui vont ensemble p. 34-35 L’ÉQUATEUR L’ocĂ©an est d’un bleu noir le ciel bleu est pĂąle Ă  cĂŽtĂ© La mer se renfle tout autour de l’horizon On dirait que l’Atlantique va dĂ©border sur le ciel Tout autour du paquebot c’est une cuve d’outremer pur LE PASSAGE À LA LIGNE Naturellement j’ai Ă©tĂ© baptisĂ© C’est mon onziĂšme baptĂȘme de la ligne Je m’étais habillĂ© en femme et l’on a bien rigolĂ© Puis on a bu JE NAGE Jusqu’à la ligne c’était l’hiver Maintenant c’est l’étĂ© Le commandant a fait installer une piscine sur le pont supĂ©rieur Je plonge je nage je fais la planche Je n’écris plus Il fait bon vivre Ce passage de la ligne l’Équateur peut ĂȘtre lu comme un passage Ă  la ligne dans l’écriture, passage qui renverse toute l’écriture comme l’Équateur traversĂ© renverse les saisons. Ce qui rappelle le sĂ©rieux d’une anecdote dans l’écriture aller Ă  la ligne. SĂ©rieux qui aussitĂŽt peut aussi faire rire, dĂ©faire le sĂ©rieux de l’écrire je n’écris plus »  L’instantanĂ© théùtral peut suggĂ©rer ce passage Ă  la ligne en crĂ©ant cet espace brisĂ© et renversant espace qui doit d’abord s’entendre dans la diction qui explorera les modes du passage Ă  la ligne liĂ©es et sĂ©parĂ©es, les lignes inventent une danse de la voix
 *** Les Ă©crits Ă  la premiĂšre personne emprunteront bien Ă©videmment le genre » qui n’en est pas un ! de la lettre-ocĂ©an. La plus grande libertĂ© est possible quant aux signataires de ces lettres-ocĂ©an un papillon » Un papillon grand comme la main est venu virevolter tout autour du paquebot / Il Ă©tait noir et jaune avec de grandes stries d’un bleu dĂ©teint », p. 39 ou un ouistiti » j’ai achetĂ© trois ouistitis que j’ai baptisĂ©s Hic Haec Hoc », p. 78 ; voir aussi p. 82 peuvent fort bien en ĂȘtre les signataires ; mais le charpentier » p. 82 ou encore Christophe Colomb p. 83 peuvent signer de belles lettres-ocĂ©an en Ă©cho Ă  celles de Cendrars. La mythologie personnelle de Cendrars pourrait aussi venir nourrir une lettre-ocĂ©an signĂ©e d’Orion, sa constellation de prĂ©dilection p. 30 qui est sa main montĂ©e au ciel » p. 34. L’écriture de telles lettres demandent de se nourrir du poĂšme, de ne pas hĂ©siter Ă  le citer, de glaner des documents dans les dictionnaires, bref, de dĂ©river, de voyager dans et par l’écriture. Didactiquement, il est certainement prĂ©fĂ©rable d’orienter la libertĂ© dans un projet d’écriture qui montera progressivement en puissance. Par exemple, en suivant une progression de ce type 1. Écris la rĂ©ponse Ă  la Lettre » p. 13 ; 2. Europe » rĂ©pond Ă  la lettre En route pour Dakar » p. 17-18 ; 3. Cendrars a trouvĂ© une lettre-ocĂ©an » dans un cachot » de GorĂ©e » p. 24 mais ne l’a pas publiĂ©e ; tu dĂ©cides de nous la montrer ; 4. Orion envoie une lettre-ocĂ©an » Ă  Cendrars voir p. 30 et 34 ; Etc. Avec ValĂ©rie Rouzeau et Pas revoir Ce petit livre est un grand livre. Cela commence par son titre son attaque qui fait entendre la premiĂšre syllabe de l’ĂȘtre cher disparu Papa » ; sa syntaxe ouverte, bĂ©ante sur tout ce qui s’y entend si fort mais qui ne peut ĂȘtre nommĂ©, seulement suggĂ©rĂ© ; son refus du syntagme figĂ© au revoir » des rituels relationnels y compris avec les morts, son refus du semblant, cette exigence de dire vrai, non le vrai ; son anonymat qui crie l’énonciation la plus singuliĂšre parce que justement s’y entendrait cette voix d’enfant – peu importerait son Ăąge – qui s’affirme face au pĂšre et avec lui, dans ce face Ă  face oĂč l’altĂ©ritĂ© la plus grande la mort devient forme de vie. Donc, un grand poĂšme de vie, non qui rend vie, mais qui vit, donne vie Ă  qui l’entend, le lit. Soixante-dix-neuf stations d’un thrĂšne au pĂšre font de ce livre une course Ă©perdue Toujours courir » de Toi » Ă  mon pĂšre », premier et derniers mots du livre tout le contraire d’une lente remĂ©moration, d’une commĂ©moration. La mĂ©moire est au prĂ©sent d’une syntaxe qui rĂ©cupĂšre, Ă©vacue, redistribue, un peu comme le pĂšre faisait dans son mĂ©tier avec son camion. Les voix s’emmĂȘlent pour peut-ĂȘtre mieux entendre celle qu’on cherche Ă  Ă©couter ça va quand on demande moi je dis bien surtout s’il y a du monde je prends sur moi trĂšs bien ». Et c’est dit trĂšs fort Tu me fais marcher ». Car ce long poĂšme est aussi le rythme d’un sujet qui travaille son Ă©coute, l’affine, parce que justement la voix du pĂšre rĂ©sonne la voix de sa fille, et l’inverse Les fleurs seront bientĂŽt trĂšs bleues. / Mon Ɠil, tes yeux ». Le thrĂšne n’est pas un chant dĂ©senchantĂ© mais l’échange comme enchanteur Tu as mes fleurs j’ai ton sourire on est quittes ». Et c’est par moments, un bouquet d’air, presque une voix qui comptine, un rire quand pas les mots ». Et c’est Ă  la fin Ma main lĂ  posĂ©e sur la table de dehors. / De la mĂȘme couleur que sa main Ă  mon pĂšre. » Le poĂšme a juste mesurĂ©, et mesurĂ© juste il faudrait dire rythmĂ©, car rien n’est calculĂ© et tout est trouvĂ©, cette distance deux phrases ou lignes sĂ©parĂ©es par un point et cet Ă©change extĂ©rieur/intĂ©rieur ; ma main » / sa main ». A-t-il aussi trouvĂ© la couleur Ă  mon pĂšre » ? La lamentation serait alors un hymne Ă  la vie ? Les grands poĂšmes font vivre pas revivre nos morts. Pas revoir en est un, il participe, Ă  sa maniĂšre de poĂšme, d’une invention de l’anthropologie du quotidien, de la mort dans et avec la vie, dont nous avons tous le dĂ©sir quand ce n’est le besoin. Toutes les activitĂ©s que nous avons proposĂ©es dans les sĂ©quences prĂ©cĂ©dentes viennent ici empĂȘcher que l’on rĂ©duise ce livre, comme les prĂ©cĂ©dents, Ă  ce dont il parle car ce qui compte avec les poĂšmes c’est de s’intĂ©resser Ă  ce qu’ils nous font, Ă  ce qu’on fait avec eux au dire plus qu’au dit, au sentir plus qu’au senti, au ressentir plus qu’au ressenti, etc. C’est pourquoi on raterait le poĂšme de ce livre si sa lecture Ă©tait d’emblĂ©e placĂ©e sous le signe de son genre le thrĂšne ou chant pour les morts ou de son thĂšme la mort du pĂšre
 Les activitĂ©s proposĂ©es, si elle n’empĂȘche pas la problĂ©matisation gĂ©nĂ©rique ou thĂ©matique visent d’abord Ă  laisser agir les lectures au plus prĂšs de chacun et de tous dans les circonstances de ces lectures. *** La premiĂšre activitĂ© attire l’attention des lecteurs sur les passages jugĂ©s difficiles bizarres » si l’on prĂ©fĂšre en les ordonnant par ordre de difficultĂ© ou, si l’on prĂ©fĂšre, de bizarrerie ». Il ne s’agit pas de rĂ©soudre » ces difficultĂ©s mais seulement de montrer par ces prises d’abord hasardeuses que le poĂšme fait systĂšme et que telles difficultĂ©s locales va soudain s’éclairer du contexte ou d’occurrences semblables. La consigne peut se prĂ©ciser ainsi RelĂšve quelques passages qui te paraissent difficiles. Attention pas plus d’un par page les 79 stations » ! Ordonne ces passages par ordre de difficultĂ© ». ApparaĂźtront donc des similitudes et donc ainsi certaines difficultĂ©s s’élimineront d’elles-mĂȘmes quand d’autres seront rendues moins difficiles par comparaisons et, forcĂ©ment, relectures. Quelques exemples La premiĂšre station en offre bon nombre mais suivons la consigne Toi mourant man au tĂ©lĂ©phone pernoctera pas voir papa p. 7 Comment lire ce verset » ? OĂč dĂ©couper les syntagmes signifiants ? Tout s’enchaĂźne et pourtant
 tout est suggĂ©rĂ© dans cet enchevĂȘtrement, dans ce chamboulement des habitudes que fait la mort au langage, Ă  la vie, jusqu’à inventer des mots pernocter »  Il y aurait peut-ĂȘtre des coquilles dans ce livre La neige a ses rĂȘves qu’elle ignore de tant tomber de ciel sur nous p. 13 On dit toujours tomber du ciel » ! Mais ici c’est le ciel qui tombe ! Et puis plus bas, l’accord n’est pas fait pour la neige » quand il semble fait pour la voix » Beau neige voix blanche. p. 13 Etc. Mais on retiendra pour montrer la direction de cette activitĂ© un des faits les plus saillants de tout l’ouvrage et qui en constitue certainement l’enjeu Je prends son vĂ©lo Ă  mon pĂšre. p. 31 Ma main lĂ  posĂ©e sur la table de dehors. De la mĂȘme couleur que sa main Ă  mon pĂšre. p. 85 Ce doublement du possessif est bien autre chose qu’une faute » enfantine ou populaire » la duplication est l’écriture d’un Ă©change qui met les corps et le langage dans le mouvement d’un passage rĂ©alisant ainsi une transmission rĂ©ciproque masculin/fĂ©minin, troisiĂšme et premiĂšre personne
. *** On peut alors s’engager dans les instantanĂ©s théùtraux qui chercheront ces passages de voix. Prenons un seul exemple pour montrer l’enjeu de cette recherche, par ces essais qui doivent bien Ă©videmment ĂȘtre multiples, se jouer seul ou Ă  plusieurs, une fois ou de nombreuses fois en variations infinitĂ©simales
 Te parler papa j’ai pu te paparler un peu un petit peu paparce que nous n’avions plus tout le temps. p. 30 Le bĂ©gaiement Ă©crit n’est pas un symptĂŽme d’un hors-langage deuil qui empĂȘche de dire
 mais l’écoute dans le discours de ce qui le double, de ce qui va plus vite que lui, de ce qui vient dans le dire avant le dit l’appel de l’interlocuteur envahit tout le dit et met le dire te dire » au premier plan. Ce qui laisse une marge plus qu’importante Ă  la force de l’adresse que toute diction cherchera Ă  trouver dans des gestes et d’abord dans des gestes de paroles pensons aux postillons que l’occlusive ne manque pas de lĂącher !. Alors les rĂ©pĂ©titions qui suivent ne sont plus les tics d’un bĂ©gaiement mais les gestes d’une relation qu’il faut faire entendre, faire voir, faire sentir et d’abord en les sentant dans sa bouche Te parler papa j’ai pu te paparler un peu un petit peu paparce que nous n’avions plus tout le temps. Dehors le monde ses oiseaux blancs comme des avions, le mur du son. Tes mains sur le drap blanc jaunissaient jaunissaient. Ils n’ont sĂ»rement pas le droit de voler aussi bas pas pas le droit de voler aussi bas tu disais. MĂȘme mĂȘme le blanc de tes yeux Ă©tait jaune nous alors nous sommes tout pardonnĂ©. p. 30 *** Ce livre de poĂšmes est Ă©galement un parcours dont les lecteurs peuvent reconstituer les Ă©tapes les stations » si l’on veut filer la mĂ©taphore chrĂ©tienne avec la Passion du Christ qui constitue certainement dans la tradition littĂ©raire un des grands topoĂŻ du passage de la vie Ă  la mort. L’écriture d’une anthologie lĂ©gĂšrement commentĂ©e du parcours de la narratrice en choisissant des lieux-moments clĂ©s de ce parcours, mettrait en valeur cette dimension organisatrice du livre. Il y a des lieux qui suivent l’agonie, l’enterrement, l’aprĂšs
mais ces lieux d’une temporalitĂ© linĂ©aire qui rendraient compte d’un destin et donc d’une fin qui achĂšverait la vie, sont doublĂ©s voire multipliĂ©s dans tous les sens par d’autres lieux, lieux-souvenirs, lieux-avenirs, lieux-rĂȘves, lieux-dĂ©rives
, qui alors mettent le rĂ©citatif plus fort que le rĂ©cit, le poĂšme plus fort que le destin, la vie incluant la mort, le vivant des voix plus fort que l’écho mortel, le pas revoir » d’un appel plus fort que l’au revoir » d’un adieu. On saisira pour l’exemple ces passages de lieux dans ce poĂšme-comptine qui fait entendre bien d’autres poĂšmes de Charles d’OrlĂ©ans Ă  Guillevic en passant par Apollinaire Mon pĂšre mon pĂšre mon pĂšre en terre au vent d’étĂ© au vent d’hiver. Oh mon pĂšre terra terraquĂ© je te rĂ©pĂšte perroquet mon pĂšre mon pĂšre. Au vent d’hiver au vent d’étĂ© en terre entier au vent chantĂ©. Enfant dans les grands sapins verts c’était toi qui sifflais soufflais enfant dans les grands sapins blancs. Mon pĂšre je te rĂ©pĂšte en l’air c’est une fleur lancĂ©e assez haut. Les deux pieds dans tes graviers clairs. Les mains pour la fleur ou l’oiseau. p. 57 Les lieux circulent de la tombe gravier Ă  l’air », de la terre » au ciel, de l’ hiver » Ă  l’ Ă©tĂ© », de la fleur » Ă  l’oiseau » mais aussi de l’enfance Ă  maintenant, du vert au blanc, des pieds aux mains, du siffler » au souffler », etc. Ces itinĂ©raires commentĂ©s doivent rester toujours fort singuliers et les lieux les plus incongrus peuvent donner Ă  voir autant de parcours de lecture qui sont des parcours vivants dans le livre. *** Enfin, l’écriture de paroles donnĂ©s aux sans-voix du poĂšme permettrait de laisser entendre le dĂ©bat qui ne manquera pas de sourdre pour chaque lecteur entre tristesse et joie, tendresse et rĂ©volte, dĂ©tresse et joie de vivre, mutisme et jubilation volubile
 C’est qu’il n’y a pas Ă  choisir mais Ă  entendre toutes ces voix qui nous traversent et forment le chƓur d’un poĂšme de vie. Ce poĂšme part certes d’une disparition mais il fait repartir d’une force de vie. Le dĂ©fi maximal serait de faire entendre la voix du pĂšre mort, de faire entendre sa vie non seulement en reprenant des souvenirs que le poĂšme fait revivre mais Ă©galement en trouvant des accents de vie dans une voix qui rĂ©pondrait jusque dans son silence Tu n’écoutes plus rien si je parle plus bas. Ni tu n’entends plus rien des guĂȘpes qui s’occupent de piquer les lilas. Ni n’en vois la couleur ni celles que j’ai sur moi. Ces bottes sont faites pour marcher tu ne chantes plus ça. C’est de la haute fidĂ©litĂ© ton silence m’arrĂȘte lĂ . p. 34 AprĂšs que les Ă©lĂšves du cycle 2 ont commencĂ© la rencontre avec des Ɠuvres poĂ©tiques, les Ă©lĂšves du cycle 3 vont augmenter leur capacitĂ© de faire Ɠuvre en cherchant Ă  augmenter tout ce qui fait la force d’un auteur et en particulier en percevant qu’une Ɠuvre est toujours une force en mouvement qui peut inclure plus d’un texte, qui ne sait jamais oĂč elle commence ni oĂč elle finit. Avec une anthologie thĂ©matique, La mer en poĂ©sie Comment lire une anthologie en classe ? S’il est vrai qu’une anthologie consĂ©quente comme celle que nous proposons ici ne peut exiger sa lecture intĂ©grale, il n’empĂȘche qu’il s’agit d’amener les Ă©lĂšves Ă  sa lecture dans tous les sens et donc Ă  une lecture du livre pour en comprendre les choix, les valeurs et les enjeux. L’anthologie, de ce point de vue, est un excellent terrain d’entraĂźnement pour la lecture critique. La table des matiĂšres du livre offre la liste des auteurs et surtout l’origine bibliographique des extraits qui constituent l’anthologie thĂ©matique. VĂ©ritable bibliothĂšque poĂ©tique qui mĂȘle connus et inconnus, cĂ©lĂšbres et oubliĂ©s, cette table est toutefois incomplĂšte puisque les titres des poĂšmes, quand ils existent, n’y figurent pas. Pire, on ne voit pas Ă  sa lecture si une organisation quelconque prĂ©side Ă  l’ordonnancement des poĂšmes. Ces lacunes apparentes peuvent ĂȘtre prĂ©texte Ă  des interrogations qui relanceront fortement les activitĂ©s proposĂ©es. Le dossier pĂ©dagogique sera laissĂ© Ă  l’usage libre des Ă©lĂšves car il nous semble ne pas rĂ©pondre Ă  notre objectif, lire une anthologie, quand il sollicite simplement des activitĂ©s plutĂŽt occupationnelles non justifiĂ©es par cette anthologie. La plupart des activitĂ©s consisteront Ă  mobiliser les Ă©lĂšves dans des activitĂ©s anthologiques quitte Ă  faire mieux – c’est le dĂ©fi – que l’anthologie convoquĂ©e, du moins Ă  engager une critique anthologies d’anthologie
 pour suggĂ©rer que la lecture n’est rien moins qu’une activitĂ© d’écriture anthologique et que toute Ă©criture est une anthologie de lectures. *** La liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e peut viser en plusieurs sĂ©ances, au fil des lectures qui vont parcourir linĂ©airement ou sauvagement » l’anthologie, Ă  constituer un rĂ©pertoire de morceaux choisis gĂ©nĂ©ralement courts incluant le mot mer ». Ce rĂ©pertoire devra ĂȘtre hiĂ©rarchisĂ© en suivant le degrĂ© d’évocation proposĂ© par chaque fragment. Les critĂšres de la hiĂ©rarchisation s’ils restent toujours subjectifs sont toujours discutables et donc permettent de mettre en valeur les critĂšres d’apprĂ©ciation construits par les Ă©lĂšves. Depuis la citation de Baudelaire Homme libre, 
 / La mer est ton miroir 
 » jusqu’à celle de Saint-Pol Roux OcĂ©an // Ciel Ă  l’envers », des rĂ©sonances s’entendent mais d’infimes gradations peuvent aussi s’établir mĂ©taphore abstraite puis concrĂšte ou extĂ©riorisation d’une subjectivitĂ© puis personnalisation d’un Ă©lĂ©ment objectif
 Et la quĂȘte se poursuit avec Guillevic Mer de ceux qui veulent y mourir » et Maurice Fombeure Si la mer touchait Ă  la nuit »  Si la consigne paraĂźt trop difficile, la simple recherche des occurrences de mer » et leur hiĂ©rarchisation peut suffire pour aboutir aux mĂȘmes discussions et apprĂ©ciations plus ou moins attentives au travail poĂ©tique qu’engage cette anthologie. *** Les instantanĂ©s théùtraux viseront de la mĂȘme maniĂšre Ă  monter des passages qui s’enchaĂźnent d’un poĂšme Ă  l’autre enchaĂźnements thĂ©matiques ou autres qui feront entendre un parcours de lecture seul ou Ă  plusieurs. Ici, le travail en petites Ă©quipes est Ă  encourager pour augmenter les lectures en les mutualisant. Le prĂ©texte actif aux enchaĂźnements peut ĂȘtre le passage d’objets, de mots, de matiĂšres, de lumiĂšres – des lectures qui incluent un Ă©clairage, voire une projection de diapositives ou d’ombres colorĂ©es, seraient propices Ă  cette anthologie vivante. Loin d’aboutir Ă  un quelconque spectacle, cette activitĂ© n’a pour objectif que de faire vivre la lecture dans et par l’activitĂ© corporelle dont la voix constitue le cƓur le plus vivant, le plus extime », c’est-Ă -dire nouant sans faire appel aux intentions explicites l’intime d’une lecture Ă  son exercice public – Ă©tant entendu que le public ici convoquĂ© l’est toujours dans l’égalitĂ© du partage et de l’échange rĂ©ciproque des lectures, donc du respect de chacune. Des montages plus faciles peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s les poĂšmes de Jules Supervielle prĂ©sents dans l’anthologie, tous les poĂšmes s’intitulant Marine », etc. *** La rĂ©alisation de documentaires » avec tous ces poĂšmes peut rappeler des expĂ©riences Ă©ditoriales frĂ©quentes en littĂ©rature jeunesse mais tout particuliĂšrement celles qu’a initiĂ©es Georges Jean voir Jean, ????. Rassembler des citations autour d’objets marins » prĂ©sentĂ©s thĂ©matiquement bateaux et marins, plages et tempĂȘtes
 ou encore rĂ©aliser un glossaire de tel ou tel aspect de la mer » avec, pour chaque entrĂ©e du glossaire », une citation ou plusieurs bien rĂ©fĂ©rencĂ©es, prises Ă  un ou plusieurs poĂšmes de l’anthologie, voilĂ  de quoi relire et proposer une lecture dans et par l’écriture anthologique. Exemple de rĂ©alisation par un Ă©lĂšve sur le premier tiers du livre Petit glossaire des bateaux de La mer en poĂ©sie BaleiniĂšre Alors dans sa baleiniĂšre le pĂšre tout seul s’en est allĂ© » Jacques PrĂ©vert, La pĂȘche Ă  la baleine » Barque L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ? » Victor Hugo, Oceano Nox » ; Sur la mer blanche de colĂšre, par cette blanche nuit de neige, les barques plongent, aux arpĂšges de la rafale et de la mer » Paul Fort, Puisqu’il faut toujours que l’on parte » ; La barque est belle fille / Du flĂšche Ă  la quille » Saint-Pol Roux, PriĂšre Ă  l’OcĂ©an » Caravelle 
 penchĂ©s Ă  l’avant des blanches caravelles, / Ils regardait monter en un ciel ignorĂ© / Du fond de l’OcĂ©an des Ă©toiles nouvelles » JosĂ© Maria de Heredia, Les conquĂ©rants » Cargo Au loin un cargo fait naufrage » Jacques PrĂ©vert, Le gardien du phare aime trop les oiseaux » Esquif Chaque vague en passant d’un butin s’est chargĂ©e ; / L’une a saisi l’esquif, l’autre les matelots ! » Victor Hugo, Oceano Nox » Felouque La felouque a coupĂ© l’étreinte de leurs mains / 
 / La felouque glisse au creux des vagues de guerre » Robert Arnaud, Le pirate d’Alger » Motogodille Maintenant les autres vont me pourchasser en motogodille » Jacques PrĂ©vert, La pĂȘche Ă  la baleine » Navire En pierre mon navire s’embosse Ă  la Terre » Saint-Pol Roux, PriĂšre Ă  l’OcĂ©an » Nef Lente la nef cambre les muscles de son torse » Robert Arnaud, Le pirate d’Alger » Vaisseau Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, /Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux » La Fontaine, Le berger et la mer » ; Voici rentrer l’officier de marine, / 
 / Il dit combien de vaisseaux il a pris » Charles Cros, Chanson de la cĂŽte » ; DĂ©mon de verre cassant des vaisseaux comme on casse des noix » Saint-Pol Roux, PriĂšre Ă  l’OcĂ©an » En vue d’un tel Ă©crit, on pourrait envisager la collaboration de plusieurs Ă©lĂšves mais rappelons que jamais l’exhaustivitĂ© n’est l’objectif et que l’engagement personnel jusque dans les erreurs est une condition de l’appropriation puis de la discussion avec l’Ɠuvre. *** Donner la parole Ă  la mer en rĂ©alisant un montage de citations des poĂšmes de l’anthologie permettrait de boucler » ces activitĂ©s en laissant toutefois l’écriture dĂ©river et donc les citations passer dans l’écriture des Ă©lĂšves les citations se perdant donc dans l’écriture deviennent ainsi non seulement la parole de la mer mais la parole de chacun des lecteurs. Exemple de rĂ©alisation L’OcĂ©an parle Ă  la suite de Claude Roy, Guillaume Apollinaire, Pablo Neruda, Paul Verlaine et Victor Hugo Je suis beau je suis sel je suis vent je suis bleu Je suis immense et fou je suis avide et tout Autour de ta maison il y a moi que tu connais Et qui ne repose jamais Et j’Ɠuvre en ton silence Tu ne reposes pas auprĂšs de ce rocher Je palpite sous l’Ɠil de la lune en deuil et palpite encore Je vais, viens, luis et clame Le sombre oubli que jette le temps sur tous ceux que j’enfouis Avec AnacoluptĂšres de James SacrĂ© Ce petit livre porte jusqu’au bout son Ă©nigme avec un plaisir certain qui demande toujours de revenir en arriĂšre souvenirs d’enfance et d’aller de l’avant surprise d’un poĂšme qu’on n’attendait pas comme ces fourmis qui vous montent dans les jambes
. On comprend qu’il ne s’agira jamais d’en venir Ă  bout – qui prĂ©tendrait maĂźtriser le monde des insectes, monde infini comme celui des poĂšmes
 On comprend aussi qu’il s’agira de beaucoup s’amuser tout en se posant des questions redoutables la mort rĂŽde ou plutĂŽt l’expĂ©rience Ă©lĂ©mentaire de ce pouvoir d’écraser, de punaiser n’importe quel insecte avec les meilleurs prĂ©textes
. Ce petit livre et les lectures qu’il va entraĂźner demandent l’attention la plus forte possible aux toutes petites choses qui vont s’y faire un peu comme un collectionneur d’insectes sait que la valeur de sa collection est dans les toutes petites diffĂ©rences. Le titre constitue Ă  lui seul une Ă©nigme qui peut-ĂȘtre le restera aprĂšs la lecture des Ă©lĂšves
 mais ces titres Ă©nigmatiques ne sont-ils pas ceux qui laissent le plus de souvenir parce qu’ils Ă©veillent la rĂȘverie. Ce titre est un mot valise qui emmĂȘle anacoluthe » et colĂ©optĂšres », donc deux types d’observation concernant le langage et le monde. Ce qui montre bien que ce petit livre possĂšde dĂšs son titre une rĂ©versibilitĂ© des plus actives. ANACOLUTHE. Ce terme est utilisĂ© traditionnellement et encore par LittrĂ© pour dĂ©signer deux phĂ©nomĂšnes syntaxiques diffĂ©rents. La tradition grammaticale faisait de l’anacoluthe l’emploi du pronom relatif sans antĂ©cĂ©dent par exemple il y aurait ellipse de lĂ  dans Il va oĂč le devoir l’appelle, ou de celui dans Qui vivra verra. L’anacoluthe est dĂ©finie, plus gĂ©nĂ©ralement, comme une rupture de construction, un changement d’orientation, une asymĂ©trie pouvant produire divers effets surprise, suspens, etc. En fait les exemples classiques relĂšvent d’une possibilitĂ© trĂšs gĂ©nĂ©rale le dĂ©placement Ă  gauche » ou thĂ©matisation » Le nez de ClĂ©opĂątre s’il eĂ»t Ă©tĂ© plus court
 ». Demougin, 1985 COLÉOPTÈRE gr. koleos, Ă©tui, et pteron, aile. ColĂ©optĂšres ordre d’insectes Ă  mĂ©tamorphoses complĂštes, pourvus de piĂšces buccales broyeuses et d’ailes postĂ©rieures pliantes protĂ©gĂ©es au repos par une paire d’élytres cornĂ©s, comprenant plus de 300 000 espĂšces parmi lesquelles le hanneton, le charançon, la coccinelle, etc. Larousse, 1995 Les activitĂ©s avec ce livre vont tenter de tenir cette rĂ©versibilitĂ© jusqu’au bout, rĂ©versibilitĂ© qu’il faudrait d’ailleurs gĂ©nĂ©raliser description et narration, vers et proses, rĂ©flexion et divagation, etc. *** Viser un premier parcours dans l’Ɠuvre demande de hiĂ©rarchiser un lexique. Ce livre commence et finit par une liste alphabĂ©tique de colĂ©optĂšres Liste quelques-uns de ces colĂ©optĂšres en commençant par ceux que tu connais ». Ce premier lexique hiĂ©rarchisĂ© prĂ©cĂšde un second qui semble indispensable Ă  un premier parcours personnel dans l’Ɠuvre RelĂšve les colĂ©optĂšres Ă©voquĂ©s par le livre de James SacrĂ© – en excluant ceux listĂ©s au dĂ©but et Ă  la fin de l’ouvrage – puis Ă©numĂšre-les dans l’ordre de tes prĂ©fĂ©rences ». Les Ă©lĂšves apercevront dans les Ă©changes qui s’en suivront bien des spĂ©cificitĂ©s de l’ouvrage le premier fragment signale le cĂ©toine et le calosome », si le premier est mentionnĂ© dans la liste ouvrant le livre, le second ne l’est pas ! le second qui est consacrĂ© au carabe dorĂ© » s’achĂšve sur les cicindĂšles » les deux figurent dans la liste mais on ne comprend pas facilement le rapport entre eux ; le troisiĂšme consacrĂ© au criocĂšre », lequel ne figure pas dans la liste augurale, mais les colĂ©optĂšres Ă©voquĂ©s avec lui sont des paysans perchĂ©s dans les peupliers » ! qui pourraient – pourquoi pas ? – venir complĂ©ter la liste des colĂ©optĂšres
 ; les fourmis » Ă©voquĂ©es dans le cinquiĂšme fragment sont-elles des colĂ©optĂšres ? si l’on en croit le Larousse illustrĂ©, non ! puisque les hymĂ©noptĂšres, s’ils sont des insectes, ne sont pas des colĂ©optĂšres ! Le livre s’ouvre donc Ă  une dĂ©couverte des insectes plus que des colĂ©optĂšres au sens strict ! Sans compter que maman » est comparĂ© par le narrateur Ă  une grande fourmi dans le temps » ! etc. sans oublier le termite » et non la » ! qui est inclus sur la liste des isoptĂšres
 Conclusion du narrateur Ă  propos du dictionnaire Dans le gros livre qui est un arrangement systĂ©matique des mots ça fait une dĂ©rive de vocabulaire mal tenu » 6e fragment ! De la mĂȘme façon, les listes des Ă©lĂšves pourront mal se tenir puisque les dĂ©rives lexicales inĂ©vitables auront suivi l’imprĂ©visibilitĂ© des passages entre dĂ©couverte du monde et dĂ©rive langagiĂšre. Ces rĂ©versibilitĂ©s tenues jusque dans les listes rĂ©pondent au poĂšme Un poĂšme comme un doigt levĂ© ou comme Un coup de balai bien donnĂ©, vraiment, Le voilĂ -t-y qui ruse encore, Autrement que j’ai pu penser ? 13e fragment PrĂ©cisons-le Ă  cette occasion cette activitĂ© qui gĂ©nĂ©ralement ouvre les lectures-Ă©critures-jeux avec les livres de poĂšmes demande Ă  l’enseignant d’accepter et mĂȘme d’écouter au plus prĂšs toutes les propositions des Ă©lĂšves autrement qu’il a pu penser »  C’est certainement dans ces altĂ©ritĂ©s » de la pensĂ©e, dans ces imprĂ©vus de la didactique que se construisent les valeurs de l’Ɠuvre. Si, par exemple dans la classe, un dĂ©bat prend sur l’inclusion ou non de la nicole » fragment 16 qui ne figure pas dans la liste du livre mais qui bien Ă©videmment semble ĂȘtre le nom pour la coccinelle, l’occasion est belle de faire travailler la confusion toujours forte de l’expĂ©rience personnelle et de la connaissance du monde parce que, comme dit le narrateur au fragment 18 Peine perdue de pas le croire, tu joues / À transformer la bestiole et ton poĂšme en je. » DĂšs l’écriture de liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e, l’enjeu c’est bien de faire venir ce je » qui n’est pas le moi » de l’individu, ou de l’élĂšve mais le sujet d’une activitĂ© que le poĂšme seul peut faire advenir au cƓur du langage. Des variantes de consignes sont tout Ă  fait possibles faire une liste non exhaustive des souvenirs d’enfance du narrateur et les ordonner dans l’ordre d’importance ; faire une liste non exhaustive des comparaisons que le narrateur effectue et les ordonner Ă  sa convenance ; etc. *** La seconde activitĂ© demanderait de laisser une grande libertĂ© de choix aux Ă©lĂšves avec une consigne Ă  la fois trĂšs ouverte et extrĂȘmement ferme choisis un passage du livre – pas trop long – et joue-le en l’accompagnant d’un geste fort et d’un objet Ă©vocateur ». Cette association du fragment textuel, d’un geste et d’un objet oblige les Ă©lĂšves Ă  chercher entre l’illustration littĂ©rale et l’analogie la plus suggestive possible leur voix propre que peut seul permettre une mise en espace rapide mais dĂ©cisive. Exemples de rĂ©alisations sachant bien que mille autres sont possibles et qu’aucun modĂšle ne peut ici intervenir ; on considĂšrera Ă©galement que la classe est par ailleurs entraĂźnĂ©e Ă  des activitĂ©s rĂ©guliĂšres de jeu dramatique avec les textes littĂ©raires instantanĂ©s théùtraux Maman s’en va, j’entends mal ce que dit maman
 maman comme une grande fourmi dans le temps » peut faire entendre un À l’ñge que t’as ! » dit par une mĂšre qui est trop prise par ses occupations domestiques entre les deux parties de ce fragment ; ce qui oblige le joueur Ă  se dĂ©doubler et Ă  remplir » la suspension qui sĂ©pare ce court fragment. Qui c’est qu’a peur des libellules ? / Petites filles princesses dragons » l’adresse demande d’interpeller fortement le public, de lui dĂ©crire en deux temps trois mouvements des mĂ©tamorphoses subites petites filles=>princesses=>dragons
 La nicole. Le seul insecte Ă  qui presque on donnait de l’affection. La voilĂ  montĂ©e au bout de ton doigt, du cĂŽtĂ© qu’elle s’envolera tu te marieras ! » finir sur une comptine en ayant jouĂ© des doigts auparavant facile et difficile car il faut se retenir et faire tenir toute la diction sur un doigt
 L’enseignant peut aussi faire jouer toute la classe dans une course Ă  la liste des insectes diction articulĂ©e mais rapide, diction sans compĂ©tition mais pour que chaque voix fasse entendre sa propre polyphonie diction qui prend bien entendu place dans l’anthologie sonore de chacun. *** L’écriture documentaire avec ce livre de poĂšmes semblerait couler de source puisque le poĂšme parle d’insectes » fragment 13 et qu’il Ă©voque les soixante-dix illustrations en noir et une planche en couleurs pour les seuls papillons » dans le dictionnaire Larousse de mille neuf cent soixante-trois » dessine la planche des anacoluptĂšres de James SacrĂ© en utilisant comme lĂ©gendes des citations de cet ouvrage » ! Mais ne pourrait-on pas le faire parler d’autre chose
 et par exemple de poĂšmes rĂ©alise une anthologie des passages de ce livre qui parle de poĂ©sie » ou bien encore de souvenirs confectionne un album des souvenirs du narrateur de AnacoluptĂšres un peu comme un album photos de famille »  Plus qu’en cycle 2, les Ă©lĂšves vont maintenant chercher Ă  mieux coudre » les Ă©lĂ©ments de leur documentaire. De deux points de vue soit en proposant un court texte de prĂ©sentation des Ă©lĂ©ments regroupĂ©s chapeau d’introduction ou quatriĂšme de couverture du livret, soit en liant les Ă©lĂ©ments du documentaire avec des titres qui s’enchaĂźnent voire se rĂ©pondent, ces titres pouvant mĂȘme ouvrir Ă  de courts textes de liaison qui montrent une progression, un ordre de prĂ©sentation. Exemple de rĂ©alisation d’un petit livret anthologique commentĂ© des illustrations peuvent l’accompagner, en l’occurrence, collage de photocopies de dictionnaires divers couverture Nom et prĂ©nom de l’élĂšve-auteur pseudonyme possible Les poĂšmes du poĂšme de James SacrĂ© Éditions de l’école X p. 1 Le poĂšme rassemble Il collectionne une tellement courte collection » Il arrange que ça fasse un parterre de ces mots un poĂšme » Il ordonne tout un dictionnaire vivant » p. 2 Le poĂšme accueille Il s’ouvre au monde ramener du printemps dans les mots d’un poĂšme » Il s’ouvre aux mots c’est plus que des mots » p. 3 Le poĂšme se cache Dans le corps des poĂšmes comme des fourmis dans les jambes » Dans le langage tu joues Ă  transformer la bestiole et ton poĂšme en je » p. 4 Le poĂšme surprend On ne sait pas exactement oĂč il est une ruse pour surprendre en l’arrangement de ses propres mots ce qui le fait poĂšme, ou si vraiment c’est pour ĂȘtre mais comment ? avec la nicole qui voulait pas s’envoler de nos doigts d’enfants, ou le barbot lent que maman balayait vivement de la chambre humide sans surtout l’écraser ? » quatriĂšme de couverture Dans son livre AnacoluptĂšres, le poĂšte James SacrĂ© parle de la poĂ©sie. Il va chercher les poĂšmes dans les petites bĂȘtes. Il a parfois envie de les Ă©craser mais il les laisse vivantes. Pour lui, les poĂšmes sont comme des insectes bien vivants. Alors, dĂ©couvrez la poĂ©sie comme on dĂ©couvre le monde des insectes. *** Les insectes n’ont pas vraiment la parole dans ce livre de poĂšmes. Donnons-la leur ! Il s’agit de rĂ©pondre au narrateur ou bien encore de les faire dialoguer entre eux Ă  propos de cet ouvrage, de ce poĂšme voire d’un fragment seulement. Le choix peut rester libre ou bien un projet peut aider chacun Ă  progresser. Exemples de consignes Le carabe dorĂ© ou le criocĂšre prend la parole afin de commencer par une ou plusieurs reformulations Ă  la premiĂšre personne du texte descriptif du narrateur ; La nĂšpe, la punaise et le termite du Larousse de 1963 Ă©changent leurs impressions on peut lire des Larousse ultĂ©rieurs sur les articles qui leur sont consacrĂ©s et sur ce qu’en dit le poĂšme ; L’araignĂ©e du fragment 17 rĂ©pond au narrateur qui avait une familiaritĂ© mĂ©chante et joueuse avec ce qui Ă©tait dĂ©clarĂ© mauvais » et qui tuait occasionnellement un insecte »  Les insectes Ă©pinglĂ©s dans l’espĂšce de tiroir 
 selon l’ordre » que lui a montrĂ© un livre sur les insectes, discutent entre eux du collectionneur d’insectes devenu poĂšte
 Nous proposons deux sĂ©quences avec des Ɠuvres pour le cycle 2, l’une avec une Ɠuvre classique et l’autre avec une Ɠuvre contemporaine ; paradoxalement la seconde est certainement plus facile que la premiĂšre car le texte est moins important et donc elle devrait prendre place avant la premiĂšre prĂ©sentĂ©e ici dans le cursus de l’élĂšve. Mais tout est relatif dans de telles progressions, car il est tout Ă  fait envisageable de reprendre une Ɠuvre et c’est ce que nous proposerions concernant celle de Desnos qui est un incontournable dans un programme » poĂ©tique Ă  l’école et au collĂšge. Nous la verrions bien abordĂ©e au cycle 2 puis reprise en dĂ©but de collĂšge ! Avec Robert Desnos Chantefables et Chantefleurs C’est l’annĂ©e de son arrestation que Robert Desnos 1900-1945, en 1944 donc, porte Ă  Michel GrĂŒnd un manuscrit de trente Chantefables Ă  chanter sur n’importe quel air que RenĂ© Poirier publia dans sa collection Pour les enfants sages » avec des illustrations d’Olga Kowalewsky. Ce n’est qu’en 1952 que ces poĂšmes furent Ă©ditĂ©s accompagnĂ©s des Chantefleurs dans une Ă©dition illustrĂ©e par Christiane Laran Ă  la Librairie GrĂŒnd, et il fallut attendre 1955 pour que paraisse une Ă©dition dĂ©finitive comprenant 80 poĂšmes qui, depuis lors, eurent le succĂšs que l’on sait auprĂšs des enfants des Ă©coles. Mais Desnos lui-mĂȘme notait, non sans modestie, dans son journal de fĂ©vrier 1944 que ces Chantefables seraient la part la plus durable de son Ɠuvre, ce qui n’est pas sans tĂ©moigner d’un grand respect et d’une grande confiance pour ses jeunes lecteurs. De l’alligator au zĂšbre et de l’angĂ©lique Ă  la violette, ce bestiaire doublĂ© d’un livre des fleurs rassemble ce que certains appellent des comptines » Par exemple, Marie-Claire Dumas, Ă©ditrice des ƒuvres 1999 qui s’achĂšvent sur ce recueil. On observera d’ailleurs d’une Ă©dition Ă  l’autre d’infimes diffĂ©rences ponctuation, majuscules
 ; ce qui pourrait engager les Ă©lĂšves dans des lectures attentives d’une Ă©dition Ă  l’autre pour tenter de donner valeur Ă  ces diffĂ©rences. *** Autour de sĂ©ances qui s’ouvrent toujours avec des lectures Ă  voix haute de nombreux poĂšmes – chaque sĂ©ance pouvant recommencer par des rappels des poĂšmes antĂ©rieurs celui que vous voulez qu’on relise »  – la sĂ©quence commence par la rĂ©alisation de listes. Si tout est possible car l’objectif premier consiste Ă  ce que les Ă©lĂšves se fraient chacun un chemin lexical » et donc une mĂ©moire lexicale dans l’Ɠuvre, il semble fort judicieux de partir avec des listes de rimes. Syllabes, mots, syntagmes ? On doit surtout laisser les Ă©lĂšves dĂ©cider par eux-mĂȘmes des unitĂ©s Ă  convoquer dans leur recherche – cela fera d’ailleurs l’objet de discussions aprĂšs comparaisons
 Consignes 1. cherche au moins trois sĂ©ries de rimes ; 2. ordonne ces sĂ©ries dans l’ordre de tes prĂ©fĂ©rences. ModalitĂ©s travail individuel d’abord avec, selon le niveau, coloriage au crayon puis notations sur le cahier ou notations directes ; puis Ă©changes en petits groupes avec Ă©change collectif dirigĂ© pour faire Ă©merger quelques trouvailles et questionnements ; enfin, chacun retient une ou deux remarques qu’il fait siennes sur son cahier. L’intĂ©rĂȘt est double la dĂ©finition de la rime est Ă  construire et doit absolument rester ouverte, discutĂ©e et discutable – de ce point de vue, les notations des Ă©lĂšves sont d’une importance cruciale dĂ©coupage, mise en rapport
 et il sera important de les faire expliciter dans la mesure du possible en respectant les trouvailles et mĂȘme les incohĂ©rences voire les erreurs Ă©ventuelles ; Ă©tant donnĂ© l’importance des rimes dans ces poĂšmes, leur manipulation par les Ă©lĂšves permettront de nombreuses remarques et surtout les points d’appui essentiels pour la mĂ©morisation non pas pour tout retenir mais pour pouvoir aisĂ©ment survoler le corpus de poĂšmes et surtout s’imprĂ©gner de la culture prosodique de Desnos. *** Deux activitĂ©s parallĂšles peuvent alors s’engager, l’enseignant se chargeant principalement d’aider, ne serait-ce que par une Ă©coute active, la seconde activitĂ© qui demande une bonne organisation spatiale la rĂ©alisation d’une courte anthologie personnelle et de petites mises en voix ou en scĂšne de deux ou trois poĂšmes Ă  deux ou trois enfants. Consignes 1. Choisis quatre poĂšmes de Robert Desnos, prĂ©sente-les dans un petit livret que tu illustreras. 2. À deux ou trois, choisissez deux ou trois poĂšmes de Robert Desnos que vous allez prĂ©senter Ă  toute la classe. Les consignes sont volontairement trĂšs ouvertes car l’objectif est une appropriation la plus personnelle possible de l’Ɠuvre et l’écoute des trouvailles des autres pour penser sa propre lecture, la rejouer diffĂ©remment en l’incorporant par l’écrit et par l’oral, en observant les rĂ©alisations des autres lecteurs. Quelques prĂ©cisions cependant pour mieux orienter ces activitĂ©s sont nĂ©cessaires. *** Concernant l’anthologie, il s’agit de rĂ©aliser de petits livrets une feuille A4 pliĂ©e en 4 est largement suffisante venant s’ajouter Ă  une collection rĂ©guliĂšrement rĂ©alisĂ©e par chaque Ă©lĂšve autant de petits carnets de lecture, si l’on veut. La perspective anthologique est bien Ă©videmment importante s’agissant de l’Ɠuvre d’un auteur classique. Chaque Ă©lĂšve obtiendra ainsi son Desnos ! Nous nous situons dans la tradition du cahier de poĂ©sie recopier un poĂšme d’un auteur ; en l’occurrence quatre ! Si la quantitĂ© paraĂźt trop Ă©levĂ©e pour certains Ă©lĂšves, ils peuvent se contenter de recopier quelques vers les prĂ©fĂ©rĂ©s des quatre poĂšmes choisis. On aperçoit que le premier objectif est celui du choix la sĂ©lection des poĂšmes prĂ©fĂ©rĂ©s dans le corpus des 80 poĂšmes des Chantefables et Chantefleurs l’enseignant peut avoir rĂ©duit le corpus aux 60 voire seulement aux fables ou aux fleurs
 mais la quantitĂ© ne doit pas ĂȘtre nĂ©gligeable sous peine de retirer Ă  toutes les activitĂ©s leur intĂ©rĂȘt quelle que soit l’autonomie des Ă©lĂšves dans les performances de lecture ; en effet, la lecture des titres peut suffire
 puis l’appropriation par le recopiage de certains de ces poĂšmes voire de fragments, c’est-Ă -dire leur passage par la main du lecteur. Cette activitĂ© prend tout son sens et ne reste pas un simple exercice de recopiage si l’ensemble forme un rĂ©el petit livret dont l’élĂšve est rendu entiĂšrement responsable. C’est pourquoi, il a en charge l’ordre de prĂ©sentation des poĂšmes. Plusieurs possibilitĂ©s s’offrent Ă  lui ordre fidĂšle Ă  celui de Desnos ; ordre alphabĂ©tique des titres ; ordre thĂ©matique deux animaux, deux fleurs ; seulement des oiseaux
 ; ordre rhĂ©torique ou mĂ©trique poĂšmes Ă  rimes semblables ; poĂšmes qui posent des questions ; poĂšmes de huit syllabes
. Ordre choisi voire construit que l’élĂšve explicitera dans un petit sommaire en fin de livret auquel il donnera un titre personnel et qu’il signera comme auteur en page de titre bien entendu ; si la classe est habituĂ©e Ă  cette activitĂ© de rĂ©alisation de livret, on peut envisager une quatriĂšme de couverture avec un court texte de prĂ©sentation visant le lecteur potentiel et cherchant Ă  le captiver
 Un tel livret ne peut se passer d’un accompagnement illustratif plusieurs solutions s’offrent alors aux Ă©lĂšves que l’enseignant rendra ou non obligatoires en fonction des expĂ©riences antĂ©rieures. Prioritairement dans le cadre de cette activitĂ©, il s’agit de signaler que la littĂ©rature est un mode de dĂ©couverte du monde. Aussi, l’accompagnement illustratif pourra-t-il tout simplement bĂȘtement ! prendre la caractĂšre d’une illustration de type sciences naturelles » en empruntant aux ouvrages adĂ©quat dictionnaires, manuels
 et effectuer des collages ou des dĂ©calques de ce type d’illustrations. L’intĂ©rĂȘt didactique est double puisque les Ă©lĂšves croiseront des lectures lecture du poĂšme et du texte dĂ©finitionnel ou scientifique » concernant, par exemple le ZĂšbre ou le Souci et devront Ă©galement confronter manuellement, pourrions-nous dire, texte et image et donc organiser la confrontation sur chaque page de leur livret soit en conservant un mode de confrontation, soit en le variant et l’adaptant Ă  chaque cas
 Toute cette expĂ©rience n’a pas pour objectif de rĂ©aliser des chef-d’Ɠuvres. Toutefois, au bout d’un certain nombre d’expĂ©riences du mĂȘme type, le niveau d’exigence puisse bien sĂ»r s’accroĂźtre, mais nous proposerions plutĂŽt d’atteindre de tels objectifs en cycle 3 et au collĂšge. Cette expĂ©rience a d’abord pour objectif de faire expĂ©rimenter un mode de réénonciation de l’Ɠuvre littĂ©raire dans un temps limitĂ© mais suffisant pour que l’élĂšve s’approprie trĂšs concrĂštement des fragments de l’Ɠuvre et surtout pour qu’il commente, Ă©change, confronte avec ses camarades les conditions hypothĂšses, trouvailles, Ă©vocations diverses
 de cette lecture en actes. Ces Ă©changes doivent cependant rester assez libres et c’est Ă  l’enseignant, si nĂ©cessaire, de les susciter, de les soutenir, de les valoriser sans jamais vouloir obtenir des savoirs qui viendraient confirmer ou infirmer l’expĂ©rience des Ă©lĂšves, laquelle doit toujours rester ouverte Ă  condition qu’elle soit constamment confrontĂ©e Ă  l’Ɠuvre elle-mĂȘme. Aussi, la rĂ©ussite d’une telle activitĂ© est-elle mesurable au degrĂ© d’engagement de chacun plus qu’à la qualitĂ© matĂ©rielle de la rĂ©alisation finale mĂȘme si celle-ci tĂ©moignera forcĂ©ment d’un engagement ; toutefois beaucoup d’élĂšves de cycle 2, voire de cycle 3, n’ont pas la dextĂ©ritĂ© manuelle habiletĂ© graphique
 nĂ©cessaire Ă  une rĂ©alisation magistrale ! Mais ils ont tous la possibilitĂ© de montrer qu’ils peuvent rendre compte de leur lecture par un petit objet » dans lequel ils ont investi beaucoup d’eux, de leur lecture qui a valeur dorĂ©navant tant pour l’enseignant que pour eux-mĂȘmes
 *** Le jeu dramatique proposĂ© avec les poĂšmes de Desnos doit lui aussi rester modeste tout en engageant fortement chaque Ă©lĂšve. S’il vise certes Ă  rĂ©citer les poĂšmes choisis librement par les enfants en petits groupes, chacun en apprenant quasiment par cƓur un, il vise Ă©galement Ă  augmenter l’écoute des poĂšmes dans la bouche des autres car on ne peut se contenter dans cette activitĂ© d’un passage de trois Ă©lĂšves devant la classe rĂ©citant chacun son tour trois poĂšmes. En effet, la consigne demande de prĂ©senter ensemble et donc de savoir ce que les deux Ă©lĂšves ne rĂ©citant pas vont faire pendant qu’un Ă©lĂšve rĂ©cite
 sans que pour autant ils soient obligĂ©s de le rĂ©citer en silence !!! c’est-Ă -dire de mimer chaque mot comme si le sens devait se voir dans une explicitation qui rend tout le monde idiot
 Pas facile ! et pourtant pas si compliquĂ© si nous prenons quelques exemples. Un Ă©lĂšve sur les trois pourrait, comme dans le théùtre de Bertolt Brecht – voir l’article sur l’OpĂ©ra de Quat’sous dans –, utiliser une petite pancarte une feuille A4 bien tenue pour commencer
 pour indiquer le titre du poĂšme ou le refrain ou encore une image
 pendant que le second jouerait un geste, une mimique voire montrerait un objet
 Exemple La Sauterelle ». Pancarte Saute, saute, sauterelle ». Mimique l’élĂšve assis derriĂšre une table couchĂ© au sol
 fait mine de suivre une sauterelle qui traverse la table, la scĂšne
 en le faisant discrĂštement pour seulement appuyer la diction de son camarade qui rĂ©cite ou lit le poĂšme. En conservant le mĂȘme dispositif, une variante consiste Ă  faire participer vocalement les deux Ă©lĂšves accompagnateurs pour les refrains quand il y en a, y compris avec les variantes comme dans L’Églantine, l’AubĂ©pine et la Glycine » vers 2, Rouge, rouge, rouge et blanc. » puis vers 6, Bouge, bouge, bouge et vlan ! » et enfin vers 9, Et vlan, vlan, vlan ! » ; idem pour La Girafe » avec sans variante le refrain des vers 2 et 4 des quatre quatrains Vent du sud et vent de l’est » puis Vent du nord et vent de l’ouest ». Mais les Ă©lĂšves sauront trouver d’eux-mĂȘmes des petits dispositifs simples et efficaces comme, par exemple pour La Fleur de Pommier », la pancarte indiquant Joli rossignol et fleur de pommier » et l’élĂšve-acteur faisant tomber quelques petits flocons de coton devant la pancarte pour Ă©voquer les fleurs de pommier qui font de la neige » en plein mois de Juillet »  Ainsi on gagnerait certainement des dictions plus lentes ou plus rapides si nĂ©cessaire mais moins scolaires » puisque les trois acteurs » doivent se coordonner, s’écouter et au fond faire passer le poĂšme, devenir des passeurs de poĂšmes. Il va de soi que le dispositif n’a d’intĂ©rĂȘt que si les Ă©lĂšves changent de rĂŽle Ă  chaque poĂšme, que si les expĂ©riences sont partagĂ©es avec toujours beaucoup de bienveillance dans des moments et des lieux adaptĂ©s pour que l’écoute et les Ă©changes qui s’en suivent atteignent leur objectif partager un moment poĂ©tique oĂč beaucoup de poĂšmes vont s’échanger de vives voix. ConcrĂštement, pour que tous les Ă©lĂšves passent, cela demande certainement plusieurs sĂ©ances soit deux moments forts ou plusieurs petits qui vont ponctuer d’autres activitĂ©s. *** Cette sĂ©quence ne peut s’achever sans que les Ă©lĂšves soient sollicitĂ©s pour prendre la parole, plutĂŽt sans donner la parole Ă  ceux qui ne l’ont pas eue dans les poĂšmes de Desnos ou dont la voix ne s’entend pas – ce qui est une maniĂšre de prendre la parole en la donnant, de ne plus confondre le je » et le moi », de prĂ©server Ă©galement ce qui dans le cadre collectif de la classe ne peut se dire sans quelques risques. Ce don de parole est aussi une maniĂšre de vivre ensemble en prĂ©servant l’intĂ©gritĂ© de chacun. La consigne est simple mais demande effectivement que les Ă©lĂšves s’habituent Ă  ce genre d’activitĂ©s Donne la parole Ă  un personnage qui ne l’a pas dans un poĂšme de Robert Desnos ». Prenons quelques exemples et montrons quelques rĂ©alisations qui vont du plagiat Ă  l’invention folle »  Nous suivons les poĂšmes dans l’ordre de l’édition GrĂŒnd et nous proposons des rĂ©alisations dont l’orthographe a Ă©tĂ© revue. La Rose » parle Ah ! il m’a cueilli. Eh bien, je vais l’endormir »; Je suis rose ou blanche ou d’or / Je suis en branche pas encore Ă©close » ; Rose, il dit rose, mais je suis blanche ! » 
 Le GlaĂŻeul », c’est le fils du PĂšre GlaĂŻeul » qui parle Je suis au Cap, je suis Ă  Gand, / Je suis Ă  Nice et Ă  Tunis, / Et je suis Ă  Senlis. / Je suis perroquet dans une oasis » ; Comment mon pĂšre GlaĂŻeul sait-il oĂč je suis ? Si encore c’était mon aĂŻeul qui est au pĂŽle Nord, je lui dirais d’aller au pĂŽle Sud Ă  mon pĂšre GlaĂŻeul ! C’est pas tout, j’ai froid gla-gla ! » La Pivoine », c’est la marchande qui parle Pivoine, pivoine, / Qui veut mes belles pivoines ? » ; ou c’est la pivoine qui dit Je ne veux pas aller sur l’eau avec ces matelots / ils vont me laisser faner pour les beaux yeux de la marchande. » L’Alligator » pense tout en parlant au nĂ©grillon », Bonjour, mon garçon » Un tendre nĂ©grillon, ce serait bon pour mon rĂ©veillon » ; et Ă  la fin, il pense RatĂ© pour aujourd’hui mais demain, mon petit, je t’offrirai un bonbon et tu feras mon rĂ©veillon. » Etc. PlutĂŽt que de faire Ă©crire des poĂšmes » aux Ă©lĂšves, il est prĂ©fĂ©rable de les faire Ă©crire avec les poĂšmes et d’engager un mode d’expression qui permette Ă  chacun de se prĂ©server tout en ayant toute sa libertĂ© d’écriture. Aussi, cette consigne permet d’une part de choisir le poĂšme, de choisir le mode d’écriture en ligne, en prose, avec ou sans rimes, en reprenant tout ou partie du texte de Desnos, en ignorant complĂštement le poĂšme
 pour rĂ©pondre au poĂšme d’une maniĂšre personnelle tout en prĂ©servant son quant-Ă -soi puisque l’élĂšve peut toujours dire que ce n’est pas lui qui parle, s’exprime, rĂ©pond
 Ă©tant entendu qu’il est le scribe de ce personnage qui prend la parole Ă  partir du poĂšme. Comme pour les autres activitĂ©s, le rĂ©sultat n’est pas toujours Ă  la hauteur de ce qu’on espĂ©rerait mais l’essentiel est cette reprise par l’élĂšve d’un fragment de l’Ɠuvre. Reprise qui est en l’occurrence une réénonciation, une appropriation. *** Ces quatre activitĂ©s conduites constituent un petit ensemble qui permet aux Ă©lĂšves de parcourir l’Ɠuvre, de se l’approprier d’une maniĂšre personnelle tout en ne cessant d’échanger avec les autres. Chaque Ă©lĂšve a ainsi la possibilitĂ© de choisir les modes de son engagement avec l’Ɠuvre attente, observation, reprise, engouement
 sans jugement de valeur et surtout sans ennui. En effet, l’enseignant veille Ă  ce que chacun s’engage au moins dans deux ou trois des quatre activitĂ©s et surtout il veille Ă  ne pas surcharger ses Ă©lĂšves d’explications, de consignes et d’exercices qui souvent dĂ©goĂ»tent mĂȘme les meilleurs. Ici les activitĂ©s constituent d’abord des reprises assez libres des poĂšmes que l’enseignant est toujours le premier Ă  proposer Ă  ses Ă©lĂšves dans des moments de lecture magistrale. Sans que cela soit une obligation on peut conclure par un petit dĂ©bat collectif ou par un moment conclusif. Par exemple, en demandant aux Ă©lĂšves d’échanger sur ce qui les a fait le plus rire ou ce qui les a le plus intriguĂ©s dans tous ces poĂšmes. Discussion permettant de remĂ©morer les poĂšmes mais aussi de pointer la force humoristique, joueuse de Desnos sans qu’à aucun moment un consensus ne soit Ă  imposer Ă  chaque Ă©lĂšve qui peut prĂ©server son jardin secret, son Desnos Ă  lui
 D’ailleurs, ce moment conclusif peut consister Ă  garder pour soi dans son carnet de lecture ce qu’on aimerait garder de Desnos aprĂšs tout ce travail
 Mon dernier lilas bien qui lilas le dernier », Ă©crivait Desnos dans le Lilas » ! Avec En toutes circonstances d’Albane GellĂ© Ce livre de poĂšmes poursuit la tradition forte d’un Robert Desnos. Le refrain n’est pas sans faire penser Ă  sa fourmi de dix-huit mĂštres Au 10, de la rue de l’espoir, assise sur le trottoir
 une fourmi mĂȘme pas noire agitait l’un de ses 937 mouchoirs. [
] » Donc comme s’il y avait six refrains mais avec des variations et comme une progression puisque le dernier commence par un dĂ©cidĂ©ment » et propose un retour Ă  la case dĂ©part puis retourna s’asseoir sur le trottoir » ! Six refrains ponctuĂ©s de 5 couplets » comprenant chacun 6 puis 5, 5, 5 et enfin 6 sĂ©quences trĂšs courtes toutes aussi insolites afin de dessiner un univers du rĂȘve ? du jeu ? de l’énumĂ©ration ? et surtout du plaisir de dire, de la volubilitĂ© de raconter, rĂ©citer, imaginer, jouer, plus qu’avec les mots, avec tout le langage. *** On pourrait rapidement lister les consignes que nous ne commenterons pas aussi longuement que pour Desnos Liste lexicale 1. Lister au moins cinq personnages du livre ; 2. Les classer dans l’ordre de prĂ©fĂ©rence et donner un titre Ă  la liste ». Il s’agit bien de permettre Ă  chaque Ă©lĂšve de poser ses marques pour assurer les lectures ultĂ©rieures ; ces marques les plus diverses dont la dimension subjective ou plus certainement dont la connaissance dĂ©jĂ  assurĂ©e monde connu » ou univers d’expĂ©rience proche » mais aussi dont les possibles surprises et plaisirs attirent, constituent autant de parcours personnels de lecture que les Ă©changes vont faire se croiser et forcĂ©ment s’ouvrir les uns aux autres. Jeu dramatique 1. Choisir un couplet du livre et le jouer seul ou Ă  plusieurs ; 2. Apprendre par cƓur un ou deux refrains puis progressivement improviser des histoires de fourmi noire ». Il s’agit de jouer la jubilation rĂ©citative du poĂšme se raconter des histoires Ă  dormir debout mais aussi faire tenir des histoires courtes sur leur force rĂ©citative, leur prosodie de comptine, leur entrain ludique dans et par le langage. Les ratĂ©s sont forcĂ©ment de la partie et chaque partie est toujours Ă  remettre. Documentaire Faire un bestiaire Ă  partir du livre En toutes circonstances de quatre Ă  huit pages avec des illustrations adĂ©quates ». Les Ă©lĂšves ne manqueront pas de profiter des propositions de Alain Bahuaud, l’illustrateur des poĂšmes d’Albane GellĂ©, qui utilise les techniques du collage. Les bĂȘtes » du bestiaire peuvent au demeurant s’humaniser ou se chosifier au grĂ© des trouvailles plastiques et verbales
 La parole vive Deux personnages de deux couplets diffĂ©rents de En toutes circonstances dialoguent ». La notion de personnage est ici Ă  prendre dans sa plus grande extension. Exemples de dialogues possibles entre les chanteurs de rock » et la vieille dame » ou entre le cheval en colĂšre » et le placard ouvert »  *** Ces quatre activitĂ©s ne cherchent pas Ă  faire le tour de tous les dĂ©tails circonstances » ! du poĂšme mais Ă  lancer le mouvement qui l’anime celui d’une ritournelle qui met tous les sens au diapason d’une jubilation enfantine des plus Ă©couteuses comme le montre dĂšs le dĂ©but la premiĂšre sĂ©quence du premier couplet si le ciel est un peu en dĂ©sordre c’est pour faire joli ? La question qui ressemble Ă  toutes celles des enfants combien d’étoiles y a-t-il dans le ciel ? » reste nĂ©anmoins prudente un peu » vient renforcer la proposition hypothĂ©tique tout en proposant sur le mode interrogatif une rĂ©ponse pour faire joli » qui empĂȘche toute instrumentalisation du jeu enfantin. Ce que confirmerait une autre sĂ©quence prise au troisiĂšme couplet trĂšs trĂšs loin les Ă©toiles se demandent si c’est possible une seule fois de redescendre pas pour longtemps Ces parenthĂšses commentatives mettent beaucoup d’humour et de prudence dans le jeu enfantin qui est toujours la tentative de refaire le monde sans le dĂ©truire, bref de le faire jouer un peu, beaucoup, passionnĂ©ment
 *** On peut facilement parier qu’à l’issue de ces activitĂ©s, beaucoup d’élĂšves auront mĂ©morisĂ© nombre de passages du livre. Ce petit livre d’Albane GellĂ© les aura mis au cƓur d’une parole libre, assez jubilatoire mais Ă©galement pleine d’interrogations naĂŻves ou abyssales mais toujours joueuses et, en fin de compte, rieuse pour ne pas dire rimeuse »  C’est qu’au cycle 2, on poursuit tout ce que le cycle 1 a engagĂ© l’attention au langage dans toutes ses composantes puisque la dimension prosodique voire pragmatique des textes n’y est jamais oubliĂ©e car, Ă  n’importe quel Ăąge mais particuliĂšrement Ă  l’ñge oĂč l’on apprend Ă  lire, la parole, qu’elle soit Ă©crite ou orale, est Ă  la hauteur d’un acte qui transforme le monde, change le locuteur et emporte l’auditeur. Pas de sĂ©quences poĂ©sie » sans livres de poĂšmes ! Ce premier impĂ©ratif demande quelques remarques. Si les livres sont chers, ils restent indispensables ne serait-ce qu’un livre dans les mains de l’enseignant et les poĂšmes ne sont plus les mĂȘmes ! Ils viennent du livre autant sinon plus que de la bouche du professeur ! Ces livres sont constamment Ă  la disposition des Ă©lĂšves tout simplement parce que c’est l’Ɠuvre qu’il s’agit de transmettre et non telle ou telle notion, tel ou tel savoir . Aussi on abandonnera dĂ©finitivement les mauvaises habitudes qui parfois cachaient aux Ă©lĂšves tout ou partie de l’Ɠuvre et du livre sous des prĂ©textes fallacieux divers ; celui de l’anticipation Ă©tant le plus curieux puisqu’au prĂ©texte de travailler cette facultĂ© on interdisait aux Ă©lĂšves de dĂ©couvrir l’Ɠuvre en les privant de celle-ci
 alors que la facultĂ© anticipatrice n’a qu’à ĂȘtre exercĂ©e et si elle doit ĂȘtre rĂ©flĂ©chie, elle peut l’ĂȘtre toujours a posteriori et non a priori allez donc au cinĂ©ma et coupez le film au bon moment, vous verrez que les spectateurs demanderont le remboursement du ticket d’entrĂ©e ! Ces mĂȘmes spectateurs n’ont pas besoin qu’on coupe le film pour exercer leur facultĂ© d’anticipation ! Tout lecteur sait bien qu’elle est en Ă©veil constant ; ce qui n’empĂȘche pas que des activitĂ©s visant Ă  observer l’activitĂ© d’anticipation, Ă  augmenter sa puissance ne soient organisĂ©es dans la classe, mais jamais elles ne doivent l’ĂȘtre au dĂ©triment de la dĂ©couverte d’une Ɠuvre littĂ©raire et encore moins poĂ©tique ! C’est pourquoi, toutes ces sĂ©quences visent Ă  faire connaĂźtre le plus rapidement possible l’intĂ©gralitĂ© de l’Ɠuvre ; la premiĂšre condition Ă©tant que le livre soit toujours accessible pour tous et chacun. Le mieux Ă©tant certainement que chacun en dispose mais les conditions matĂ©rielles de l’enseignement ne le permettant pas toujours, l’enseignant saura le mettre Ă  disposition de chacun par divers moyens un livre par groupe d’élĂšves, un livre par Ă©lĂšve pour un groupe qui rĂ©alise une activitĂ© avec l’Ɠuvre pendant que les autres font autre chose dans un autre domaine et quoiqu’il en soit le livre prĂ©sent dans la classe, bien visible et lisible Ă  tous moments en classe. Le lecteur de ces billets ne manquera pas de lire l’ensemble de ces sĂ©quences indĂ©pendamment du niveau dont il est chargĂ© car nous dĂ©veloppons des points particuliers dans chaque sĂ©quence et inversement nous passons plus rapidement sur des aspects dĂ©jĂ  traitĂ©s dans des sĂ©quences antĂ©rieures. Tout particuliĂšrement, le lecteur lira la premiĂšre sĂ©quence puisqu’elle permet de donner concrĂštement le cadre gĂ©nĂ©ral de la conception de ces sĂ©quences. Ajoutons qu’un enseignant peut fort bien selon les circonstances se nourrir des maniĂšres de faire qui font les lectures et la programmation de sa classe Ă  un autre niveau que celui de ses Ă©lĂšves
 Nous proposons ci-dessous une programmation d’Ɠuvres pour l’école et le collĂšge avec des variantes possibles. À raison de deux ou trois Ɠuvres par an, un Ă©lĂšve aurait en fin de cycle un corpus de 7 Ɠuvres poĂ©tiques intĂ©grales, puis en fin d’école primaire, au moins 14 Ɠuvres et en fin de scolaritĂ© obligatoire, environ 24 Ɠuvres, ce qui est loin d’ĂȘtre nĂ©gligeable ! RĂȘvons Ă  cette bibliothĂšque de 24 Ɠuvres poĂ©tiques qui constituerait le socle commun d’un enseignement avec les poĂšmes ! Cette programmation peut paraĂźtre assez arbitraire mais elle rĂ©pond toutefois aux critĂšres suivants Ă©quilibrer les Ɠuvres pour que la poĂ©sie reste en tension voir toute la premiĂšre partie de cet ouvrage, varier les voix pour que la pluralitĂ© appelle chacun Ă  entendre sa propre diversitĂ© et donner Ă  entendre la force du langage avec des Ɠuvres qui engagent tout ce qu’on a de meilleur et de fort. Les rĂ©fĂ©rences prĂ©cises des ouvrages sont donnĂ©es en bibliographie sur cette page Cycle 2 GS CP CE1 ƒuvres Luce Guilbaud, Qui, que, quoi ? Albane GellĂ©, En toutes circonstances Robert Desnos, Chantefables et Chantefleurs EugĂšne Guillevic, Échos, disait-il Victor Hugo, Chansons pour faire danser en rond les petits enfants et autres poĂšmes Jean-Marie Henry, Le Tireur de langue Jean-Damien ChĂ©nĂ©, J’ai un chut ! dans la gorge Cycle 3 CE2 CM1 CM2 Le ClĂ©zio, Sirandanes Jean-Pascal Dubost, C’est corbeau Pierre Marchand et Vincent Besnier, La mer en poĂ©sie Lucien Suel, Visions d’un jardin ordinaire Jacques Roubaud, Les Animaux de tout le monde James SacrĂ©, AnacoluptĂšres Jean-Marie Henry, Tour de terre en poĂ©sie CollĂšge 6e 5e 4e 3e Jeanne Gatard, La Grande gigue Jean-François Bory, Le Cagibi de MM. Fust et Gutenberg Antoine Emaz, De l’air Jean Tardieu, L’Accent grave et l’accent aigu Daniel Biga, La Chasse au haĂŻku Blaise Cendrars, Feuilles de route Jean de La Fontaine, Les Fables, Livre 1 ValĂ©rie Rouzeau, Pas revoir Henri Meschonnic, Les cinq rouleaux Jacques PrĂ©vert, Histoires Quelques remarques complĂ©mentaires afin de mieux comprendre une telle programmation dont on peut s’inspirer pour en Ă©tablir d’autres, la renouveler partiellement, la complĂ©ter avec d’autres lectures
 Si on ne peut parler de lecture de livres de poĂšmes en cycle 1, il va de soi que la lecture de poĂšmes y est par contre tout Ă  fait nĂ©cessaire et utile. Aussi nous incluons dans notre programmation deux ouvrages destinĂ©s Ă  la grande section dont on connaĂźt le statut Ă  cheval » sur les deux cycles. L’ouvrage de Luce Guilbaud est explicite par son titre et montre comment les poĂšmes font autant mouvement avec les questions qu’avec les rĂ©ponses ici les rĂ©ponses sont dans le mouvement de la devinette dont on sait que l’intĂ©rĂȘt rĂ©side autant sinon plus dans le jeu de l’interlocution que dans la rĂ©ponse finale. L’illustration et la mise en page avec un jeu de cache entrent pleinement dans l’activitĂ© des poĂšmes-devinettes qui font patienter, rĂȘver, jouer. Le livre d’EugĂšne Guillevic continue cette pratique interlocutive doublement. Paroles rapportĂ©es, ces poĂšmes constituent Ă©galement autant d’échos Ă  ce qui n’a pas de source prĂ©cise mais qui permet une recherche infinie de l’altĂ©ritĂ© et surtout un jeu de la relation. Comme pour le livre prĂ©cĂ©dent, l’accompagnement illustratif est indispensable et poursuit la chaĂźne des Ă©chos. L’ouvrage qui ouvre l’école Ă©lĂ©mentaire Ă  la lecture intĂ©grale d’un livre de poĂšmes est pris Ă  une collection particuliĂšrement fĂ©conde, Le farfadet bleu », dont les livres constituent Ă  la fois de vrais livres de poĂšmes plus que de simples recueils d’autant plus que les accompagnements graphiques participent chaque fois singuliĂšrement au projet. Si certains ouvrages peuvent convaincre plus que d’autres, tous constituent une premiĂšre collection qui pourra accompagner les jeunes lecteurs tout au long de leur scolaritĂ©. En toutes circonstances poursuit les pratiques poĂ©tiques de l’école maternelle qui mettent le corps-langage dans une jubilation certaine tout en introduisant Ă  une pensĂ©e du langage en actes qu’un Robert Desnos viendra confirmer en fin de cycle avec son livre universellement reconnu et devenu un monument patrimonial dans la bouche des enfants eux-mĂȘmes. Aussi faudrait-il montrer le continu d’une poĂ©sie contemporaine, celle d’Albane GellĂ© avec des monuments » scolaires anciens que sont devenus Hugo puis Desnos. Les chansons de Victor Hugo n’imitent pas la chanson enfantine mais introduisent dans la grande poĂ©sie la fraĂźcheur enfantine et dĂ©rident le sĂ©rieux patrimonial en mĂȘme temps. Lire une anthologie des jeux de mots avec ce titre qui leur donne un enjeu tout autre que seulement le ludisme gratuit d’une enfance naĂŻve voire bĂȘte, c’est montrer dĂšs le cycle 2 que le langage n’est pas coupĂ© en deux le discours sĂ©rieux et ce qui ne veut rien dire mais bien continu car tirer la langue » c’est sĂ©rieux comme n’importe quel jeu de mots l’enjeu est bien celui de la force du langage plus que le seul plaisir des mots. Le petit livre de devinettes de Jean-Damien ChĂ©nĂ© dont les illustrations de Bernadette ChĂ©nĂ© redoublent l’intĂ©rĂȘt, vient poursuivre cet enjeu. il fait du livre l’objet mĂȘme de la lecture voir ses index alphabĂ©tique », index matiĂšre » et sommaire » ce qui met le jeu de mots dans le poĂšme et donc dans la voix, le geste, le corps-langage plus que dans une mĂ©taphysique des mots, des lettres ou de l’écriture Ă  laquelle on soumet plus tĂŽt qu’on ne le pense les lecteurs Ce qu’il vous plaĂźt ne le sachant pas, de chercher, puis-je pouvons-nous l’écrire s’il nous plaĂźt ? ChĂ©nĂ©, 2002, p. 51 Le cycle 3 s’ouvre alors sur un semblable recueil de devinettes qui viennent de loin et dont Jean-Marie-Gustave Le ClĂ©zio et son Ă©pouse nous offrent avec la version originale de belles traductions. Des Ăźles Maurice, nous devinons toute la richesse d’une vie qui emmĂȘle la nature, la culture, les bĂȘtes et les hommes, le corps et le langage jusque dans les couleurs vives de ces broderies qui illustrent les sirandanes. Elles illustrent ainsi le jeu infini de la dĂ©couverte du monde et de l’homme avec les poĂšmes des devinettes jeu de la relance, jeu de la relation. C’est que le poĂšme nous fait revoir le monde. Ainsi Lucien Suel et son jardin ordinaire » met les visions » dans notre langage de tous les jours avec les moyens du poĂšme. Passer des devinettes ancestrales Ă  une Ă©criture d’aujourd’hui qui rappelle sans nostalgie tout ce qui disparaĂźt sous nos yeux ces jardins ouvriers qui assuraient plus qu’un approvisionnement substantiel une vie de rĂȘve dans une vie de labeur
 Si le poĂšme fait rĂȘver c’est pour mieux vivre, pour vivre la vraie vie. Dans la vraie vie, il y a la mort et Jean-Pascal Dubost raconte cette arrivĂ©e avec son corbeau ». Cette Ă©criture de notations qui construit un journal d’impressions montre comment le poĂšme peut transformer des jours sans lendemain en une vie qui n’a pas fini de laisser vivre l’intrusion de l’étrange, de l’altĂ©ritĂ© radicale, dans nos vies. Cette Ă©criture est lancĂ©e par le prĂ©sentatif du titre c’est corbeau ». Le poĂšme invente sa grammaire comme il invente la vie. Mais jamais il ne l’invente dans l’isolement, dans l’incommunicabilitĂ©. Le livre de Jacques Roubaud voir pour sa lecture intĂ©grale le livre d’AgnĂšs Perrin, 2004, dans la longue tradition des bestiaires que ce cycle 3 explore en filigrane jusqu’à James SacrĂ© et ses AnacoluptĂšres, rassemble les animaux comme il rassemble tout le monde. Ces jeux qui sont souvent des clins d’Ɠil amicaux mettent en verve le lecteur comme dans une grande parade et les dĂ©guisements animaliers ouvrent au carnaval des discours, des genres ; alors le poĂšme mĂšne la danse. Deux anthologies viennent complĂ©ter ces livres d’auteurs une anthologie thĂ©matique autour de la mer et une anthologie de poĂ©sies du monde entier avec les versions originales qui montrent la diversitĂ© des langues et des cultures tout en signalant certainement trop rapidement que les poĂšmes ne connaissent pas les frontiĂšres, qu’il suffit de chercher sa voix pour dire l’altĂ©ritĂ© dans sa langue. De telles anthologies ne sont que des portes ouvertes vers des lectures multiples, des lectures toujours plus appropriĂ©es qui font de chacun un sujet du langage. Au collĂšge, la classe de sixiĂšme peut permettre de dĂ©couvrir un personnage qui n’existe qu’en poĂšme, La Grande Gigue de Jeanne Gatard ouvre Ă  cette existence que seul le poĂšme permet d’inventer. Force du geste qui met du corps dans des proses pleines de poĂšme au singulier car il s’agit bien de chercher du poĂšme. En sixiĂšme on peut alors partir pour une chasse au poĂšme Ă  la maniĂšre de cette chasse au haĂŻku que Daniel Biga propose dans ses notations ultrarapides et quotidiennes. Cette Ă©criture prosaĂŻque met le poĂšme dans la vie Ă  condition qu’on entende ce que le poĂšme invente et dispose en ouvrant les yeux et les oreilles comme on n’a pas l’habitude. Il faudrait aussi se lancer dans la lecture des textes fondateurs » comme le demandent les Programmes, pas seulement pour en dĂ©couvrir un succĂ©danĂ© Ă©vĂ©nementiel, mais d’abord pour en entendre une voix ou plutĂŽt des voix qui nous font nous dĂ©couvrir. L’écriture du poĂšte et traducteur Henri Meschonnic fait venir Ă  nous cette oralitĂ©-lĂ  trĂšs ancienne et trĂšs moderne parce qu’elle met Ă  vif l’épopĂ©e de nos vies. Ces cinq rouleaux font cinq livres de poĂšmes qu’il est indispensable de lire dans nos voix, dans toutes les voix de la classe. C’est un voyage, non seulement dans le temps chronologique et historique, mais surtout dans le temps subjectif d’un rĂ©citatif infini, dans le temps divin qui met l’homme Ă  l’écoute de l’humain. Aventure que poursuit Ă  sa façon un livre de poĂšmes comme celui de Blaise Cendrars. Cette recherche du poĂšme de l’altĂ©ritĂ© est Ă©galement au principe de l’activitĂ© typographique des textes de Jean-François Bory qui fait Ă©cho d’une maniĂšre trĂšs ludique et savante Ă  l’hĂ©ritage poĂ©tique qu’un Ă©lĂšve de cinquiĂšme peut alors Ă©voquer en n’hĂ©sitant pas Ă  passer d’un livre Ă  l’autre, du palais des Belles-Lettres au Cagibi de MM. Fust et Gutenberg, du manuscrit au tapuscrit, etc. Retrouver deux grands auteurs scolaires en quatriĂšme, La Fontaine et PrĂ©vert, c’est l’occasion de faire De l’air comme nous y invite Antoine Emaz ! Les Ă©lĂšves ne peuvent alors que relire ces vieux auteurs pour les retrouver tout neufs, pleins de force. Fables » et histoires » deviennent alors non des poĂ©sies » Ă  rĂ©citer mais des textes qui demandent de les vivre dans des activitĂ©s oĂč le corps, la voix, la parole se multiplient, s’ouvrent Ă  l’inconnu, se poursuivent dans des relations qui n’en reviennent pas de se trouver
 C’est ce que Antoine Emaz fait avec son journal qui cherche le poĂšme de chaque jour, de chaque sensation, de chaque humeur. Et alors la poĂ©sie fait respirer un air neuf, un air vif, un air plein de fables et de paroles vraies. La classe de troisiĂšme peut alors infinir ces lectures en poĂ©sie par deux livres dont le premier, celui de Tardieu, cherche l’accent qui nous fait toujours nous-mĂȘmes avec les autres, quand le second, celui de ValĂ©rie Rouzeau, nous fait autre avec nos plus proches. Ces passages sont toujours des inventions relationnelles pleines de langage, intensifiant des formes de vie en formes de langage et inversement. Graves ou aigus, nos noms ne sont plus des mots, mais des voix qui marchent, des pas qui font chaque fois des histoires, des histoires de lecteurs toutes indispensables pour chacun. Les poĂšmes des lectures scolaires sont alors devenus des poĂšmes de vie. La poĂ©sie est un acte. Elle n’est pas subie, elle est agie. Pierre Reverdy dans Charpier, 1956, p. 545 Les poĂšmes ne demandent qu’une chose Ă  l’école la vie ! parce qu’ils sont la vie du langage par excellence. Souvent les faux problĂšmes empĂȘchent de se rendre compte que l’école c’est tout simplement de longs moments de vie pour toutes les gĂ©nĂ©rations d’écoliers faut-il alors opposer l’école Ă  la vie ou faire rentrer la vie dans l’école ou faire sortir l’école dans la vie ? Autant de questions qui ratent le vrai problĂšme faire que les activitĂ©s scolaires soient vivantes, maintiennent et mĂȘme suscitent la curiositĂ©, l’entrain et la vivacitĂ© des Ă©lĂšves et de leurs professeurs. De ce point de vue, on ne peut considĂ©rer les poĂšmes que comme les ferments parmi d’autres d’un tel objectif puisque les poĂšmes sont ce qu’il y a de plus vivant dans le langage
 Ă  condition qu’on ne les tuent pas dans l’Ɠuf. Mais nous savons maintenant comment et pourquoi Ă©viter ce bain de sang qui se fait souvent avec les meilleures intentions puisque nous avons en main les dix clĂ©s du problĂšme ! Nous allons maintenant concevoir au moins trois modes de vie avec les poĂšmes Ă  l’école et au collĂšge, qui sont trois modes bien connus d’organisation des activitĂ©s scolaires. Nous les dissocions pour les besoins de l’exposĂ© mais ils sont Ă©troitement associĂ©s et ne vont pas l’un sans l’autre. En effet, pas de surprises sans habitudes, pas de nouveautĂ©s sans acquisitions lentes, pas d’entraĂźnements rĂ©guliers sans explorations hasardeuses et pas d’aventures merveilleuses sans de patients prĂ©paratifs
 Rituels, sĂ©quences et projets vont alors s’entrelacer pour faire vivre les apprentissages avec les poĂšmes. Les rituels constituent des habitudes que les sĂ©quences permettent de rĂ©flĂ©chir pendant que les projets organisent des sorties la poĂ©sie demande de changer un peu les habitudes langagiĂšres y compris en didactique. Alors, n’hĂ©sitons pas Ă  dĂ©placer les habitudes et la langue de bois
 L’essentiel consiste Ă  observer si nos Ă©lĂšves s’y retrouvent, c’est-Ă -dire apprennent et aiment. Comment concevoir rituels, sĂ©quences et projets ? Commençons par esquisser une conception de la sĂ©quence. Les poĂšmes demandent de ne pas se fier Ă  un seul modĂšle de sĂ©quence d’apprentissage. Il est vrai que l’école habitue dans ce domaine Ă  ce qu’on appelle le moment de poĂ©sie » et que selon les modĂšles didactiques ou le niveau, il est tantĂŽt orientĂ© vers un moment » tout Ă  fait original et spĂ©cifique, soit vers un moment » qui se confond avec d’autres. D’un cĂŽtĂ© le moment » qui, de la maternelle au cycle 3, Ă©volue de l’apprentissage collectif d’une comptine ou poĂ©sie » dans une situation fonciĂšrement interlocutive du type chorale Ă  l’apprentissage individuel d’une poĂ©sie » pour la rĂ©citer et l’illustrer ; ce dernier moment Ă©tant accompagnĂ© de menues explications prenant parfois la forme d’un questionnement de texte » pour mieux comprendre la poĂ©sie ». D’un autre cĂŽtĂ© le moment » qui, de la maternelle au cycle 3, engage dans la crĂ©ation » c’est-Ă -dire dans une production d’écrit » plus ou moins libre, parfois fort contrainte, lequel moment se conçoit comme une occasion propice Ă  l’activitĂ© d’écriture inventĂ©e en allant de la dictĂ©e Ă  l’adulte bien plus souvent collective qu’individuelle Ă  l’expression Ă©crite avec premier jet » et grille de réécriture Ă©laborĂ©e en commun, c’est-Ă -dire sous l’Ɠil vigilant de l’enseignant qui veille Ă  ce que le texte produit apparaisse comme conforme Ă  un modĂšle textuel si ce n’est poĂ©tique. Il est vrai que de nombreuses classes dans la tradition d’un Freinet, mettent ce moment sous le rĂ©gime de l’expression libre non sans renforcer une autre mythologie aussi pernicieuse que la premiĂšre qui vise l’imitation d’un moule syntaxique pendant que la seconde vise l’imitation d’un cadre thĂ©matique que le » surrĂ©alisme a offert Ă  Freinet et ses Ă©mules le texte libre » valorisant la dimension imaginative de l’activitĂ© en n’engageant que la lecture des images produites, rĂ©duisant ainsi la production langagiĂšre Ă  la nomination, d’oĂč une valorisation extrĂȘme des noms, des groupes nominaux, dĂšs qu’on est en poĂ©sie ». Nous aimerions proposer des activitĂ©s qui concourent Ă  une sĂ©quence avec des poĂšmes sans qu’aucune instrumentalisation ne dĂ©tourne les Ă©lĂšves, les lecteurs donc, de leur appropriation personnelle-collective de ces poĂšmes entendons bien qu’il s’agit de ne jamais utiliser les poĂšmes comme des prĂ©textes Ă  une quelconque activitĂ© qui les ignorerait telle que l’entraĂźnement pour la prononciation correcte du français, la diction rhĂ©torique des textes, l’imitation des modĂšles textuels y compris de ce que d’aucuns appellent le texte poĂ©tique »  Les activitĂ©s d’une sĂ©quence avec les poĂšmes viennent simplement rĂ©pondre au souci des programmes concernant les Ɠuvres littĂ©raires que les Ă©lĂšves soient mis en contact avec des textes forts, qu’ils se les approprient par les voies les plus directes, les plus simples, les plus engageantes et respectueuses de chacun. Le modĂšle » d’activitĂ©, si l’on peut employer ce terme, est celui de la reformulation, mais on comprend aussitĂŽt qu’il ne peut y avoir de modĂšle puisque chaque texte demande d’inventer ses reformulations, voire de les multiplier. Le fondement de ces reformulations qui constituent autant de modes singuliers d’appropriation, est la lecture magistrale restitution de l’Ɠuvre par la voix haute du maĂźtre. Celle-ci permet Ă  chaque Ă©lĂšve, quelles que soient ses performances en lecture, d’accĂ©der Ă  l’Ɠuvre littĂ©raire ; en effet, mĂȘme s’il s’avĂšre incapable de lire seul le texte de l’Ɠuvre, il est tout Ă  fait capable de reformuler l’Ɠuvre aprĂšs qu’on la lui ait transmise de cette maniĂšre ; c’est pourquoi aucune Ɠuvre littĂ©raire d’importance dans le dispositif didactique ne doit Ă©chapper Ă  ce mode de transmission qui n’empĂȘche nullement que les Ă©lĂšves lisent seul le texte – les activitĂ©s les y encouragent – ou d’autres textes, tout simplement parce qu’ainsi aucun Ă©lĂšve n’est exclu de la dynamique collective qu’ouvre la lecture magistrale d’une Ɠuvre et les activitĂ©s de reformulation qui vont accompagner cette lecture en vue de son appropriation par chaque Ă©lĂšve – y compris, rappelons-le, l’élĂšve le moins performant du point de vue des techniques de la lecture. Soit une Ɠuvre, l’activitĂ© d’appropriation de cette Ɠuvre par la classe et par chacun des Ă©lĂšves est celle de la multiplication des reformulations se redire, relire, réécrire, jouer, transposer, Ă©voquer, citer, manipuler
 Cette dĂ©marche est au fond celle que nous proposons pour toutes les Ɠuvres littĂ©raires qui constituent le socle commun, et donc le fonds de la culture littĂ©raire commune. Les poĂšmes, nous l’avons dit, se prĂ©sentent d’abord, comme les autres Ɠuvres littĂ©raires, sous la forme d’un livre, livre de poĂšmes d’un auteur ou anthologie
 Ils doivent donc d’abord ĂȘtre abordĂ©s Ă  ce titre dans la classe. C’est donc Ă  ce titre que les sĂ©quences les considĂšrent d’abord. Nous verrons ensuite dans les rituels et projets, d’autres maniĂšres de les rencontrer, de vivre avec eux. Si les reformulations des Ɠuvres sont forcĂ©ment multiples, il nous paraĂźt indispensable de les regrouper, quelle que soit l’Ɠuvre, dans quatre formes d’activitĂ©s de reformulation complĂ©mentaires et jamais exclusives les unes des autres mais toujours reliĂ©es voire concomitantes si possible pour une contextualisation plus gĂ©nĂ©rale, voir Martin, mai 2005 1. L’échelle lexicale il serait plus judicieux de la dĂ©nommer liste lexicale hiĂ©rarchisĂ©e » mais la mĂ©taphore de l’échelle que chaque Ă©lĂšve se construit pour grimper dans l’arbre textuel si ce n’est au ciel des constellations d’un univers textuel, l’emporterait sur le rappel des Ă©chelles d’acquisition de l’orthographe lexicale » Pothier, 2003 que nous respectons tout Ă  fait par ailleurs mais qui n’ont rien Ă  voir avec cette Ă©chelle, ce parcours de lecture personnel dans un texte prĂ©lever, lister, hiĂ©rarchiser et Ă©ventuellement titrer des Ă©lĂ©ments lexicaux du texte pour en faire ressortir une facette, une dimension, un aspect. Cela reviendrait Ă  construire un rĂ©seau qui maille le texte, le traverse soit fragmentairement soit complĂštement et ainsi l’élĂšve se donnerait des prises pour le relire et pour construire sa comprĂ©hension et son interprĂ©tation. 2. Le jeu dramatique dire le texte ou un fragment mĂȘme rĂ©duit du texte pour que sa lecture engage le corps, sa voix et ses gestes afin d’observer ce qu’il nous fait quand il nous traverse ; afin de sentir ce qui l’anime, constitue sa force, organise les Ă©nergies qui s’y rencontrent
 3. Le documentaire dĂ©couvrir le monde construit avec le texte, avec son Ă©nonciation en particulier et pas seulement son Ă©noncĂ©, en reconfigurant ce monde dans un texte documentaire qui met ce monde en rĂ©sonance avec les prĂ©occupations, les interrogations et les mondes dĂ©jĂ  construits par les lectures et les expĂ©riences antĂ©rieures. Sachant bien qu’il ne s’agit pas ici de construire une vĂ©ritĂ© scientifique mais d’agencer des informations, des notations pour apercevoir une vĂ©ritĂ© du texte dans et par sa lecture. C’est pourquoi l’exercice aurait pu aussi bien s’appeler documenteur » car il se peut que ses informations ne soient pas validĂ©es scientifiquement si elles doivent toujours l’ĂȘtre comme vĂ©ritĂ©s d’expĂ©rience de lecture. Et si mensonge il y avait, on n’oubliera pas la leçon d’Aragon avec son mentir-vrai ». 4. La parole vive faire rĂ©sonner le texte lu des paroles qu’il recĂšle mais qu’il ne livre pas explicitement en donnant la parole Ă  des protagonistes du texte, animĂ©s ou inanimĂ©s, protagonistes qui ne l’ont pas apparemment mais qui peuvent trĂšs vite la prendre si on la leur donne ; il s’agit d’écrire en je » autant de reformulations incidentes et dialogiques qui vont rĂ©sonner dans la pluralitĂ© les dire du texte souvent localement, parfois plus globalement – par exemple en fin de parcours
 pour de plus amples dĂ©veloppements sur cette derniĂšre activitĂ©, voir Martin, septembre 2005. Ces quatre activitĂ©s conduites, on peut affirmer que chaque Ă©lĂšve Ă  sa façon et la classe dans cette configuration forcĂ©ment singuliĂšre puisque articulĂ©e avec ce qu’elle aura auparavant lu et fait, se sont appropriĂ©s l’Ɠuvre littĂ©raire et en l’occurrence l’Ɠuvre poĂ©tique. Mais on perçoit bien que cela demande parallĂšlement un Ă©tayage. Les rituels et les projets vont l’apporter puisque les premiers vont permettre de renforcer des savoir-faire initiĂ©s dans les sĂ©quences et les seconds vont Ă©largir le sens d’activitĂ©s forcĂ©ment rĂ©duites aux conditions de la classe. On aura compris que le cƓur du dispositif la sĂ©quence est bien scolaire, qu’il est expĂ©rientiel et rĂ©flexif sans nĂ©gliger la dimension rĂ©pĂ©titive et entraĂźnante des rituels ni celle plus aventureuse des projets. Les poĂšmes devraient toujours s’y retrouver, du moins jamais se perdre, puisque jamais ne devraient s’imposer naturellement dans ce dispositif didactique les sĂ©parations traditionnelles que nous avons d’ores et dĂ©jĂ  bien pointĂ©es dans la perspective d’une redĂ©couverte du langage avec les poĂšmes. Proposition d’organisation de sĂ©quences littĂ©raires et donc poĂ©tiques sur deux semaines en cycle 2 et trois semaines en cycle 3. La durĂ©e Ă©tant liĂ©e Ă  l’importance quantitative de l’Ɠuvre, certaines sĂ©ances peuvent donc s’y dĂ©doubler mais le principe est fondamentalement le mĂȘme . Pour le collĂšge, on adaptera cette durĂ©e en comptant les sĂ©ances. Certaines sĂ©ances peuvent ĂȘtre plus longues que d’autres, bien entendu. Ce modĂšle » est bien Ă©videmment Ă  adapter aux temporalitĂ©s de la classe entre dĂ©but et fin d’annĂ©e et de l’Ɠuvre plus ou moins longue. SĂ©ances 1 2 3 4 5 6 7 Lecture magistrale 1 1 1 2 1 Échelle lexicale 2 2 Jeu dramatique 2 1 1 3 Documentaire 2 bis 1 bis 1 Parole vive 2 1 bis Les sept sĂ©ances montrent l’organisation des activitĂ©s suivantes La premiĂšre sĂ©ance est d’abord consacrĂ©e Ă  une dĂ©couverte de l’Ɠuvre par la lecture magistrale inaugurale puis par les premiĂšres prises lexicales personnelles sur l’Ɠuvre. La seconde sĂ©ance poursuit si ce n’est achĂšve la lecture intĂ©grale et magistrale de l’Ɠuvre et ouvre deux ateliers concomitants jeu dramatique et documentaire qui vont se poursuivre lors de la troisiĂšme sĂ©ance pour organiser quelques Ă©changes des travaux quelques rĂ©alisations dramatiques et documentaires prĂ©sentĂ©es et apprĂ©ciĂ©es. La quatriĂšme sĂ©ance dĂ©place les activitĂ©s avec l’Ɠuvre en commençant par une relecture magistrale en relisant des passages dĂ©licats ou choisis par les Ă©lĂšves
 pour lancer l’activitĂ© d’écriture personnelle, la parole vive. La cinquiĂšme sĂ©ance croise lecture magistrale et rĂ©alisations dramatiques des Ă©lĂšves veillant Ă  ce qu’un maximum d’élĂšves s’expriment devant la classe, en particulier ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de le faire lors de la troisiĂšme sĂ©ance
. La sixiĂšme sĂ©ance permet Ă  tous les Ă©lĂšves d’achever leurs travaux personnels, de les reprendre, de les amĂ©liorer. Enfin, la septiĂšme sĂ©ance vient couronner la sĂ©quence en la bouclant sur une reprise de l’Ɠuvre par l’enseignant et les Ă©lĂšves lecture magistrale et rĂ©alisations dramatiques qui ouvre Ă  une derniĂšre prise sur l’Ɠuvre peut-ĂȘtre plus problĂ©matique reprise adaptĂ©e de l’activitĂ© de l’échelle lexicale afin de lancer un dĂ©bat pour conclure provisoirement du point de vue du travail de l’Ɠuvre mais dĂ©finitivement du point de vue de son inscription obligatoire dans le temps scolaire. On remarquera que le dernier mot est aux Ă©lĂšves ils font vivre l’Ɠuvre montrant que cette derniĂšre est maintenant leur responsabilitĂ© alors que c’est l’enseignant qui l’avait ouverte. Passage d’Ɠuvre qui est un passage de sujet – nous y reviendrons dans des billets ultĂ©rieurs. Fables et voix, livres et lecteurs A dĂ©couvrir ici. Créée en 1995 par le PĂšre Hubert LeliĂšvre, alors aumĂŽnier de l'hĂŽpital romain des malades du Sida voir son tĂ©moignage, la FraternitĂ© de PriĂšre l'Evangile de la Vie est une rĂ©ponse Ă  l'appel du Serviteur de Dieu Jean Paul II d’élever vers Dieu une priĂšre urgente, d’un rĂ©veil des consciences, d’une formation, d’une prĂ©sence de charitĂ© audacieuse et inventive au service de la vie, depuis sa conception jusqu’à son terme naturel et son entrĂ©e dans la Gloire. Les paroles de l’appel du Pape Jean Paul II rĂ©sonnent encore "une grande priĂšre pour la vie, qui parcourt le monde entier, est une urgence" Evangelium Vitae,100 Un engagement de priĂšre d'une dizaine du chapelet chaque jour, est proposĂ© Ă  tous ceux qui veulent rĂ©pondre Ă  cet appel. On peut aussi y ajouter le jeĂ»ne ou tout autre proposition permettant de s'engager dans cette "contemplaction" au service de la Vie et de la Famille, demandĂ©e par Jean Paul II. Cet engagement est renouvelable chaque annĂ©e. De 2000 Ă  2004, un premier lieu est confiĂ© par l’Eglise Ă  l’Evangile de la Vie. Puis, sur la demande de Monseigneur Jean-Pierre Cattenoz, depuis l’automne 2008, la Famille Missionnaire l’Evangile de la Vie poursuit sa prĂ©sence de priĂšre, d’annonce, de contemplation et de service de l’Evangile de la Vie et de la Famille, dans l’ancien couvent du saint Sacrement, Ă  BollĂšne.

affiche à la gloire de jean corentin carré